
« Une nouvelle ère a commencé pour la Syrie. Et c’est à nouveau une période difficile » déclare Mgr Jacques Mourad, Archevêque syro-catholique de Homs. L’image présentable des nouveaux maîtres de la Syrie donnée par les médias se déchire aussi vite qu’elle a été créée. La réalité de la situation est brutale : violence, barbarie, persécutions et danger pour les chrétiens.
L’Agence Fides a recueilli les confidences de Mgr Jacques Mourad, Archevêque syro-catholique de Homs, sur la situation en Syrie depuis la prise de pouvoir par les terroristes islamistes de Hayat Tahrir al Sham (HTS) avec à leur tête le nouveau maitre du pays Abou Mohammed al Joulani, autoproclamé le 29 janvier président « par intérim » de la Syrie.
La terreur règne et les chrétiens sont à nouveau en danger, comme du temps de Daesh
Loin de l’image présentable des nouveaux maîtres de la Syrie donnée par les médias, la terreur règne et les chrétiens sont à nouveau en danger, comme du temps de Daesh.
« Mgr Jacques Mourad (…) moine de la communauté Deir Mar Musa, fils spirituel du père Paolo Dall’Oglio, a passé des mois en captivité aux mains des djihadistes de l’État islamique en 2015 » écrit en introduction de l’entretien le journaliste de l’Agence Fides Gianni Valente.
« Et aujourd’hui, en tant qu’archevêque syriaque catholique de Homs, les choses qu’il voit et entend à propos des nouvelles souffrances de la Syrie ne correspondent pas à la représentation dominante des médias, en particulier en Occident, celle qui raconte un « changement de régime », un changement de régime réussi et en cours, avec de nouveaux dirigeants islamistes en quête d’accréditation internationale, après l’effondrement du bloc de pouvoir qui s’était coagulé pendant plus de 50 ans autour du clan Assad » continue Valente qui explique :
« Le récit médiatique dominant, par exemple, ne reflète pas la violence et la peur généralisées qui ont de nouveau commencé à colorer les journées d’une bonne partie du peuple syrien. Une violence, admet Jacques Mourad, qui « ressemble à un piège dans lequel tombent tous ceux qui accèdent au pouvoir ici »».
Des personnes disparaissent, les prisons se remplissent « et là-bas, on ne sait plus qui est encore vivant ou qui est mort ».
Mgr Mourad détaille à l’Agence Fides ces diverses violences auxquelles est confronté le peuple syrien et tout particulièrement les chrétiens :
« Ces dernières semaines, explique à l’Agence Fides l’Archevêque syro-catholique de Homs, des personnes disparaissent, les prisons se remplissent « et là-bas, on ne sait plus qui est encore vivant ou qui est mort ». Des tortures sont infligées en public à ceux qui sont accusés de connivence avec le régime qui s’est effondré. Et aussi « plusieurs cas de jeunes chrétiens menacés et torturés dans la rue, devant tout le monde, pour semer la terreur et les forcer à renoncer à leur foi et à devenir musulmans ». Des crimes qui se produisent loin de Damas, où sont concentrés les journalistes. Plusieurs cas de jeunes chrétiens menacés et torturés dans la rue, devant tout le monde, pour semer la terreur et les forcer à renoncer à leur foi et à devenir musulmans.
« Les choses ne vont pas bien, et le père Mourad, écrit Gianni Valente, a l’impression que « personne ne peut rien faire » pour sortir de cette nouvelle période de peur et de vengeance. « J’accueille, dit-il, les gens. J’essaie d’encourager, de consoler, de demander de la patience, de chercher des solutions ». « Pendant la période de Noël, ajoute Mgr Jacques, j’ai fait une tournée dans nos 12 paroisses, y compris celles des villages. Encourager, garder l’espoir ensemble. Il y a eu de belles rencontres avec différents groupes. Mais lorsque la violence augmente, nos paroles et nos appels à la patience ne parviennent pas à les convaincre ». »
Mgr Mourad profite de cet entretien pour rétablir la vérité sur l’ancien régime qui était protecteur les chrétiens :
« Le régime précédent se présentait comme celui qui défendait les chrétiens. Ils ont dit : si nous partons, les fanatiques reviendront. Aujourd’hui, beaucoup de prêtres sont pessimistes quant à l’avenir. (…) Mais depuis que les nouvelles violences ont eu lieu, certains disent : « vous voyez, ce que Bachar al-Assad a dit est vrai ». Le résultat est que maintenant, encore plus qu’avant, de nombreux chrétiens ne voient pas d’autre solution que d’émigrer. Quitter la Syrie. Et il nous est difficile de dire que nous devons vivre dans l’espoir. Nous essayons, mais les gens ne croient pas nos paroles. Ce qu’ils vivent et ce qu’ils voient est trop différent. »
Le régime précédent se présentait comme celui qui défendait les chrétiens.
« Les violences subies par les jeunes chrétiens se sont manifestées par des agressions contre des individus, relate encore l’Agence Fides. Or, rapporte Jacques Mourad, lorsque la réquisition des armes a commencé, ce sont les soldats chrétiens et alaouites qui ont été désarmés. Personne n’a retiré les armes aux sunnites. « Et la réalité », ajoute-t-il, « c’est qu’il n’y a pas de gouvernement. Il existe des groupes armés, différents les uns des autres. Certains sont des fanatiques, d’autres non. Et chacun a son propre pouvoir et impose sa propre règle dans les territoires qu’il contrôle. Et ils ont beaucoup d’armes, maintenant qu’ils ont aussi pris celles de l’ancien régime. Lui aussi, comme d’autres évêques, a rencontré des représentants des nouvelles forces qui dominent le domaine. Des discours rassurants, mais les choses ne changent pas ». »
Mgr Mourad ne fait pas prognostiques pour l’avenir mais dit-il « nous continuons notre vie de paroisses et de diocèses, jour après jour » dans une société chrétienne dévastée par la guerre. « J’ai pensé que la chose à faire, la chose la plus importante, c’était de repartir des enfants, explique-t-il. On ne peut recommencer qu’à partir des enfants et des jeunes, après que la guerre aura tout effacé. Et, avec eux, repartir des choses essentielles, primordiales. »
« Nous remercions le Seigneur, conclut-il, car tant de jeunes font preuve de tant de désir, de tant de courage et de générosité. Et il en va de même pour les liturgies, et pour la reprise des pèlerinages, à Mar Musa et dans tous les autres monastères, pour raviver la mémoire, dans cette situation de pauvreté et de souffrance, qui reste très grave. Et voir si quelque chose renaît, comme une nouvelle pousse. »
Francesca de Villasmundo
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