« Fin août 1976, Georges assistait à la messe de Lille qui fit connaître au monde entier le combat de Mgr Lefebvre pour la Tradition. Son curé l’avait menacé : « Vous suivez un évêque rebelle qui célèbre une messe interdite ». »
Georgette y était elle aussi. Et elle entendit l’archevêque y prononcer des mots qui résonnent encore à ses oreilles :
« Cette union adultère de l’Église et de la Révolution se concrétise par le dialogue. L’Église, si elle a à dialoguer, c’est pour convertir. Notre-Seigneur a dit : « Allez, enseignez toutes les nations, convertissez-les ». Mais il n’a pas dit : « Dialoguez avec elles pour ne pas les convertir, pour essayer de vous mettre sur le même pied qu’elles ». L’erreur et la vérité ne sont pas compatibles. Si on a de la charité pour les autres – et, comme vient de le rappeler l’Évangile, celui qui a la charité, c’est celui qui sert les autres – si on a de la charité pour les autres, on doit leur donner Notre-Seigneur, leur donner la richesse que l’on a et non pas converser avec eux, dialoguer avec eux sur un pied d’égalité. La vérité et l’erreur ne sont pas sur un pied d’égalité. Ce serait mettre Dieu et le diable sur le même pied, puisque le diable est le père du mensonge, le père de l’erreur. »
Revenons à Georges. « En 1988, il est allé aux sacres épiscopaux à Ecône, et son curé à la messe duquel il avait cessé d’aller, l’a averti : « Vous êtes tous schismatiques, vous et vos évêques ». Lorsqu’il s’est marié à Saint-Nicolas du Chardonnet, son curé l’a assuré qu’il ne l’était pas. Il avait l’habitude de se confesser à un prêtre de cette église, son curé lui disait qu’il ferait aussi bien d’aller voir une assistante sociale, car ce prêtre ne pouvait pas plus qu’elle absoudre les péchés. »
Georgette entendit la même chose, elle suivit le même parcours que Georges et se retrouvèrent compagnons de lutte dans ce formidable combat de la Foi.
Mais dans cette fraternité de combat, apparurent soudain les noirs nuages de la division. On lui rapporta ces éléments étranges :
« En 2007, Georges a appris que la messe tridentine n’avait jamais été abrogée, et que depuis 30 ans il n’assistait pas à une messe interdite. »
Certes, se dit Georgette, le Motu Proprio Summorum Pontificum qui reconnait que l’ancienne messe n’a jamais juridiquement été interdite ne fait que constater le droit…ce qui n’est pas si mal. Mais il ne m’apprend rien. Et même, il me chagrine, car il ne rend pas justice de 50 ans d’interdiction de fait et confirme la liturgie neo-protestante de Paul VI comme forme habituelle, reléguant le rite catholique au rang d’ « extraordinaire » !
Georges : « En 2009, malgré les foudres brandies par son curé, l’évêque qui avait confirmé ses enfants n’était pas excommunié. »
Georges m’inquiète se dit Georgette, car jamais nous n’avions cru à cette faribole d’excommunication. Qui plus est, le décret romain ne dit pas que cette excommunication n’a jamais été valide, bien au contraire, il en réaffirme la validité et dit simplement que « ses effets juridiques sont annulés ». Et Georgette est troublée d’entendre le Supérieur Général de la FSSPX parler de retrait alors qu’il s’agit d’une simple levée, confirmant donc la sanction originelle.
Georges : « En 2015, le prêtre qui reçoit sa confession le fait validement, ce dont il ne doutait pas mais qui devrait rassurer son curé, – peut-être pas au point de venir lui-même à confesse à Saint-Nicolas… Ce mois-ci, il sait que le prêtre qui l’a marié validement, n’a pas l’obligation de le remarier, ce qui permettra certainement à son curé de le féliciter, avec quelques décennies de retard… » »
Georgette continue de se confesser régulièrement à St Nicolas, mais contrairement à Georges, elle se contrefiche des états sentimentaux du curé de ce qui aurait dû être sa paroisse. Elle a appris d’ailleurs que ce dernier ne vit plus seul, qu’il bénit les « unions » homosexuels et organise des cérémonies interreligieuses pour fraterniser avec l’imam local. Il a cependant refusé que Georgette se marie dans son église…
Mais quand Georgette entend Georges lui dire que « ce mois-ci, il sait que le prêtre qui l’a marié validement, n’a pas l’obligation de le remarier », elle se dit que vraiment Georges se moque du monde, car le décret romain dit exactement le contraire. (1)
« Georges n’a jamais été un catholique perplexe. Aujourd’hui il a une certitude : en dépit de toutes les critiques, il a bien fait de suivre Mgr Lefebvre qui a transmis ce qu’il avait lui-même reçu. »
Georgette fut une catholique perplexe : elle lut d’ailleurs à l’époque cette lettre qu’adressa Mgr Lefebvre et qui la confirma dans le combat de la Foi. Aujourd’hui plus que jamais, elle se dit qu’elle a bien fait de suivre Mgr Lefebvre qui a transmis ce qu’il avait lui-même reçu.
