Mercredi de Pâques – Station à Saint-Laurent-hors-les-Murs – La vie chrétienne est une vie du ciel.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Laurent-hors-les-Murs. C’est le principal des nombreux sanctuaires que la ville sainte a consacrés à la mémoire de son plus illustre Martyr, dont le corps repose sous l’autel principal. Les néophytes étaient conduits en ce jour près de la tombe de ce généreux athlète du Christ, afin d’y puiser un sincère courage dans la confession de la foi et une invincible fidélité à leur baptême. Durant des siècles entiers, la réception du baptême fut un engagement au martyre ; en tout temps, elle est un enrôlement dans la milice du Christ, que nul ne peut déserter sans encourir la peine des traîtres.

Le nom de la Pâque signifie en hébreu passage, et nous avons exposé hier comment ce grand jour est d’abord devenu sacré, à cause du Passage du Seigneur ; mais le terme hébraïque n’épuise pas là toute sa signification. Les anciens Pères, d’accord avec les docteurs juifs, nous enseignent que la Pâque est aussi pour le peuple de Dieu le Passage de l’Égypte dans la terre promise. En effet, ces trois grands faits s’unissent dans une même nuit : le festin religieux de l’agneau, l’extermination des premiers-nés des Égyptiens, et la sortie d’Égypte. Aujourd’hui reconnaissons une nouvelle figure de notre Pâque dans ce troisième fait qui continue le développement du mystère. Le moment où Israël sort de l’Égypte pour s’avancer vers la terre qui est pour lui la patrie prédestinée, est le plus solennel de son histoire ; mais ce départ et toutes les circonstances qui l’accompagnent forment un ensemble de figures qui ne se dévoile et ne s’épanouit que dans la Pâque chrétienne. Le peuple élu se retire du milieu d’un peuple idolâtre et oppresseur du faible ; dans notre Pâque, nous avons vu ceux qui sont maintenant nos néophytes sortir courageusement de l’empire de Satan qui les tenait captifs, et renoncer solennellement à cet orgueilleux Pharaon, à ses pompes et à ses œuvres. Sur la route qui conduit à la terre promise, Israël a rencontré l’eau ; et il lui a fallu traverser cet élément, tant pour se soustraire à la poursuite de l’armée de Pharaon, que pour pénétrer dans l’heureuse patrie où coulent le lait et le miel. Nos néophytes, après avoir renoncé au tyran qui les tenait asservis, se sont trouvés aussi en face de l’eau ; et ils ne pouvaient non plus échapper à la rage de leurs ennemis qu’en traversant cet élément protecteur, ni pénétrer dans la région de leurs espérances qu’après avoir mis derrière eux les flots comme un rempart inexpugnable. Par la divine bonté, l’eau, qui arrête toujours la course de l’homme, devint pour Israël un allié secourable, et elle reçut ordre de suspendre ses lois et de servir à la délivrance du peuple de Dieu. De même aussi la fontaine sacrée, devenue l’auxiliaire de la divine grâce, comme l’Église nous l’a enseigné dans la solennité de l’Épiphanie, a été le refuge, le sûr asile de nos heureux transfuges, qui dans ses ondes n’ont plus eu à craindre les droits que Satan revendiquait sur eux. Debout et tranquille sur l’autre rive, Israël contemple les cadavres flottants de Pharaon et de ses guerriers, les chariots et les boucliers devenus le jouet des vagues. Sortis de la fontaine baptismale, nos néophytes ont plongé leur regard sur cette eau purifiante, et ils y ont vu leurs péchés, ennemis plus redoutables que Pharaon et son peuple, submergés pour jamais. Alors Israël s’est avancé joyeux vers cette terre bénie que Dieu a résolu de lui donner en héritage. Sur la route, il entendra la voix du Seigneur qui lui donnera lui-même sa loi ; il se désaltérera aux eaux pures et rafraîchissantes qui couleront du rocher à travers les sables du désert, et il recueillera pour se nourrir la manne que le ciel lui enverra chaque jour. De même, nos néophytes vont marcher d’un pas libre vers la patrie céleste qui est leur Terre promise. Le désert de ce monde qu’ils ont à traverser sera pour eux sans ennuis et sans périls ; car le divin Législateur les instruira lui-même de sa loi, non plus au bruit du tonnerre et à la lueur des éclairs, comme il fit pour Israël, mais cœur à cœur et d’une voix douce et compatissante, comme celle qui ravit les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs. Les eaux jaillissantes ne leur manqueront pas non plus ; il y a quelques semaines, nous entendions le Maître, parlant à la Samaritaine, promettre qu’il ouvrirait une source vive à ceux qui l’adoreraient en esprit et en vérité. Enfin une manne céleste, bien supérieure à celle d’Israël, car elle assure l’immortalité à ceux qui s’en nourrissent, sera leur aliment délectable et fortifiant.

