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Mgr Viganò fait l’éloge de Mgr Lefebvre : « sa dénonciation du Concile et de l’apostasie moderniste est plus que jamais d’actualité »

Ci-dessous la traduction d’une partie des réponses données par Mgr Viganò aux questions posées par Stephen KOKX de Catholic Family News. Mgr Viganò aborde des questions touchant la FSSPX, Mgr Lefebvre, les sacres épiscopaux, le Motu Proprio Summorum Pontificum, et bien d’autres.

L’archevêque Viganò répond aux questions posées par Catholic Family News – 01/09/2020

Mgr Vigano répond dans une lettre datée du 1er septembre à la question que lui pose personnellement le site américain Catholic Family News : « Son Excellence a raison sur Vatican II, mais a-t-elle une idée de ce que les catholiques devraient faire ? »

Cher Mr. Kokx,

J’ai lu avec un vif intérêt votre article « Questions pour Viganò : Son Excellence a raison à propos de Vatican II, mais que pense-t-elle que les catholiques devraient faire maintenant ? », publié par Catholic Family News le 22 août. Je suis heureux de répondre à vos questions, qui portent sur des sujets très importants pour les fidèles.

Vous demandez : « À quoi ressemblerait une “séparation” de l’Église conciliaire selon l’archevêque Viganò ? » Je vous réponds par une autre question : « Que signifie se séparer de l’Église catholique selon les partisans du Concile ? » S’il est clair qu’aucun amalgame n’est possible avec ceux qui proposent des doctrines adultérines du manifeste idéologique conciliaire, il faut noter que le simple fait d’être baptisé et d’être membre vivant de l’Église du Christ n’implique pas l’adhésion à l’équipe conciliaire ; cela est vrai surtout pour les simples fidèles et aussi pour les clercs séculiers et réguliers qui, pour diverses raisons, se considèrent sincèrement comme catholiques et reconnaissent la Hiérarchie.

Ce qu’il faut plutôt clarifier, c’est la position de ceux qui, se déclarant catholiques, embrassent les doctrines hétérodoxes qui se sont répandues au cours de ces décennies, avec la conscience que celles-ci représentent une rupture avec le Magistère précédent. Dans ce cas, il est licite de douter de leur réelle adhésion à l’Église catholique, dans laquelle ils occupent cependant des fonctions officielles qui leur confèrent une autorité. Il s’agit d’une autorité exercée illicitement, si son but est de forcer les fidèles à accepter la révolution imposée depuis le Concile.

Une fois ce point clarifié, il est évident que ce ne sont pas les fidèles traditionnels – c’est-à-dire les vrais catholiques, selon les termes de saint Pie X – qui doivent abandonner l’Église dans laquelle ils ont pleinement le droit de rester et dont il serait malheureux de se séparer ; mais plutôt les modernistes qui usurpent le nom de catholiques, précisément parce que seul l’élément bureaucratique leur permet de ne pas être considérés au même titre qu’une quelconque secte hérétique. Cette revendication sert en fait à les empêcher de se retrouver parmi les centaines de mouvements hérétiques qui, au cours des siècles, ont cru pouvoir réformer l’Église à leur guise, plaçant leur fierté avant leur devoir de garder humblement l’enseignement de Notre Seigneur. Mais de même qu’il n’est pas possible de revendiquer la citoyenneté dans une patrie dont on ne connaît pas la langue, la loi, la foi et la tradition, de même il est impossible que ceux qui ne partagent pas la foi, la morale, la liturgie et la discipline de l’Église catholique s’arrogent le droit de rester en son sein et même de gravir les échelons de la hiérarchie.

Ne cédons donc pas à la tentation d’abandonner – bien qu’avec une indignation justifiée – l’Église catholique, sous prétexte qu’elle a été envahie par des hérétiques et des fornicateurs : ce sont eux qui doivent être expulsés de l’enceinte sacrée, dans un travail de purification et de pénitence qui doit commencer par chacun de nous.

Il est également évident qu’il y a de nombreux cas où les fidèles rencontrent de sérieux problèmes pour fréquenter leur église paroissiale, tout comme il y a de moins en moins d’églises où la Sainte Messe est célébrée selon le rite catholique. Les horreurs qui sévissent depuis des décennies dans nombre de nos paroisses et sanctuaires font qu’il est impossible d’assister à une « Eucharistie » sans être dérangé et sans mettre sa foi en danger, tout comme il est très difficile d’assurer une éducation catholique, de célébrer dignement les sacrements et d’avoir une solide orientation spirituelle pour soi-même et ses enfants. Dans ces cas, les laïcs fidèles ont le droit et le devoir de trouver des prêtres, des communautés et des instituts qui soient fidèles au Magistère pérenne. Et qu’ils sachent accompagner la louable célébration de la liturgie dans l’Ancien Rite par l’adhésion à la saine doctrine et aux bonnes mœurs, sans aucun affaissement sur le front du Concile.

