Un grand manque cette année : pour la première fois depuis plus de dix ans, notre cher docteur Dickès et son épouse ne sont pas là. A force de donner son temps pour des conférences, des livres, des articles, et toutes les missions Rosa Mystica, sa santé faiblit. Docteur, les Philippins et tous nos lecteurs vous remercient et prient pour vous. Bon rétablissement !
Mais nous ne sommes pas orphelins pour autant : bienvenue au docteur de Geofroy qui a pris la relève. Après avoir fait ses preuves l’année dernière, il a été accueilli à l’unanimité par tous les volontaires !
Dimanche 9 avril 2018
5h : rendez-vous à l’aéroport de Manille. Américains, Français, Belges et Allemands se retrouvent après quelques heures de sommeil. Nous avons la chance de voyager avec Philippines Airlines pour rejoindre le sud du pays, ce qui permet à plusieurs de finir confortablement leur nuit. A l’arrivée, Elaine nous accueille avec sa gentillesse habituelle, tandis que monsieur l’abbé Peron lui joue l’hymne philippin.
10h30 : c’est la messe à GenSan, dans l’église qui s’est bien améliorée depuis un an. Fini les échafaudages, les murs peints en blancs, et il y a maintenant de jolies ouvertures en hauteur. Depuis deux ans, cette paroisse a bien pris son essor, beaucoup de fidèles sont réguliers, et les catéchistes de la Légion de Marie envoient chaque dimanche des tricycles à la ronde, pour amener plus de gens à l’église.
Après le déjeuner, nous partons découvrir nos quartiers à Polomolok, lieu de la mission cette année : le gymnase pour la journée, une école et un « resort » pour les repas et la nuit.
15h30 : briefing d’Elaine en présence des personnalités locales. Il y a des représentants du LGU (unité du gouvernement local), du MHO (office municipal de la santé), et une délégation militaire pour assurer notre sécurité. Elaine, qui est native d’ici, a même réuni plusieurs anciens de sa High School Notre-Dame de Polomolok ; ils viennent passer la semaine pour rendre service, et sont facilement reconnaissables à leur tee-shirt noir avec un cœur rouge et une main bleue. Il y a également les Sœurs béthaniennes, beaucoup de Philippins de la paroisse, et bien sûr tous les volontaires des autres pays ; suite au prochain épisode pour vous les présenter. Monsieur l’abbé Timothy Pfeiffer prend la parole à son tour pour rappeler l’état d’esprit de la mission : la grande responsable est la Sainte Vierge, c’est pour conduire les âmes à elle que nous mettons en place toute cette organisation. A l’issue de la réunion, nous faisons une procession dans les rues pour honorer la Vierge et l’introniser de façon officielle sur le lieu de la mission.
Lundi 10 avril
Pendant la nuit, les volontaires philippins ont œuvré : nous arrivons dans un gymnase tout installé. IL y a douze médecins cette année : en plus des six Philippins, nous avons deux ORL, un pédiatre, un radiologue et deux généralistes. Il y a aussi une opticienne, trois dentistes et deux pharmaciennes. C’est donc une année faste ! Les volontaires viennent de nombreux pays : quinze Français, trois Allemands, un médecin polonais recruté au dernier moment, quatre Américaines dont notre infatigable Cristina, une Suisse, et deux Belges très fières que leur drapeau figure le premier sur la banderole de la mission !
Quand nous arrivons à 7h, il y a déjà une longue file d’attente. La mise en route se fait doucement : il faut un peu de temps pour coordonner tous les pôles, assurer une bonne régulation du flux des patients, et les répartir auprès des différents médecins. Tandis que notre intrépide dentiste Nelda Nesperos réussit le marathon de quatre minutes par patient (sachant que certains se font enlever plusieurs dents d’un coup !), d’autres médecins n’auront vu que quatre ou cinq malades dans la matinée. A midi, on réajuste, et le rythme est plus équilibré l’après-midi.
Côté médecine générale, il y a peu de cas marquants, si ce n’est des thyroïdes à faire examiner, et quelques abcès à enlever. Un cas grave : un homme arrive avec une grosse tumeur des sinus, qu’il a depuis septembre 2017 et qui lui déforme la moitié du visage. Il avait bien eu une biopsie fin 2017 pour confirmer le cancer, mais n’avait absolument pas les moyens de se faire soigner. Maintenant, sa tumeur est devenue inopérable… Dr de Geofroy lui prescrit des antibiotiques et des corticoïdes pour réduire l’inflammation.
Les patients défilent non stop chez l’opticienne. Alexandra a découvert la mission l’année dernière, et de retour en France, puisque ses clients lui ont régulièrement apporté des lunettes pour les Philippins, elle n’avait pas d’autre choix que de revenir ! Avec ses quelque quatre cents paires de lunettes, elle a de quoi faire des miracles. Dès ce premier jour, elle trouve que les pathologies sont plus graves qu’à GenSan. Voici quelques cas : une femme unijambiste de 64 ans se présente avec une forte myopie ; elle pleure de joie en découvrant la vie derrière ses nouvelles lunettes : « I am so happy ! so happy ! » Bien sûr, c’est aussi un moment d’émotion pour Alexandra. Elle observe quelques cas de ptérygions : c’est une maladie causée par la luminosité tropicale ; une petite peau se développe au bord de l’œil et peut déformer la cornée. Quand elle est prise à temps, il existe des collyres pour la résorber, mais ce n’est pas possible ici. Les patients repartent quand même avec des lunettes de soleil qui leur protègeront l’œil malade. Un homme de 52 ans vient consulter car il est presque aveugle ; mais aucune correction n’améliore sa vision, il doit donc avoir un problème de rétine ou un glaucome. Il est envoyé à l’hôpital pour consulter un spécialiste.