C’est donc ici encore notre Pâque, le Passage à travers l’eau dans la Terre promise ; mais avec une réalité et une vérité que l’ancien Israël, sous ses grandes figures, n’a pas connue. Fêtons donc notre Passage de la mort originelle à la vie de la grâce par le saint Baptême ; et si l’anniversaire de notre régénération n’est pas aujourd’hui même, ne laissons pas pour cela de célébrer cette heureuse migration que nous avons faite de l’Égypte du monde dans l’Église chrétienne ; ratifions avec joie et reconnaissance notre renoncement solennel à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, en échange duquel la bonté de Dieu nous a octroyé de tels bienfaits. L’Apôtre des Gentils nous révèle un autre mystère de l’eau baptismale qui complète celui-ci, et vient se fondre pareillement dans le mystère de la Pâque. Il nous enseigne que dans cette eau nous avons disparu comme le Christ dans son sépulcre, étant morts et ensevelis avec lui. C’était notre vie d’hommes pécheurs qui prenait fin ; pour vivre à Dieu, il nous fallait mourir au péché. En contemplant les fonts sacrés sur lesquels nous avons été régénérés, pensons qu’ils sont le tombeau où nous avons laissé le vieil homme qui n’en doit plus remonter. Le baptême par immersion, qui fut longtemps en usage dans nos contrées, et qui s’administre encore en tant de lieux, était l’image sensible de cet ensevelissement ; le néophyte disparaissait complètement sous l’eau ; il paraissait mort à sa vie antérieure, comme le Christ à sa vie mortelle. Mais de même que le Rédempteur n’est pas demeuré dans le tombeau, et qu’il est ressuscité à une vie nouvelle ; de même aussi, selon la doctrine de l’Apôtre, les baptisés ressuscitent avec lui, au moment où ils sortent de l’eau, ayant les arrhes de l’immortalité et de la gloire, étant les membres vivants et véritables de ce Chef qui n’a plus rien de commun avec la mort. Et c’est encore ici la Pâque, c’est-à-dire le Passage de la mort à la vie.