La situation est certainement plus complexe pour les clercs, qui dépendent hiérarchiquement de leur évêque ou de leur supérieur religieux, mais qui ont en même temps le droit de rester catholiques et de pouvoir célébrer selon le rite catholique. D’une part, les laïcs ont plus de liberté de mouvement pour choisir la communauté vers laquelle ils se tournent pour la messe, les sacrements et l’instruction religieuse, mais moins d’autonomie du fait qu’ils doivent toujours dépendre d’un prêtre ; d’autre part, les clercs ont moins de liberté de mouvement, puisqu’ils sont incardinés dans un diocèse ou un ordre et sont soumis à l’autorité ecclésiastique, mais ils ont plus d’autonomie du fait qu’ils peuvent légitimement décider de célébrer la Messe et d’administrer les Sacrements selon le rite tridentin et de prêcher conformément à la saine doctrine. Le Motu Proprio Summorum Pontificum a réaffirmé que les fidèles et les prêtres ont le droit inaliénable – qui ne peut être nié – de se prévaloir de la liturgie qui exprime plus parfaitement leur foi catholique. Mais ce droit doit être utilisé aujourd’hui non seulement et pas tant pour préserver la forme extraordinaire du rite, mais pour témoigner de l’adhésion au depositum fidei [dépôt de la foi] qui ne trouve une correspondance parfaite que dans l’Ancien Rite.

Je reçois quotidiennement des lettres sincères de prêtres et de religieux qui sont marginalisés, transférés ou ostracisés en raison de leur fidélité à l’Église : la tentation de trouver un ubi consistam [un endroit où se tenir] loin de la clameur des Innovateurs est forte, mais nous devrions prendre exemple sur les persécutions que de nombreux saints ont subies, y compris saint Athanase, qui nous offre un modèle de comportement face à l’hérésie généralisée et à la fureur persécutrice. Comme mon vénérable frère, Mgr Athanasius Schneider l’a rappelé à plusieurs reprises, l’arianisme qui a affligé l’Église à l’époque du saint docteur d’Alexandrie en Égypte, était si répandu parmi les évêques qu’il laissait presque croire que l’orthodoxie catholique avait complètement disparue. Mais c’est grâce à la fidélité et au témoignage héroïque des quelques évêques restés fidèles que l’Église a su se relever. Sans ce témoignage, l’arianisme n’aurait pas été vaincu ; sans notre témoignage d’aujourd’hui, le modernisme et l’apostasie mondialiste de ce pontificat ne seront pas vaincus.

La question n’est pas de travailler à l’intérieur ou à l’extérieur : les vignerons sont appelés à travailler dans la vigne du Seigneur et c’est là qu’ils doivent rester, fut-ce au prix de leur vie. Les bergers sont appelés à paître le troupeau du Seigneur, tenir à distance les loups ravisseurs et chasser les mercenaires qui ne se soucient pas du salut des brebis et des agneaux.

Ce travail caché et souvent silencieux a été réalisé par la Fraternité Saint-Pie X, qui mérite reconnaissance pour ne pas avoir laissé s’éteindre la flamme de la Tradition à une époque où la célébration de la messe ancienne était considérée comme subversive et un motif d’excommunication. Ses prêtres ont été une saine épine dans le pied de la hiérarchie, qui a vu en eux un inacceptable point de comparaison pour les fidèles, un reproche constant de la trahison commise contre le peuple de Dieu, une inadmissible alternative au nouveau chemin conciliaire. Si leur fidélité a rendu inévitable la désobéissance au pape avec les consécrations épiscopales, grâce à celles-ci la Fraternité a pu se protéger de l’attaque furieuse des novateurs et, par son existence même, elle a permis la libéralisation de l’Ancien Rite, jusqu’alors interdit. Sa présence a permis également de faire ressortir les contradictions et les erreurs de la secte conciliaire, qui courtise constamment les hérétiques et les idolâtres tout en étant implacablement rigide et intolérante envers la Vérité Catholique.

Je considère Mgr Lefebvre comme un confesseur exemplaire de la foi et je pense qu’il est désormais évident que sa dénonciation du concile et de l’apostasie moderniste est plus pertinente que jamais. Il ne faut pas oublier que la persécution dont Mgr Lefebvre a fait l’objet de la part du Saint-Siège et de l’épiscopat mondial a surtout servi à dissuader les catholiques réfractaires à la révolution conciliaire.