Hélas aujourd’hui aussi, elle reste perplexe devant la rhétorique de Georges et de ses amis, et plus que perplexe sur l’attitude du successeur du grand archevêque. Elle n’entend plus les mises en garde comme pouvait les prononcer Mgr Lefebvre, il lui semble bien que le silence s’est imposé comme le plat de lentille pour obtenir tous ces faux avantages que lui vante de façon peu honnête son ancien ami Georges.
Silence avant, pendant et après le Synode sur la famille ; silence sur l’instauration d’un « divorce catholique » lors de la réforme des procédures de nullité de mariage ; silence sur Amoris Laetitia ; silence sur la réhabilitation de Luther et l’accueil solennel de sa statue au Vatican, le 13 octobre dernier. Ce jour-là, toujours au Vatican, « on » marchandait dans la salle d’à côté une éventuelle prélature pour la FSSPX ; « on » se pourfendait même d’un communiqué béat à ce sujet, sans dénoncer nullement ni faire allusion aucune au terrible scandale dont était sali ce jour anniversaire des apparitions de Fatima. Georgette fut contristée qu’en ce jour il n’exista pas de Polyeucte présent au Vatican pour renverser la statue de l’hérésiarque Luther.
Oui, contrairement à Georges, Georgette a des doutes. Elle pense qu’on la trompe. Elle est affligée par les compromissions et les ambiguïtés de toutes ces autorités ecclésiastiques qui appliquent aux différents religieux une rhétorique politicienne.
Georgette pleure de cette course à la « reconnaissance ». Elle qui s’est mariée dans une petite chapelle, elle aurait aimé elle aussi avoir une belle église. Mais elle a refusé qu’un prêtre conciliaire reçoive l’engagement de son amour et de sa fidélité à son époux, ce à quoi dorénavant les actuels dirigeants de la FSSPX laissent la porte ouverte. Elle voulait que ce don qu’elle fit d’elle-même fût fait devant un ministre vraiment catholique, sans recherche de vilains accommodements, sans risque de semer la confusion dans des temps déjà si troublés.
Georgette avait repensé à cette belle figure de Reine, Marie Antoinette, qui quelques instants avant de monter à l’échafaud, avait refusé les offices d’un prêtre jureur qui lui proposait de l’entendre en confession. La reine vraiment catholique avait embrassé la palme du Martyre.
Oui, Georgette est perplexe. Elle souffre dans son âme de chrétienne de tous ces abandons et reniements. Mais elle sait aussi que l’Eglise a les promesses de la Vie.
Christian Lassale et Lina Rançelot
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(1) Analyse du commentaire « autorisé » de la Maison Générale concernant la lettre de la commission Ecclesia Dei
Le commentaire « autorisé » de la Maison Générale concernant la lettre de la commission Ecclesia Dei afférente aux mariages célébrés dans la FSSPX mérite qu’on s’y arrête un peu.
