Site icon medias-presse.info

Mgr Athanasius Schneider : les cardinaux doivent demander au pape la révocation de Fiducia supplicans

Ce document – Fiducia supplicans – sape clairement la loi naturelle et révélée de Dieu concernant le mariage et la signification et l’exercice de la sexualité humaine.

Dans cette première intervention depuis la publication le 18 décembre de Fiducia supplicans par le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Víctor Manuel Fernández, l’évêque auxiliaire d’Astana, au Kazakhstan, affirme que la déclaration « sape clairement la loi naturelle et révélée de Dieu concernant le mariage et la signification et l’exercice de la sexualité humaine.» et par conséquent « ne peut être l’expression du Magistère authentique de l’Église et perd toute autorité contraignante. »   

Dans cette entretien exclusif donné à The Remnant, Mgr Schneider explique comment les évêques diocésains devraient réagir au mieux, ce que les prêtres peuvent faire si un couple de même sexe leur demande une « bénédiction » et comment les parents peuvent faire face à des difficultés impliquant leur fils ou leur fille avec une foi surnaturelle.

Voici le texte intégral de l’entretien accordé à Diane Montagna de The Remnant par Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte-Marie à Astana (Kazakhstan).

Diane Montagna : Votre Excellence, quelle a été votre première impression face à Fiducia Supplicans : sur la signification pastorale des bénédictions, publiée le 18 décembre par le préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi, le cardinal Victor Manuel Fernández, et signée [1] par le pape François ?

Mgr Schneider : Ce document et son utilisation effrontée de mots pieux me sont apparus comme un artifice pharisaïque et une moquerie à l’égard de la loi naturelle et révélée de Dieu. S’il avait appliqué Fiducia supplicans, saint Jean-Baptiste aurait pu donner une « bénédiction spontanée » et « pastorale » à l’union irrégulière entre Hérode et Hérodiade.

Comme l’a noté Vatican News dans son article initial, c’est la première fois que la Congrégation (devenu aujourd’hui le Dicastère) pour la Doctrine de la Foi publie une déclaration depuis que le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la CDF, a publié Dominus Iesus. Quel est le poids ou l’autorité d’un tel document ?

Ce document sape clairement, même si c’est de manière rusée, la loi naturelle et révélée de Dieu concernant le mariage et la signification et l’exercice de la sexualité humaine. Il ne peut donc en aucun cas être l’expression du Magistère authentique de l’Eglise et se voit dépourvu de toute autorité contraignante. En effet, le Magistère authentique « n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, (…) il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité » (Concile Vatican II, Dei Verbum, 10).

Est-il vrai, comme certains l’ont avancé, que Fiducia supplicans permet seulement la bénédiction d’individus se trouvant dans des situations irrégulières, et non la bénédiction de la situation irrégulière elle-même, et que, de fait, « rien n’a changé » ?

C’est de la sophistique à l’état pur, un manque d’honnêteté intellectuelle, ou alors de l’ignorance. Le but du document, comme il le précise explicitement d’emblée, est de donner « la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe ». Il est inutile de publier un document magistériel spécifique pour bénir une personne qui se repent vraiment de son infidélité adultère (situation irrégulière) ou de son mode de vie homosexuel.

Pourrait-on « bénir publiquement des syndicats du crime organisé » ?

Imagine-t-on que l’Eglise puisse publier une déclaration autorisant les prêtres à bénir publiquement des syndicats du crime organisé, en les distinguant de leurs activités criminelles, afin de valoriser « tout ce qui est vrai, bon et humainement valable » dans la vie de leurs membres ? Fiducia supplicans constitue une vaste tromperie et contredit la logique élémentaire. On peut appliquer à ses affirmations les mots de saint Athanase décrivant les évêques semi-ariens de son temps : ils « s’enveloppent éternellement dans l’ambiguïté et les interprétations perfides » (Ep. ad Episcopos Aegypti et Libyae).

Comment les évêques diocésains devraient-ils, selon vous, répondre à Fiducia supplicans ?