Je suis également d’accord avec ce qu’observe Mgr Tissier de Mallerais à propos de la présence de deux entités à Rome : l’Église du Christ qui a été occupée et éclipsée par la structure moderniste conciliaire, qui s’est établie dans la même hiérarchie et use de l’autorité de son ministère pour l’emporter sur l’Épouse du Christ et Notre Mère.

L’Église du Christ – qui non seulement subsiste dans l’Église catholique, mais est exclusivement l’Église catholique – n’est qu’obscurcie et éclipsée par une étrange Église extravagante établie à Rome, selon la vision de la bienheureuse Anne Catherine Emmerich. Elle coexiste, comme le bon grain avec l’ivraie, dans la Curie romaine, dans les diocèses, dans les paroisses. Nous ne pouvons pas juger nos pasteurs pour leurs intentions, ni supposer qu’ils sont tous corrompus dans la foi et la morale ; au contraire, nous pouvons espérer que beaucoup d’entre eux, jusqu’ici intimidés et silencieux, comprendront, à mesure que la confusion et l’apostasie se répandent, la tromperie dont ils ont été victimes et sortiront enfin de leur sommeil. De nombreux laïcs élèvent la voix ; d’autres suivront nécessairement, avec de bons prêtres, certainement présents dans chaque diocèse. Ce réveil de l’Église militante – j’oserais presque parler de résurrection – est nécessaire, urgent et inévitable : aucun fils ne tolère que sa mère soit outragée par les serviteurs, ou que son père soit tyrannisé par les administrateurs de ses biens. Le Seigneur nous offre, dans ces situations douloureuses, la possibilité d’être ses alliés pour mener cette sainte bataille sous sa bannière : le Roi qui est victorieux de l’erreur et de la mort nous permet de partager l’honneur de la victoire triomphale et la récompense éternelle qui en découle, après avoir enduré et souffert avec lui.

Mais pour mériter la gloire immortelle du Ciel, nous sommes appelés à redécouvrir – dans une époque émasculée et dépourvue de valeurs telles que l’honneur, la fidélité à la parole donnée et l’héroïsme – un aspect fondamental de la foi de tout baptisé : la vie chrétienne est une milice, et avec le sacrement de confirmation, nous sommes appelés à être des soldats du Christ, sous l’insigne duquel nous devons lutter. Bien sûr, dans la plupart des cas, il s’agit essentiellement d’un combat spirituel, mais au cours de l’histoire, nous avons vu combien souvent, face à la violation des droits souverains de Dieu et de la liberté de l’Église, il a également fallu prendre les armes : c’est ce que nous enseigne la résistance acharnée pour repousser les invasions islamiques à Lépante et dans les environs de Vienne, la persécution des Cristeros au Mexique, des catholiques en Espagne, et encore aujourd’hui la guerre cruelle contre les chrétiens dans le monde entier. Jamais comme aujourd’hui nous ne pouvons comprendre la haine théologique des ennemis de Dieu, inspirée par Satan. L’attaque de tout ce qui rappelle la Croix du Christ – la Vertu, le Bien et le Beau, la pureté – doit nous inciter à nous lever, dans un élan de fierté, pour revendiquer notre droit non seulement à ne pas être persécutés par nos ennemis extérieurs, mais aussi et surtout à avoir des pasteurs forts et courageux, saints et craignant Dieu, qui feront exactement ce que leurs prédécesseurs ont fait pendant des siècles : prêcher l’Évangile du Christ, convertir les individus et les nations, et étendre le Royaume du Dieu vivant et véritable dans le monde entier.

Nous sommes tous appelés à faire un acte de Force – une vertu cardinale oubliée, qui rappelle en grec, non par hasard, la force virile, ἀνδρεία [andreia] – en sachant résister aux modernistes : une résistance qui s’enracine dans la Charité et la Vérité, qui sont des attributs de Dieu.

Si vous ne faites que célébrer la messe tridentine et prêcher la saine doctrine sans jamais mentionner le Concile, que peuvent-ils vous faire ? Vous expulser de vos églises, peut-être, et puis quoi ? Personne ne pourra jamais vous empêcher de renouveler le Saint Sacrifice, même s’il se trouve sur un autel de fortune dans une cave ou un grenier, comme l’ont fait les prêtres réfractaires pendant la Révolution française, ou comme cela se passe encore aujourd’hui en Chine. Et s’ils essaient de vous éloigner, résistez : le droit canon sert à garantir le gouvernement de l’Église dans la poursuite de ses objectifs premiers, et non à le démolir. Cessons de craindre que la faute du schisme incombe à ceux qui le dénoncent, et non, au contraire, à ceux qui le réalisent : les schismatiques et les hérétiques sont ceux qui blessent et crucifient le Corps Mystique du Christ, et non ceux qui le défendent en dénonçant les bourreaux !