Le texte fait un parallèle stricte entre la juridiction accordée pour les confessions et celle qui aurait été donnée pour les mariages :
« Le cardinal Müller achève sa lettre en rappelant quelle est l’intention du pape. D’une part il entend enlever « les doutes sur la validité du sacrement de mariage » contracté devant un prêtre de la Fraternité. En recevant la délégation de l’évêque, celui-ci ne peut plus être considéré comme irrégulier lorsqu’il célèbre un mariage. D’autre part le pape entend « faciliter le chemin vers la pleine régularisation institutionnelle ». […] Tout un chacun pourra apprécier l’habileté qui consiste à donner les pouvoirs de confesser ou de recevoir les consentements matrimoniaux, autrement dit de régulariser – au moins ad casum – le ministère de prêtres d’une société ecclésiastique irrégulière.». »
Sauf qu’à aucun moment le texte Romain n’affirme qu’un évêque peut donner délégation de façon habituelle à un prêtre de la FSSPX :
« En cas d’impossibilité ou s’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement des parties, l’Ordinaire peut concéder directement les facultés nécessaires au prêtre de la Fraternité qui célébrera aussi la Sainte Messe, en lui rappelant qu’il a le devoir de faire parvenir au plus vite à la Curie diocésaine la documentation qui atteste la célébration du Sacrement. »
Le texte romain parle ici uniquement d’un état de nécessité et ne permet donc pas à un évêque de déléguer de façon habituelle un prêtre de la FSSPX. Ce qui veut dire en d’autres termes que Rome affirme officiellement que les mariages célébrés par les prêtres de la FSSPX sans délégation diocésaine (99,99 % des cas) sont invalides. Et c’est pour cette « sollicitude pastorale » que Mgr Fellay a remercié « profondément » le pape ! Le cardinal Muller enlève donc bien les doutes, mais dans le sens contraire de ce que dit la Maison Générale : elle réaffirme l’invalidité des mariages dans le FSSPX.
Mais comme un contresens ne vient jamais seul, le « commentaire autorisé » dit un peu plus loin :
« Et nul doute que, dans l’hypothèse où l’Ordinaire refuserait et de désigner un prêtre délégué, et de « concéder directement les facultés nécessaires au prêtre de la Fraternité », celui-ci célébrerait validement en vertu de cet état de nécessité, tandis que l’évêque s’opposerait manifestement à la volonté du chef de l’Eglise. »
Sait-on seulement lire chez ces « commentateurs autorisés » ? Qui a lu que « dans l’hypothèse où l’Ordinaire refuserait et de désigner un prêtre délégué l’évêque s’opposerait manifestement à la volonté du chef de l’Eglise » puisque précisément le cardinal Muller précise que « l’Ordinaire peut concéder directement les facultés nécessaires au prêtre de la Fraternité » uniquement « en cas d’impossibilité ou s’il n’existe pas de prêtre du diocèse qui puisse recevoir le consentement des parties ».
Un commentaire autorisé qui s’autorise beaucoup de liberté dans la compréhension de ce qu’il prétend commenter…jusqu’à en dire le contraire.
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(2) Itinéraire de Georges, un catholique non perplexe
Fin août 1976, Georges assistait à la messe de Lille qui fit connaître au monde entier le combat de Mgr Lefebvre pour la Tradition. Son curé l’avait menacé : « Vous suivez un évêque rebelle qui célèbre une messe interdite ». En 1988, il est allé aux sacres épiscopaux à Ecône, et son curé à la messe duquel il avait cessé d’aller, l’a averti : « Vous êtes tous schismatiques, vous et vos évêques ». Lorsqu’il s’est marié à Saint-Nicolas du Chardonnet, son curé l’a assuré qu’il ne l’était pas. Il avait l’habitude de se confesser à un prêtre de cette église, son curé lui disait qu’il ferait aussi bien d’aller voir une assistante sociale, car ce prêtre ne pouvait pas plus qu’elle absoudre les péchés.
En 2007, Georges a appris que la messe tridentine n’avait jamais été abrogée, et que depuis 30 ans il n’assistait pas à une messe interdite. En 2009, malgré les foudres brandies par son curé, l’évêque qui avait confirmé ses enfants n’était pas excommunié. En 2015, le prêtre qui reçoit sa confession le fait validement, ce dont il ne doutait pas mais qui devrait rassurer son curé, – peut-être pas au point de venir lui-même à confesse à Saint-Nicolas… Ce mois-ci, il sait que le prêtre qui l’a marié validement, n’a pas l’obligation de le remarier, ce qui permettra certainement à son curé de le féliciter, avec quelques décennies de retard…
Georges n’a jamais été un catholique perplexe. Aujourd’hui il a une certitude : en dépit de toutes les critiques, il a bien fait de suivre Mgr Lefebvre qui a transmis ce qu’il avait lui-même reçu.
Abbé Alain Lorans
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