La seule façon pour les évêques vraiment catholiques d’y répondre est de rejeter résolument la Déclaration, car elle permet aux prêtres d’accomplir un acte intrinsèquement immoral en invoquant – par le biais d’une bénédiction – le saint nom de Dieu sur une situation objectivement pécheresse et publiquement connue. La réaction rapide des évêques qui ont interdit à leurs prêtres de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe (par exemple, l’archevêque de Sainte-Marie à Astana, au Kazakhstan, le chef de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne, les conférences épiscopales de Pologne, du Malawi, de Zambie, du Ghana, du Cameroun et du Zimbabwe) a été une source de grande consolation et d’encouragement pour de nombreux prêtres et fidèles catholiques, tout comme la lettre que le cardinal président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) a adressée aux présidents de toutes les conférences épiscopales locales, dans laquelle il déclare que « l’ambiguïté de cette déclaration (…) se prête à de nombreuses interprétations et manipulations ». Je considère la déclaration des évêques du Cameroun, qui rejettent Fiducia supplicans et qui ont « formellement interdit » toute bénédiction de couples de même sexe dans leur diocèse, comme l’une des plus belles déclarations faites à ce jour. Chaque évêque devrait aujourd’hui garder à l’esprit les paroles de saint Grégoire de Nazianze, qui a lui aussi vécu à une époque de confusion doctrinale répandue quasiment dans le monde entier au sein de l’Eglise : « Rien n’est plus à craindre que de craindre une chose davantage que Dieu et de commettre ainsi une trahison au service de la vérité » (Or. VI, 20), et « Nous ne maintenons pas la paix au détriment de la vérité, en faisant des concessions pour gagner une réputation de tolérance » (Or. 42,13).

Que doit faire un prêtre si un couple de même sexe demande une « bénédiction » dans sa paroisse ou dans un autre contexte, et comment pourrait-il répondre à cela de manière correcte ?

Si un prêtre se voyait demander une « bénédiction » par un couple de même sexe, il lui faudrait leur expliquer avec douceur et clarté pourquoi il lui est impossible de la donner, en les exhortant avec charité à changer leur style de vie et à mettre fin à leur union pécheresse, qui constitue une offense à l’ordre de la création de Dieu, une cause de scandale public, qui soutient l’idéologie du genre impie, et qui les maintient dans une occasion proche et constante de péché. Il pourrait proposer de rencontrer chacun d’entre eux séparément et, au cours de cette rencontre, il pourrait certainement bénir la personne, à condition qu’elle soit disposée à entreprendre sérieusement un chemin de conversion. Il pourrait aussi leur rappeler ces paroles de Notre Seigneur : « Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? » (Mt. 16, 26).

Et si un évêque devait exiger des prêtres de son diocèse qu’ils prononcent de telles « bénédictions » ?

Un jour, saint Hilaire de Poitiers, qui vivait à une époque de grands bouleversements et de confusion dans l’Eglise, a prononcé ces paroles inspirées : « Que je reste toujours en exil, si seulement la vérité recommence à être prêchée ! » (De syn., 78). Un prêtre ne peut jamais bénir un couple homosexuel ; cela est contraire à la loi divine, et il doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes 5:29) – et même, dans ce cas précis, qu’au Pape ou à son évêque. Un prêtre doit être prêt à tout perdre plutôt que de poser un acte qui offense Dieu, comme le ferait la bénédiction d’un couple vivant dans une union objectivement peccamineuse.

Des bénédictions inadmissibles à la fois d’un point de vue pastoral et d’un point de vue pratique

Il est encourageant de voir que des groupes de prêtres, comme par exemple la Confraternité britannique du clergé catholique ou le supérieur provincial américain des Pères Mariens de l’Immaculée Conception, ont répondu publiquement à la déclaration en disant que de telles « bénédictions » conduiraient inévitablement au scandale et sont « inadmissibles à la fois d’un point de vue pastoral et d’un point de vue pratique ».

Que doivent faire les parents si leur fils ou leur fille leur demande d’assister à leur « bénédiction » avec leur « partenaire » ou les menace de mettre fin à toute relation avec eux s’ils n’acceptent pas une telle « bénédiction » ?

Il n’est jamais moralement licite de prendre part à une action objectivement mauvaise. Même si le fils ou la fille menaçait de couper tout contact avec les parents, ceux-ci n’auraient pas le droit de céder, devant plutôt se souvenir des paroles du Christ : « Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt. 10, 37).

La section III de Fiducia supplicans cite Amoris Laetitia n. 304, qui a jeté les bases d’Amoris Laetitia n. 305 avec sa note de bas de page n° 351 si controversée, qui ouvre la porte à la sainte communion aux catholiques divorcés vivant dans une seconde union « irrégulière ». Quelle est, selon vous, la relation entre cette Déclaration et Amoris Laetitia ? S’agit-il simplement d’une conséquence naturelle de ce texte ?