L’Introït nous indique donc notre but, le ciel, réalisé par avance dans l’Église. L’Oraison nous montre le moyen d’y parvenir. Les fêtes de l’Église sont des étapes sur le chemin ; nous devons, en traversant les fêtes temporelles, parvenir aux joies éternelles. Dans la leçon, c’est saint Pierre, le premier pape (saint Laurent n’était-il pas diacre d’un Pontife romain ?), qui est le prédicateur de la Résurrection. C’est avec intention que la leçon commence ainsi : « Pierre ouvrit sa bouche et parla ». (Dans le mystère dramatique de la liturgie, on aime faire parler le saint de station à l’Épître). Pierre adresse aux Juifs de graves paroles : « C’est l’auteur de la vie que vous avez tué ; mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Nous en sommes témoins ». (Nos testes sumus — en grec : martyres — Saint Laurent peut faire siennes ces paroles). A l’Évangile, le Ressuscité se tient au milieu de nous pour la « troisième fois » (lundi, mardi, mercredi ; le dimanche, on ne raconte pas d’apparition). Il y a comme un nuage d’encens au-dessus de cette scène. Elle contient aussi un beau symbolisme. Nous aussi, nous naviguons sur la mer du monde, dans la lumière incertaine de la vie. Sur le rivage de l’éternité se tient Jésus qui nous appelle. Sommes-nous Jean, ou Pierre, ou les autres Apôtres ? Les âmes virginales, comme saint Jean, reconnaissent le Seigneur (bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu) ; les âmes ardentes, comme Pierre, s’élancent à travers les flots de la souffrance et du martyre vers le Christ (saint Laurent) ; d’autres, s’adonnant au rude labeur de la pêche, naviguent lentement, mais sûrement, vers la rive : c’est là qu’est servi le mystérieux repas — l’Eucharistie (le poisson et le pain). « Lorsqu’ils furent descendus, ils virent un feu de charbons, du poisson sur ce feu et du pain ». Il y a là une image du martyre de notre saint de station sur le gril ardent. Au Saint Sacrifice, le Christ est aussi au milieu de nous et nous présente le poisson et le pain de l’Eucharistie. A l’Offertoire, on nous explique ce qu’est le pain cuit sous la cendre de l’Évangile : « Il leur a donné le pain du ciel, l’homme a mangé le pain des anges ». De ce pain, « l’Église est merveilleusement repue et nourrie » (Secrète). Le fruit du sacrifice, c’est que nous soyons transformés en une nouvelle créature. Toute la messe est traversée par une pensée bien chère que nous pouvons résumer ainsi : la vie chrétienne est une vie céleste (Intr., Évang., Off.).

Sanctoral

Saint Marcellin d’Embrun

Avec saint Dominus et saint Vincent, il était venu d’Afrique pour évangéliser les Alpes françaises. Il construisit à Embrun une église qu’il fit consacrer par saint Eusèbe de Verceil qui lui conféra le sacre épiscopal. On raconte beaucoup de miracles opérés durant son vivant. Il fut surtout soucieux de combattre l’arianisme et dut souvent s’enfuir pour échapper aux fonctionnaires impériaux chargés de l’arrêter. Cet illustre apôtre de l’Embrunais est cité avec éloge dans tous les martyrologes. Il part d’Afrique du Nord avec deux compagnons, Vincent et Domnin, dans le désir d’évangéliser la Gaule païenne. Après un séjour à Rome, sur le conseil du pape, tous trois s’arrêtent à Verceil auprès de l’évêque Eusèbe qui leur demande de porter l’Évangile dans la région d’Embrun. Marcellin est l’âme de cette évangélisation: il chasse les idoles, implante la foi, organise l’Église. Le nombre croissant de fidèles nécessite la construction d’une église qu’Eusèbe vient consacrer. Assisté d’Emilien, évêque de Valence, il impose les mains à Marcellin et, malgré ses résistances, l’établit évêque d’Embrun en 354. La ville d’Embrun devient cité et métropole de la province des Alpes maritimes. Marcellin envoie alors Vincent et Domnin évangéliser la région de Digne. Après avoir souffert de nombreuses persécutions de la part des ariens, au point de devoir fuir sa ville épiscopale durant un certain temps, il meurt peu avant le Concile de Valence (374). Le christianisme est, à sa mort, établi en profondeur dans la région, comme l’attestent les documents du Concile de Riez en 439. (Sanctoral du diocèse de Gap et d’Embrun, page 28)

Sainte Agnès de Montepulciano, Vierge (1268-1317)

