C’est une période difficile pour les fonctionnaires du Nigeria. L’argent du gouvernement qui était détourné sur les comptes personnels des bureaucrates, jusqu’à l’année dernière, a tari subitement. Beaucoup doivent survivre maintenant avec leurs salaires, grâce à une mesure radicale, et remarquable, prise par le gouvernement du président Muhammadu Buhari

Les histoires abondent sur les petits fonctionnaires de la capitale, Abuja, qui vivent dans des maisons de luxe et conduisent des voitures de luxe européennes. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus payer l’essence. Ils retirent leurs enfants des écoles privées.

« Il y a maintenant des fonctionnaires qui doivent vivre avec leurs seuls salaires. Ils vivaient au-dessus de leurs moyens, » explique Mala Mohammad Yaro, un auditeur dans le gouvernement de l’État du Maiduguri. « Ils se plaignent maintenant. »

Le Nigeria voyait des milliards de dollars fuir des coffres du gouvernement, notamment l’argent du pétrole.

Le Nigeria figure au 136e rang parmi 167 nations sur l’indice de corruption, compilé par l’organisation Transparency International. Le premier, le moins corrompu est le Danemark, les pires étant la Corée du Nord et la Somalie.

La corruption, sous diverses formes, est tellement enracinée dans la culture nigériane que le Premier ministre britannique, David Cameron, a osé déclaré à propos du Nigéria qu’il était « fantastiquement corrompu ».

« Eh bien, je pense qu’il a raison », approuve le président Muhammadu Buhari à CNN. Le président Buhari a donc déclenché une opération anti-corruption qui a laissé les bureaucrates dans le désespoir.

À Kano, la deuxième plus grande ville du pays, un fonctionnaire qui a obtenu son emploi grâce à une relation familiale il y a 15 ans est sombre. » C’était comme une tradition », laisse-t-il tomber, »le gouvernement avait beaucoup d’argent, il ne se souciait pas de ce qui se passait. » Selon lui, les responsables de la comptabilité et du revenu étaient les pires. « Ils avaient l’habitude d’acheter des maisons, épouser de belles femmes », dit-il. « Ils envoyaient leurs enfants à l’étranger. Certains avaient beaucoup de voitures très chères. »

Le président Buhari a mis en place une réforme simple et élégante : les ministères et les organismes du gouvernement, qui détenaient auparavant quelque 10 000 comptes dans diverses banques commerciales, n’ont plus qu’un seul compte à la la banque centrale, le compte unique du Trésor.

D’un coup de stylo, une myriade d’escrocs ont été neutralisés. Les banques ne peuvent plus prêter de l’argent au gouvernement à des taux exorbitants. Les bureaucrates ne peuvent plus siphonner les intérêts bancaires. L’argent ne peut plus être discrètement détourné, les contrats gouvernementaux, scandaleusement gonflés, sont en train d’être revus à la baisse. Maintenant, le gouvernement sait où est son argent et comment il est dépensé.

« Le Compte Unique du Trésor nous a tous affectés », déplore Ibrahim. « Les fonctionnaires pleurent, parce que tout ce qu’ils faisaient avant, ils ne peuvent plus le faire. Il ne peut plus se permettre de conduire sa voiture. Même l’achat de nourriture est devenu un problème. Il est maintenant embarrassé quand les membres de sa famille, qui ont toujours dépendu de ses largesses, demandent de l’aide. « Dans notre tradition, si vous avez de l’argent, vous le donnez à votre famille », a-t-il déclaré. « Mais maintenant, je n’en ai même plus assez pour mes propres besoins. »

Un sondage de la Banque mondiale, en 2014, a révélé que 55 % des entreprises du Nigeria étaient habituées à payer des pots-de-vin ou à donner des cadeaux aux bureaucrates ou aux politiciens pour « faire avancer les choses ». Quarante-cinq pour-cent de ces entreprises ont confié que la corruption était « constante ».

Les effets de cette corruption sont simples : ils empêchent le Nigeria de mettre fin à la pauvreté par manque de fonds pour l’éducation et la santé.

La lutte anticorruption du Nigeria a été rendue urgente par la pire récession que le pays ait connu depuis trente ans, avec la baisse mondiale des prix du pétrole. L’économie a reculé de plus de 3 % au cours du seul deuxième trimestre de 2016. Le Nigeria dépensait 40 % de son budget pour payer ses seuls fonctionnaires !
La crise survient alors que les revenus pétroliers du Nigeria ont été frappés par les sabotages des rebelles du sud-est sur les pipelines passant dans les zones qu’ils contrôlent, forçant une baisse de la production d’environ 1 million de barils par jour.

Le compte unique du Trésor a réduit la corruption et a aidé le gouvernement à contrôler ses recettes, mais il laissé les banques commerciales en crise, selon Garba Ibrahim Sheka, professeur d’économie à l’Université Bayelsa à Kano. « Si nous comparons les avantages, le gouvernement a eu raison de s’attaquer au vol des fonds publics », a déclaré Sheka. « Les fonctionnaires se plaignent. Ils ont des revenus très en baisse. »
« Les affaires ont baissé de 40 % au cours de la dernière année », confirme Vashir Musa, 33 ans, un commerçant de la capitale. « Les gens n’ont plus d’argent pour le superflu ».

L’ampleur des détournements au Nigéria était colossale. Sept juges, dont deux juges de la Cour suprême, ont été arrêtés pour corruption. Le chef de l’armée, Alex Badeh, a été renvoyé pour avoir volé trois millions de dollars sur les comptes de l’armée de l’air nigériane pour s’acheter des maisons à Abuja. Un cousin de l’ancien président Goodluck Jonathan a été accusé d’avoir volé 40 millions de dollars, censés payer initialement des kits de communication tactique pour les forces spéciales du Nigeria. Un ancien chef des douanes, Abdullahi Dikko, a également été arrêté et accusé d’avoir empoché 40 millions de dollars. Un ancien conseiller à la sécurité nationale, Sambo Dasuki, aurait détourné 13 milliards de dollars.

Mais tous les fonctionnaires ne sont pas affligés par les mesures anti-corruption. Il existe encore différentes formes de corruption : des « travailleurs fantômes » qui n’apparaissent pas sur la masse salariale du gouvernement, des surtaxes sur les contrats du gouvernement et les pots-de-vin.

Ibrahim avait ainsi l’habitude de doubler son salaire en «cadeaux». « Avant, les gens donnaient de l’argent si vous faisiez quelque chose pour eux. Mais maintenant les gens n’ont pas d’argent. Les gens me donnaient des chaussures, des vêtements, même des montres pour accélèrer les procédures»
Ibrahim ne croit pas que la campagne anti-corruption va durer. Sheka, l’économiste, est d’accord. « Même si le gouvernement bloque la corruption d’un côté, une autre brèche s’ouvrira ailleurs. La corruption est dans notre sang. »

source : http://www.latimes.com

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