Les laïcs peuvent s’attendre à ce que leurs ministres se comportent ainsi, préférant ceux qui prouvent qu’ils ne sont pas contaminés par les erreurs actuelles. Si une messe devient une occasion de torture pour les fidèles, s’ils sont contraints d’assister à des sacrilèges ou de supporter des hérésies et des divagations indignes de la Maison du Seigneur, il est mille fois préférable d’aller dans une église où le prêtre célèbre dignement le Saint Sacrifice, dans le rite que nous donne la Tradition, avec une prédication conforme à la saine doctrine. Lorsque les curés et les évêques réaliseront que le peuple chrétien exige le Pain de la Foi, et non les pierres et les scorpions de la néo-Église, ils mettront de côté leurs craintes et se conformeront aux demandes légitimes des fidèles. Les autres, véritables mercenaires, se montreront pour ce qu’ils sont et ne pourront rassembler autour d’eux que ceux qui partagent leurs erreurs et leurs perversions. Ils seront éteints par eux-mêmes : le Seigneur assèche le marécage et rend aride la terre sur laquelle poussent les ronces ; il éteint les vocations dans les séminaires corrompus et dans les couvents rebelles à la Règle.

Les fidèles laïcs ont aujourd’hui une tâche sacrée : conforter de bons prêtres et de bons évêques, se rassemblant comme des moutons autour de leurs bergers. Leur offrir l’hospitalité, les aider, les consoler dans leurs épreuves. Créer une communauté dans laquelle le murmure et la division ne prédominent pas, mais plutôt la charité fraternelle dans le lien de la Foi. Et puisque dans l’ordre établi par Dieu – κόσμος [kosmos] – les sujets doivent obéir à l’autorité et ne peuvent faire autrement que lui résister lorsqu’elle abuse de son pouvoir, aucune faute ne leur sera imputée pour l’infidélité de leurs dirigeants, sur lesquels repose la très grave responsabilité de la manière dont ils exercent le pouvoir vicaire qui leur a été confié. Nous ne devons pas nous rebeller, mais nous opposer ; nous ne devons pas nous réjouir des erreurs de nos pasteurs, mais prier pour eux et les admonester respectueusement ; nous ne devons pas remettre en cause leur autorité, mais la façon dont ils l’utilisent.

Je suis certain, avec une certitude qui me vient de la Foi, que le Seigneur ne manquera pas de récompenser notre fidélité, après nous avoir punis pour les fautes des hommes d’Eglise, en nous accordant de saints prêtres, de saints évêques, de saints cardinaux, et surtout un saint Pape. Mais ces saints naîtront de nos familles, de nos communautés, de nos églises : des familles, des communautés et des églises dans lesquelles la grâce de Dieu doit être cultivée avec une prière constante, avec la fréquentation de la Sainte Messe et des Sacrements, avec l’offrande des sacrifices et des pénitences que la Communion des Saints nous permet d’offrir à la Divine Majesté afin d’expier nos péchés et ceux de nos frères, y compris ceux qui exercent l’autorité. Les laïcs ont un rôle fondamental à cet égard, en gardant la Foi au sein de leurs familles, de telle sorte que nos jeunes qui sont éduqués dans l’amour et dans la crainte de Dieu puissent un jour être des pères et des mères responsables, mais aussi de dignes ministres du Seigneur, ses hérauts dans les ordres religieux masculins et féminins, et ses apôtres dans la société civile.

Le remède à la rébellion est l’obéissance. Le remède contre l’hérésie est la fidélité à l’enseignement de la Tradition. Le remède au schisme est la dévotion filiale pour les Pasteurs Sacrés. Le remède à l’apostasie est l’amour pour Dieu et sa Très Sainte Mère. Le remède au vice est l’humble pratique de la vertu. Le remède à la corruption des mœurs est de vivre constamment en présence de Dieu. Mais l’obéissance ne peut être pervertie en servilité impassible ; le respect de l’autorité ne peut être perverti en obéissance à la cour. Et n’oublions pas que si c’est le devoir des laïcs d’obéir à leurs Pasteurs, c’est un devoir encore plus grave des Pasteurs d’obéir à Dieu, usque ad effusionem sanguinis [jusqu’à l’effusion du sang].

† Carlo Maria Viganò, Archevêque,  1er septembre 2020

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