Sainte Agnès naquit à Graciano-Vecchio, en Italie, en 1268, de parents suffisamment fortunés et très bons chrétiens. Dès l’âge de 9 ans elle entre chez les Religieuses du Sac à Montepulciano, où on lui confiera bientôt la charge d’économe; à 17 ans elle dirige la construction du couvent à Procéna, où par le bref pontifical elle devient abbesse; à 32 ans elle revient à Montepulciano pour y fonder un couvent de Soeurs Dominicaines, où elle sera prieure. Elle meurt le 20 avril 1317, à l’âge de 49 ans. Son corps, miraculeusement préservé de la corruption du tombeau, repose au Couvent des Dominicaines de Montepulciano. Elle fut béatifiée par Clément VIII en 1608 et canonisée par Benoît XIII en 1726. Sainte Agnès est avant tout une âme contemplative. Pour elle, Dieu c’est le Bien-Aimé: elle Lui manifeste une amitié sans réserve, une tendresse sans limite, une confiance sans borne; Il la comble de faveurs extraordinaires, répond empressément à ses désirs et satisfait même ses moindres caprices. Aussi la représente-t-on caressant l’Agneau de Dieu qu’elle tient dans ses bras et dont elle porte le nom. À 4 ans, à l’âge où les enfants ne savent que jouer, sainte Agnès cherchait la solitude pour mieux prier; à 9 ans, à l’âge où déjà les parents fiançaient leur fille, elle obtient de ses parents d’entrer en religion pour être, elle aussi, à son Bien-Aimé. Désormais, sa vie ne sera plus qu’une continuelle oraison. Un jour qu’elle fut longtemps ravie en extase, l’heure de la Messe passa sans qu’elle ne s’en aperçut. Revenue à elle-même, elle se mit à pleurer de ne pouvoir ce matin-là recevoir son Bien-Aimé. Jésus lui envoie alors porter la Sainte Communion par l’Ange qui L’avait assisté dans Son agonie. C’est encore cet Ange qui viendra lui annoncer les souffrances et la mort qu’elle aura à endurer: « Prends ce calice, ô bien-aimée du Christ, lui dira-t-il, bois comme Lui jusqu’à la lie ». Elle prendra la coupe, et la videra, lui semble-t-il, toute entière. La vie s’en allait, et les religieuses, la voyant mourir, la suppliaient de demander sa guérison. « Si vous m’aimiez vraiment, leur répondit-elle, vous vous réjouiriez de ma mort, puisque je m’en vais à mon Bien-Aimé. Je vous serai plus utile au Paradis qu’ici; ayez confiance, je serai toujours avec vous ». Quelques instants après, levant les yeux et les mains vers le Ciel, elle dit avec un sourire ravissant cette dernière parole: « Mon Bien-Aimé est à moi, je ne Le quitterai plus ». Elle meurt le 20 Avril 1317, à l’âge de 49 ans. Son corps, miraculeusement préservé de la corruption du tombeau, repose au Couvent des Dominicaines de Montepulciano. Elle fut Béatifiée par Clément VIII en 1608 et canonisée le 12 Mai 1726 par Benoît XIII (Pietro Francesco Orsini, 1724-1730). Sainte Catherine de Sienne (1357-1380) avait une grande vénération pour elle.

Martyrologe

A Rome, les saints martyrs Sulpice et Servilien. Convertis à la foi du Christ par les exhortations et les miracles de la bienheureuse vierge Domitille, ils refusèrent tous deux de sacrifier aux idoles, et, par ordre d’Anien préfet de la ville, ils furent décapités durant la persécution de Trajan.

A Nicomédie, les saints martyrs Victor, Zotique, Zénon, Acindyne, Césaire, Sévérien, Chrysophore, Théonas et Antonin. Sous l’empereur Dioclétien, après avoir été convertis au Christ par la passion et les miracles du bienheureux Georges, ils furent diversement éprouvés pour leur constance inébranlable à confesser la foi, et ils consommèrent leur martyre.

A Tomi, en Scythie, saint Théotime évêque, pour qui les barbares infidèles eux-mêmes eurent de la vénération, à cause de son insigne sainteté et de ses miracles.

A Embrun, dans les Gaules, saint Marcellin, premier évêque de cette ville. Sous l’inspiration de Dieu, il vint d’Afrique avec ses saints compagnons Vincent et Domnin. Par sa parole et par ses miracles, qui continuent encore de nos jours, il éclaira la plus grande partie des peuples répandus dans les Alpes-Maritimes, et les convertit à la foi du Christ.

A Auxerre, saint Marcien prêtre.

A Constantinople, saint Théodore confesseur, surnommé Trichinas, à cause du rude cilice dont il était revêtu. Il brilla par de nombreux miracles opérés surtout contre les démons. De son corps découle une huile qui rend la santé aux malades.

A Montepulciano, en Toscane, sainte Agnès vierge, de l’Ordre de saint Dominique, célèbre par ses miracles.

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