Dès qu’on évoque la Russie moderne, trop souvent vient à l’esprit le nom… Que dis-je, le vocable « Poutine ».

Comme si l’immense Russie ne s’incarnait que dans un seul homme.

Tout d’abord quelques notions. Lorsqu’on dit que la Russie est immense, on n’a à peu près rien dit tant ce territoire donne le vertige. Même les chiffres ne parlent pas. En revanche, si je vous dis qu’à Moscou, vous êtes moins distants de NewYork que de Vladivostok, si je vous dis que le pays compte, de Kaliningrad à Magadan, 11 fuseaux horaires, Si je vous dis que quand les habitants de Vladivostok vont au travail, les Moscovites se couchent, vous commencez à comprendre qu’un seul homme ne peut tout contrôler. Même si, le pouvoir hérité du pouvoir soviétique est très centralisé, la Russie reste une fédération pleine de contrastes et de réalités différentes.

La Russie à la fois frontalière des pays baltes, de la Pologne et de la Chine est tiraillée entre diverses influences.

L’occasion ici de tordre le cou à une première idée reçue : La Russie a assez de territoire.

Elle en a à ne plus savoir qu’en faire. De surcroît, elle a toutes les peines du monde à le peupler. Mais les contrastes et les disproportions ne s’arrêtent pas là. Sur 148 millions d’habitants, les deux grandes métropoles que sont Moscou et Saint-Pétersbourg cumulent 17 millions d’habitants. Nul ne sait jusqu’où Moscou se développera, mais la ville, malgré les difficultés administratives pour s’y installer, ne cesse de s’étendre.

À l’époque soviétique, l’URSS cherchait à s’étendre essentiellement pour des raisons idéologiques. Il fallait établir la dictature du prolétariat partout. Aujourd’hui, même si certains marqueurs idéologiques forts subsistent en Russie, la doctrine consistant à établir le socialisme dans un pays puis dans le monde n’existe plus.

Quels sont les nouveaux marqueurs idéologiques ?

Contrairement à une autre idée reçue, le pays n’est pas univoque. Il existe un certain pluralisme où des courants s’affrontent. Si le président répète à qui veut l’entendre que les choix sociétaux de la Russie sont clairement en faveur de la famille et des valeurs fondamentales, le courant mondialiste et progressiste est très actif. La relation entre la Russie et l’Occident est très ambivalente entre fascination et rejet. La marque USA se vend encore très bien et les enseignes américaines ne demandent qu’à revenir.

Peut-on parler de pluralisme des idées en Russie ?

Au moins autant que chez nous.

Il n’existe plus la surveillance qui prévalait à l’époque soviétique. Les Russes ont mis beaucoup de temps à prendre des contre-mesures après que les chaînes russes ont été interdites dans toute l’Union Européenne. Paris Berlin et Bruxelles feraient mieux de balayer devant leur porte avant de critiquer les autres. Il existe cependant une crainte réelle de l’influence étrangère. Mais peut-on réellement en vouloir aux Russes après Tbilissi et Maïdan ? Donc oui, il existe bien évidemment un contrôle sur ce qui se dit. Cependant, il n’a rien à voir avec le contrôle qui existait durant la période soviétique. Les gens oublient vite, mais à l’époque, toutes les communications téléphoniques internationales étaient écoutées, y compris depuis les ambassades. Lire à ce propos le premier cercle de Soljénitsyne. Il existe un contrôle, il existe une censure et c’est à de nombreux égards regrettable. Mais encore une fois, qu’on commence par balayer devant notre porte, au moment où les sujets tabous et les dissolutions des organisations qui déplaisent au régime se multiplient.

Poutine ne décide pas de tout. Il a des gouverneurs dans les régions, des ministres, un parlement et un secteur privé avec qui il doit composé. À noter que des courants s’opposent au sein même de certaines fractions.

Poutine est-il un ami ?

Il serait fâcheux et erroné de croire que les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Le négatif par négatif = positif fonctionne en mathématiques, pas en politique. La Russie est très diverse et, comme tous les États, n’a pas d’amis, mais des intérêts. Ceux qui ont l’intention de migrer en Russie pour retrouver la France de 1967 risquent d’être déçus. Certes, la Russie compte sur une immigration y compris idéologique, mais il ne suffira pas de montrer des photos de famille à la manif pour tous pour être admis. Partir en Russie sans parler la langue reste une gageure. Or, apprendre le russe n’est pas simple.

Même si la Russie a fait des progrès extraordinaires en matière de fonctionnement, des résidus de mentalité soviétique demeurent et se font sentir dans la gestion et la qualité des produits.

Enfin, pour terminer ce petit tour d’horizon, la politique étrangère russe n’est pas toujours lisible. Bien qu’elle prétende vouloir un nouvel ordre mondial, la Russie tient un discours très consensuel sur certains sujets à faire pâlir d’envie le gauchiste le plus extrême. Je pense notamment à l’arnaque climatique, ou encore aux discours tenu sur le colonialisme. La Russie, par exemple, est au mieux avec l’Algérie qui ne porte pas la France dans son coeur.

En conclusion m’est avis qu’il est bon de se détourner des deux extrêmes.

Les Poutinolâtres se discréditent en faisant croire qu’il n’existe aucun problème en Russie. Les Poutinophobes, quant à eux, sont totalement ridicules, incapables qu’ils sont de trouver ne serait-ce que quelques éléments positifs dans un pays qui ne cessera jamais de nous fasciner et qui, malgré tout, force le respect.

Jacques Frantz

http://www.jacquesfrantz.com

http://www.x.com/jimmy_from_ch

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