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De la férie : messe du mardi de la 1ère semaine de la Passion – Le divin Daniel dans la fosse aux lions

Rome, la Station était autrefois à l’Église du saint martyr Cyriaque, et elle est encore marquée ainsi au Missel Romain ; mais cet antique sanctuaire ayant été ruiné, et le corps du saint diacre transféré dans l’Église de Sainte-Marie in Via lata, c’est dans cette dernière que la Station a lieu présentement. Les Ordines Romani observent qu’aujourd’hui on ne célébrait pas de station, ce qui, en cette semaine de la Passion au caractère si archaïque, peut être un reste de la très ancienne discipline qui excluait la procession et la messe stationnale les lundis, mardis et jeudis de toute l’année, sauf aux fêtes des martyrs. Les origines du titulus Cyriaci remontent au commencement du IVe siècle, mais son fondateur doit, selon toute probabilité, être distingué de l’autre Cyriaque martyr, enseveli sur la voie d’Ostie, et qui, en raison de l’homonymie, finit par devenir le patron titulaire de la basilique de Cyriaque sur le Quirinal. Cet édifice fut restauré successivement sous Hadrien Ier, Léon III et Grégoire IV. Saint Bruno, le célèbre fondateur des Chartreux, sanctifia lui aussi ce lieu où il établit un groupe de ses moines qui y résidèrent presque jusqu’à nos jours. Mais la vénérable église tombant en ruines, elle fut remplacée par un nouveau temple, dédié à la Reine des Anges, et le génie de Michel-Ange sut merveilleusement y adapter les antiques salles des Thermes de Dioclétien. La station de ce jour passa au contraire à la basilique de Sainte-Marie in Via Lata. Dans cette église, à côté de laquelle s’élevait dès le IXe siècle un célèbre monastère de femmes, le culte de saint Cyriaque est très ancien, puisqu’il semble que dès le haut moyen âge on y ait transporté, du cimetière de la voie d’Ostie, le chef de ce célèbre martyr.

L’introït est tiré du psaume 26 : « Attends le Seigneur et sois courageux : ton cœur sera fortifié ; espère dans le Seigneur. » Tous les temps, en effet, ne sont pas semblables, mais Dieu atteint ses fins sublimes en coordonnant les circonstances les plus diverses et les plus disparates ; et la magnificence de la Providence divine resplendit surtout en ce qu’elle fait servir à ses propres buts les événements qui semblaient précisément de plus grands obstacles. « Il y a un temps pour édifier, dit l’Esprit Saint au livre de l’Ecclésiaste, et un temps pour détruire, un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour pleurer et un temps pour se réjouir. » Toute chose a son temps, et dans les moments obscurs de la vie il faut rester inébranlable, espérant toujours en Dieu qui, selon la parole du prophète, pousse jusqu’aux portes du Schéol et ensuite en ramène.

Nous prions le Seigneur, dans la collecte, d’avoir pour agréables nos jeûnes, afin que leur efficacité expiatoire nous mérite cette abondance de grâces qui nous assure de la dernière, æterna remedia, après les douleurs du pèlerinage présent. Il faut remarquer l’ordre observé dans cette prière. D’abord l’expiation, car qui non placet, non placat, et Dieu peut refuser des grâces spéciales à celui qui a encore de grosses dettes à solder à la justice divine. Quand les dettes sont payées et que l’âme a pleinement recouvré l’amitié de Dieu, alors elle ose lui demander avec confiance ces grâces particulières que seule l’amitié peut donner la hardiesse d’implorer, parce qu’elles sont accordées seulement aux amis : Et adiicias quod oratio non praesumit. Comme, en outre, toute l’économie divine de la grâce n’est que le prélude d’une dernière grâce, la gloire éternelle dans le Ciel, nous demandons sans cesse au Seigneur que ses dons ici-bas atteignent leur ultime développement et la fin à laquelle ils sont ordonnés, c’est-à-dire la vision béatifique dans le Paradis.

L’épisode de Daniel au milieu des lions (Dan., XIV, 27-42) était très familier aux chrétiens des premiers siècles, aussi est-il fréquemment reproduit dans les catacombes ; on en trouve une très belle représentation, de la première moitié du IIe siècle, au cimetière de Priscille dans la chapelle dite grecque. Son choix peut avoir été suggéré par les traditions légendaires relatives à saint Cyriaque, qui aurait d’abord exercé son apostolat, à l’instar de Daniel, à la cour du persan Sapor ; puis aurait été condamné à mort pour la foi par Dioclétien, qu’un peintre du IVe siècle assimila à Nabuchodonosor, dans la crypte du martyr Crescention appartenant au même cimetière priscillien. Daniel dans la fosse aux lions est une figure de l’Église primitive, lorsque toute la société contemporaine la poursuivait jusqu’à la mort et confiait à la loi la mission d’exécuter ce décret sanglant : non licet esse vos. Comme Daniel, l’Église aussi éleva ses bras, et plus encore son cœur, vers Dieu ; et Dieu ne manque jamais à qui se confie en Lui. Il faut donc faire comme Daniel : descendre tranquillement dans la fosse aux lions chaque fois qu’il plaira au Seigneur, et attendre là, avec confiance, l’heure de la divine miséricorde. Ce ne sont pas les tribulations qui nuisent à l’âme, mais l’inquiétude.