Oui, c’est la conséquence naturelle du principe de relativisme moral énoncé dans Amoris Laetitia sous les apparences du « discernement ». Amoris Laetitia n. 304 réduit à tort les lois toujours valides de Dieu (données par la loi naturelle et la Révélation divine) à de simples règles et normes, en les assimilant à des lois humaines changeantes ou à des « idéaux ». En présentant un commandement divin, par exemple le sixième commandement, comme un « idéal », Amoris Laetitia abolit de facto la validité absolue des commandements de Dieu. Amoris Laetitia peut bien citer saint Thomas d’Aquin, mais le fait hors contexte et d’une manière qui contredit l’enseignement de ce dernier sur la validité absolue du sixième commandement.

Fiducia supplicans (citant Amoris Laetitia n. 304) se conclut par l’affirmation suivante : « Ce qui est dit dans la présente Déclaration sur la bénédiction des couples de même sexe est suffisant pour guider le discernement prudent et paternel des ministres ordonnés à cet égard. En plus des indications ci-dessus, on ne doit donc pas attendre d’autres réponses sur d’éventuelles dispositions pour réglementer les détails ou les aspects pratiques quant à des bénédictions de cette sorte. » Pourtant le pape François et le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi ne peuvent-ils sans doute pas s’imaginer qu’il n’y ait pas de débat – ni de réactions négatives – à l’avenir. Qu’en pensez-vous ?

Fiducia supplicans se présente comme une façade de sophismes, emploie un langage trompeur et laisse une grande place à de multiples interprétations et applications. Ainsi que toute personne attentive à la situation peut le constater, le débat ne fait que commencer. Mais le but était peut-être précisément de créer un état de débat permanent, d’incertitude généralisée et d’anarchie doctrinale et pratique. La description faite par saint Grégoire de Nazianze du style et de la manière de nombreux évêques de son époque pourrait s’appliquer ici avec justesse : « Ils sont ambigus dans leur foi, ils s’en tiennent aux temps présents plutôt qu’aux lois de Dieu, oscillant dans leur discours comme le flux et le reflux » (Carm. 2, 12).

Quel sera, selon vous, l’effet de cette déclaration sur l’Eglise et sur la société en général ?

La confusion doctrinale et morale, voire l’anarchie qui règnent dans la société depuis la Révolution française, ont maintenant pénétré la vie de l’Eglise. Des hommes d’Eglise influents font aujourd’hui tout leur possible pour adapter la doctrine et la pratique de l’Eglise à l’esprit du temps et aux caprices de la puissante élite politique. Les paroles de saint Grégoire de Nazianze sont remarquablement actuelles : « Nous voyons hélas la douce et belle source de notre ancienne foi troublée par des affluents salés, car il est entré dans l’Eglise des gens à la foi incertaine qui pensent d’une manière qui convient aux puissants de ce monde » (Carm. 2, 11).

Proposez-vous que les cardinaux mènent une action en réponse à la Déclaration, et si oui, laquelle ?

La principale obligation du Collège des cardinaux est de conseiller le Pontife romain. L’approbation publique par le Pape de la bénédiction des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe inflige un grave dommage à l’Eglise, au bien spirituel et au salut éternel des âmes. En conséquence, les cardinaux sont obligés (y compris pour le salut de l’âme du Pape François), de l’exhorter fraternellement à révoquer Fiducia supplicans.

« Les cardinaux doivent craindre de manquer à ce devoir »

Une telle admonestation doit d’abord se faire en privé, et si elle n’aboutit pas, elle doit se faire publiquement et sans délai. Les cardinaux ne doivent pas avoir peur d’agir ainsi : ils doivent plutôt craindre de manquer à ce devoir. Entre-temps, l’ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller, doit être félicité pour sa réponse claire, le 21 décembre 2023, à Fiducia supplicans, dans laquelle il a qualifié la bénédiction des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe d’« acte sacrilège et blasphématoire ».

Quel pourrait être, selon vous, l’effet de cette déclaration sur le prochain conclave ?