En fin de journée, nous avons chapelet et messe, avec un sermon en français cette fois. Monsieur l’abbé nous incite à bien comprendre la fête de l’Annonciation célébrée aujourd’hui : de même que la Vierge était pure pour porter son Saint Enfant, de même, nous devons être vertueux pour espérer faire du bien à nos patients et leur montrer l’amour de Dieu.
Au dîner, les troupes sont fatiguées par ce premier jour : consulter dans le bruit continuel, avec peu d’espace vital et aucun confort, vérifier et compter des quantités de médicaments pour les 350 patients vus aujourd’hui, c’est le rythme à prendre pour la semaine, sachant que nous aurons plus de monde les prochains jours. Dr de Geofroy, en digne remplaçant du Dr Dickès, nous propose un débriefing pour améliorer quelques aspects techniques. Une nuit réparatrice par-dessus, et nous serons prêts pour fournir une bonne cuvée 2018 !
Mardi 10 avril
En venant au gymnase ce matin, nous assistons à une cérémonie sympathique qui a lieu chaque mardi : l’hommage au drapeau. Il y a foule, beaucoup d’uniformes, et même un camion de détenus ! Discours, ballons aux couleurs du drapeau philippin, applaudissements. Ici, on aime son pays !
Devant le gymnase, c’est déjà l’affluence. Les premiers patients sont arrivés dès quatre heures du matin. Ils commencent une longue attente. Father Tim, l’abbé Peron, les sœurs béthaniennes, les dames de la Légion de Marie et quelques volontaires sont à l’œuvre pour les occuper : cours de catéchisme, imposition de scapulaires et de médailles miraculeuses, apprentissage du chapelet, engagements dans la Milice de l’Immaculée. Isabelle se fait l’animatrice de la « Children Area ». Jamais à cours d’idées, elle organise des jeux, des découpages, des chants, et décore un panneau avec des coloriages d’animaux, de princesses et de médailles miraculeuses ! C’est une chose de soigner les réels problèmes de santé, mais pour la plupart des Philippins, c’est le simple fait qu’on s’occupe d’eux qui leur fait du bien. Un sourire, un chant, un cadeau, une photo avec eux, et les cœurs sont gagnés !
Parmi les patients, il y a beaucoup de problèmes liés à l’hygiène, l’alimentation, et même le froid, aussi bizarre que cela paraisse : partout à l’intérieur, la climatisation est bien trop forte, on passe de 30° dehors à 18° dans les lieux fermés. Les médecins constatent surtout des problèmes respiratoires, du diabète et des infections. Pour les cas plus graves, notamment les goitres, il faut prévoir un passage par l’hôpital, et donc des frais que la mission devra prendre en charge. Un homme mal en point vient consulter, il avait eu une angioplastie (intervention sur les vaisseaux sanguins) en 2012, sans doute suite à un infarctus, et son état est inquiétant, il n’a rien fait depuis six ans pour se soigner. Ici, les gens subissent et acceptent leur vie telle qu’elle est, sans essayer de l’améliorer. Les médecins de la mission sont leur miracle de l’année : ils vont avoir des soins médicaux inimaginables en-dehors de ce contexte. Sinon, un enfant arrive presque aveugle. Joséphine lui trouve la tête anormalement petite : apparemment, la maman était gravement malade pendant la grossesse, et l’enfant en a retiré une malformation cérébrale. Là encore, on ne peut rien faire sur place, il faut donc prescrire des examens à l’hôpital. Par rapport aux autres années, Brigitte, notre pharmacienne préférée, a l’impression de donner moins de médicaments, car les patients viennent surtout pour de la petite chirurgie, ou pour avoir une ordonnance qui les fera soigner gratuitement à l’hôpital.
Pendant ce temps, monsieur l’abbé Rostand, qui avait passé deux ans aux Philippines il y a vingt-cinq ans, va plutôt à l’extérieur pour de l’apostolat dans les baranguays voisins. Ce jour, nous allons avec lui à Sulit Polomolok, où il y a déjà quatre-vingts catholiques. La « pêche » est bonne, nous repartons avec soixante-dix-sept nouveaux inscrits dans la Milice de l’Immaculée. Espérons L’abbé doit aussi administrer une extrême-onction un peu plus loin. Le passage du prêtre dans une maison est toujours un grand honneur pour les hôtes ; ils veulent donc remercier, et là, comme ils n’avaient rien chez eux, ils sont allés acheter un sandwich au Jollibee, le MacDo local !
Pour finir en beauté la journée, après avoir vu défiler pas moins de cinq cents patients, nous sommes invités par les Eagles pour un dîner de qualité. Maraming salamat !
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