Sans doute notre aimable lecteur a-t-il vu pour la première fois ce mot. Fallait-il pour autant l’étaler sur la place publique ? L’hésitation était de mise. Il faudra dire pourquoi.
Le mot anglo-saxon de neck trouve son origine dans le français « nuque » et s’est mis à de multiples sauces linguistiques au fil du temps. Necking, désigne le « cul sec ».
Le principe de la necknomination est celui du binge-drinking aggravé de manière délirante. Il s’agit d’une activité socioculturelle du samedi soir venant des pays du nord de l’Europe. Elle consiste à avaler des alcools forts en un minimum de temps, jusqu’à l’ivresse complète. Retour à domicile par l’abstinent qui ira aimablement ramener ses amis chez eux et border leurs lits pour qu’ils décuvent tranquillement de leurs bitures.
La necknomination est apparue il y a un mois seulement. Le principe en est de se faire filmer en train d’avaler cul sec une série de verres d’alcool. Le mot de nomination peut être traduit par « proposition de candidature ». Il s’agit donc de passer ensuite la vidéo à trois amis « nominés », c’est-à-dire sensés faire la même chose et passer la consigne à trois suivants etc. Le tout par l’intermédiaire des réseaux sociaux…
Le plus inquiétant est qu’en aussi peu de temps, ce jeu curieux a connu un succès fulgurant. Pas moins de 20.000 « j’aime » sur Facebook dix jours seulement après sa création. C’est un véritable tsunami qui se déclencha. Charmant… Les conséquences sont bien sûr celles de l’alcoolisation aigüe, les mêmes que celles du binge-drinking et pour cause. Elles vont du simple mal de tête au troubles respiratoires puis au coma éthylique avec la mort à la clé. Cinq décès ont déjà été signalés en Grande-Bretagne.
Le 19 janvier dernier, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a mis en garde les Français sur cette dangereuse pratique. « Le necknomination représente un véritable danger notamment pour les jeunes… ».
La question simple est de savoir s’il y a lieu de « médiatiser » les mises en garde avec la rançon de voir se populariser une telle pratique. Jusqu’à présent, c’était « motus et bouche cousue ». Or en pratique le Dr Laurent Karila, psychiatre et addictologue à l’hôpital Paul Brousse et vice-président de SOS- Addictions, a pris le parti de faire connaître ce nouveau phénomène social à des fins de prévention. Le 25 février, le député de l’Eure François Loncle a fait une interpellation au ministre de la Santé. Il lui demandait de légiférer à propos de la diffusion sur Internet de messages incitant à la consommation d’alcool. Autant dire qu’il faut instaurer une censure sur le Web. Impossible…
La seule solution est donc la « sensibilisation ». Elle est indispensable bien que contestée car facteur de dissémination de l’information. Que penser ? Un jour une de mes excellentes clientes me raconte que sa petite fille était décédée. Cela me touchait car je l’avais mise au monde. Apparemment elle avait été victime du « jeu de foulard ». Or c’était un mot que je n’avais jamais entendu. Tout simplement parce que la presse médicale n’en avait pas parlé…
Dr Jean-Pierre Dickès
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