La communication du Vatican serait-elle composée de pieds nickelés de la propagande ? C’est la question que l’on peut se poser à la vue du nouveau rebondissement dans l’affaire de la lettre de Benoît XVI au sujet de la collection intitulée La Théologie du pape François.
Le Préfet de la Secrétairerie pour la communication vaticane, Dario Edoardo Viganò, avait voulu se servir de cette lettre du pape émérite pour faire de la propagande en faveur de la théologie bergoglienne mais en omettant, dans la copie distribuée à la presse, certains paragraphes moins enthousiastes. Mal lui en a pris : cette campagne médiatique a été si mal menée que le jour suivant la divulgation de la lettre tronquée, les paragraphes censurés mais qui avaient été lus en conférence de presse étaient publiés par le vaticaniste Sandro Magister.
Et voici un nouveau coup de théâtre : un dernier, dernier, paragraphe avait été biffé, ni lu ni distribué. Il contenait une critique du pape émérite sur le choix de confier un des livres d’étude sur la théologie du pape argentin à un théologien allemand, Peter Hünermann, qui fut très critique sur le magistère, particulièrement moral, de Jean-Paul II et de Benoît XVI. La nouvelle de cette censure se répandant dans les médias via des indiscrétions, le Service de communication du Vatican a fini par publier, hier samedi 17 mars, l’intégralité de la missive de Benoît XVI avec un communiqué explicatif :
« A l’occasion de la présentation de la collection La théologie du pape François, publiée par la Librairie éditrice du Vatican, qui a eu lieu le 12 mars, une lettre du pape émérite Benoît XVI a été publiée. De nombreuses polémiques autour d’une prétendue manipulation et censure de la photographie distribuée comme accompagnement photographique s’en sont suivies. De cette lettre privée, a été lu ce qui a été jugé opportun et relatif à cette seule initiative (la publication d’un recueil sur la théologie du Pape François, ndlr), en particulier les propos du Pape émérite concernant la formation philosophique et théologique de l’actuel pontife et l’union et la continuité intérieure entre les deux pontificats, omettant quelques annotations relatives à des contributeurs du recueil. Le choix a été motivé par la discrétion et non par une quelconque intention de censure. Pour dissiper tout doute il a été décidé de rendre publique la lettre dans son intégralité. »
Une véritable campagne pour diffuser ce communiqué rectificatif est en cours auprès des différents médias officiels et officieux du Vatican : le célèbre Vatican Insider, voix officieuse s’il en est de la Rome bergoglienne, se fait l’écho, sous la plume du journaliste Andrea Tornielli, de cette explication qui ne convaincra que les naïfs, le paragraphe censuré étant particulièrement « relatif à » la collection en question. Dans ce passage, le pape émérite soulignait en effet son étonnement concernant les commentateurs de la pensée du pape François :
« Je voudrais seulement noter, en marge, ma surprise devant le fait que parmi les auteurs, figure aussi le prof. Hünermann, qui, durant mon pontificat, s’est distingué pour avoir dirigé des initiatives anti-papales. Il a participé, dans une mesure importante, à la publication de la Kölner Erklärung (« Déclaration de Cologne », ndlr), qui, en rapport avec l’encyclique Veritatis splendor a attaqué l’autorité magistérielle du Pape de façon virulente, spécialement sur des questions de théologie morale. Même la Europäische Theologengesellschaft (« Société européenne de théologiens », ndlr) qu’il a fondée, a été pensée par lui initialement comme une organisation en opposition au magistère papal. Par la suite, le sens ecclésial de beaucoup de théologiens a empêché cette orientation, faisant de cette organisation un instrument normal de rencontre entre théologiens. »
Le pape émérite concluait par un refus net de préfacer la série :
« Je suis certain que vous comprendrez ma dénégation et je vous salue cordialement, Vôtre, Benoît XVI ».
Il semble assez clair que le choix de ce théologien allemand plutôt que le manque de temps pour lire les volumes a incité Joseph Ratzinger à ne pas cautionner, par une introduction de sa main, cette collection centrée sur la théologie du pape François même si éditée par les Éditions du Vatican. Mais cette désapprobation ne remet pas pour autant en cause les premiers paragraphes louangeurs de cette lettre dans lesquels le pape émérite Benoît XVI souligne « la profonde formation philosophique et théologique » de son successeur et « la continuité intérieure entre les deux pontificats ».
Francesca de Villasmundo
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