Vu que le pape François a en pratique entamé un processus d’abolition du sixième commandement de Dieu au moyen d’un document profondément rusé habillé de mots pieux, un nombre considérable de cardinaux qui conservent encore un sens élémentaire de la foi surnaturelle dans la Révélation de Dieu et de la validité pérenne de ses commandements, éviteraient très probablement, lors du prochain conclave, d’élire un pape qui, en tant que cardinal, soutiendrait d’une manière ou d’une autre le programme LGBT.

Que répondriez-vous au clergé catholique et aux fidèles qui disent ne pas vouloir être en communion avec un pape capable d’approuver un tel document ?

Le pape conserve son office, même s’il permet ou affirme des choses qui nuisent à la Foi ou qui sont ambiguës ou erronées. Même si un pape devait prononcer une hérésie dans son magistère quotidien, c’est-à-dire en dehors des déclarations ex-cathedra, et en dehors d’un enseignement définitif formel, il ne perdrait pas la papauté. Il y a eu de rares cas dans l’histoire de l’Eglise où des papes ont agi de la sorte (par exemple, les papes Honorius I et Jean XXII) et ils n’ont pas perdu leur charge. Leur pontificat n’a pas non plus été déclaré invalide de leur vivant, ni après leur mort. L’Eglise demeurera toujours entre les mains toutes-puissantes du Christ, qui ne permettra pas que les portes de l’enfer prévalent contre elle, car Il a fondé son Eglise sur le roc de Pierre. A cet égard aussi l’Eglise est divine : elle peut supporter de tels papes.

Excellence, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Dieu permet à ces temps de grande crise et de confusion de purifier notre foi et notre espérance inébranlable en Lui. En de tels moments, nous devons éviter les solutions trop humaines, qui sont souvent motivées par la colère et la frustration. Nous devons résister à la tentation d’adopter cette attitude : « Maintenant, nous allons prendre la situation entre nos propres mains et résoudre nous-mêmes le problème de ce pontificat. » De telles attitudes sont mondaines et manquent de perspective surnaturelle. Nous devons nous laisser guider par les paroles et l’exemple des grands Pères de l’Eglise qui, comme nous, ont vécu en des temps troublés. Que ces paroles de saint Hilaire nous réconfortent : « A la quatrième veille de la nuit, il trouvera l’Eglise déclinante et cernée par l’esprit de l’Antéchrist et toutes les agitations du siècle. Mais le Seigneur qui est bon leur parlera aussitôt, chassera leur peur et leur dira : “C’est moi”, dissipant, par la foi en son avènement, la crainte du naufrage menaçant » (In Math. 14, 14).

Source : The Remnant

Fabien Laurent

[1] Diana Montagna écrit « approved by pope Francis » (approuvée par le pape François), or, il est avéré que le pape l’a signée lui-même et ne l’a pas seulement approuvée. Voir à ce sujet les propos de Don Davide Pagliarani dans sa déclaration du 20 décembre (infra) : “D’autant plus que ce document a été signé par le pape lui-même.

Voici quelques rappels de ceux qui  disent non, publiquement, à François à propos de Fiducia supplicans :

– 18 décembre 2023 : Eglise conciliaire : La Rome moderniste autorise la bénédiction des duos d’invertis
– 20 décembre : Le Supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X s’oppose à la décision de François de bénir les « couples en situation irrégulière et les couples de même sexe »
– 21 décembre 2023 : Déclaration de Mgr Viganò à propos du document du Vatican « Fiducia supplicans » sur la licéité de bénir les couples irréguliers
– 21 décembre 2023 : L’Afrique dit non aux bénédictions des duos homosexuels
– 21 décembre 2023 : La folie contre-nature, avec la « bénédiction » de Rome, par M. l’abbé Dominique Rousseau
– 26 décembre : Le cardinal Müller réaffirme que les actes autorisés dans la « Fiducia supplicans » constituent un blasphème
– 26 décembre : Les évêques camerounais interdisent formellement toute bénédiction aux duos homosexuels
– 28 décembre 2023 : Évêques haïtiens : « Les prêtres n’ont aucun droit de bénir les couples homosexuels »
– 29 décembre 2023 : À propos de la déclaration Fiducia Supplicans, par Dom Thomas d’Aquin
– 04 janvier 2024 : La foudre tombe sur la statue de saint Pierre à Buenos Aires en Argentine
– 05 janvier 2024 : Mgr János Székely exhorte les prêtres hongrois à ne pas bénir les duos homosexuels

Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !

Quitter la version mobile