Désormais les graduels se rapportent tous au divin Patient de Jérusalem, lequel, contre le jugement des impies qui le condamnent à mort, en appelle au Père, afin qu’au jour de Pâques il lui rende la vie. Le graduel de ce jour provient du psaume 42. La lumière et la vérité que l’Opprimé invoque ici, proclament la mission spéciale du Paraclet, qui est, selon l’évangile, celle de convaincre le monde d’injustice et de malignité. Le Paraclet vint en effet, et par l’effusion de ses charismes sur les disciples du Crucifié, alors qu’il laissait au contraire dans l’abandon les Juifs obstinés, il démontra d’une façon authentique que la mission du Seigneur était vraiment divine.

Le cycle de l’évangile de saint Jean continue à se dérouler avec l’épisode de Jésus allant à la fête des Tabernacles au mois de Tischri (Ioan. VII, 1-13). A l’invitation des siens, Jésus répond qu’il ne veut pas aller à la fête, en ce sens qu’il n’entendait pas s’associer à la caravane tapageuse qui montait à Jérusalem vraiment pour y faire fête ! Il dit donc qu’il ne veut pas. — De fait, il ne prit pas part à la fête, mais Il se rendit toutefois à la Cité sainte secrètement et quand la fête était déjà commencée, afin d’instruire le peuple qui se rassemblait en foule pour cette circonstance. La présence habituelle du divin Sauveur à toutes les solennités de la Loi nous enseigne la grande diligence avec laquelle nous devons cultiver la piété liturgique, fréquentant les églises, intervenant aux fonctions sacrées, spécialement les jours de fête, afin de contribuer à rehausser toujours davantage la splendeur du culte extérieur qui rend tant de gloire à Dieu. La désolation du sanctuaire désert et abandonné par le peuple qui n’accourt plus aux solennités de la vraie religion était l’un des malheurs las plus graves que déplorât Jérémie dans ses Lamentations quand il écrivait : Viæ Sion lugent eo quod non sit qui veniat ad solemnitatem.

Dans le verset ad offerendum, pris au psaume 9, est exprimée toute l’inébranlable espérance que Jésus nourrit en son Cœur, même au moment redoutable où la justice paternelle l’abandonne à la haine de ses ennemis : « Qu’ils se confient en Toi, dit-il, tous ceux qui connaissent ton nom, expression d’un ineffable amour. Tu n’abandonnes que celui qui t’abandonne, ou plutôt, tu n’abandonnes personne ; en effet, si le pécheur fuit loin de Toi, tu le poursuis pour l’exciter à la pénitence. Comment donc pourrais-tu manquer à celui qui te cherche ? » Le divin Crucifié sait en outre qu’il ressuscitera glorieux ; et en effet, il entonne déjà sur la Croix le chant pascal : « Chantez des hymnes au Seigneur, s’écrie-t-il, Lui qui, de Sion où Il habite n’a pas oublié le cri du pauvre. » De quel pauvre ? Du Christ, dont saint Paul écrit : Propter nos egenus factus est cum esset dives, ut nos illius inopia divites essemus. Et de quel cri parle ici le psalmiste ? De celui que nous rapportent les évangélistes : « Eloi, Eloi, lamma sabactani, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? »

Dans la prière d’introduction à l’anaphore consécratoire, en présentant à Dieu l’hostie qui va être immolée en son honneur, nous le prions qu’elle nous mérite les secours temporels nécessaires à la vie, de manière pourtant qu’un bien-être excessif n’éteigne pas dans notre cœur l’espérance des biens célestes. C’est bien là le prudent équilibre de l’Église, maîtresse infaillible de vie ascétique, faisant la part entre les exigences de l’esprit et celles de la matière. Il faut tenir compte de la nature du composé humain, sans tomber dans aucun extrême, selon ces paroles du sage : Divitias et paupertatem ne dederis mihi, sed tantum victui meo tribue necessaria… Et il en donnait la raison : Quand la pauvreté vous étreint, elle favorise la tentation de désespoir et de blasphème, tandis qu’au contraire, quand on est dans l’abondance de biens temporels, très facilement, au moins en pratique, on se passe de Dieu.

Dans le verset pour la communion (Ps. 24) on entend à nouveau la voix du Christ accablé sous le poids de nos péchés et tout angoissé par la fureur de ses ennemis ; Il prie instamment son Père de le soustraire à la puissance de la mort, non pour Lui-même qui, source de vie, ne pouvait être retenu dans ses liens, mais pour nous qui avions un besoin absolu de la résurrection du Christ, afin que celle-ci fût pour toute l’humanité le principe et la cause exemplaire de notre propre résurrection. Nous supplions Dieu, dans la collecte eucharistique, afin que notre assiduité à fréquenter le saint autel devienne pour nous un gage et un symbole de notre accès, chaque jour plus proche, à l’autel céleste et à l’éternelle récompense. L’Église militante, en effet, est en quelque sorte une anticipation symbolique, un type prophétique, de ce qui se déroulera dans l’Église du Ciel, spécialement après la pleine consommation de l’œuvre rédemptrice du Christ au jour de la parousie finale. Si à l’action matérielle extérieure, au grade hiérarchique que chacun occupe dans la famille catholique, correspond aussi le zèle et un fervent amour, la place et la récompense dans la gloire du Ciel seront certainement proportionnées au trésor de grâce qui aura enrichi l’âme ici-bas.

Dans la collecte de bénédiction, avant de congédier le peuple, nous prions Dieu, auteur de tout mérite et cause première des mouvements de notre libre arbitre, de bien vouloir soutenir par sa grâce la faiblesse et l’inconstance de notre volonté ; en sorte que l’efficacité de notre exemple serve à augmenter non seulement le nombre des croyants, mais encore leur vertu. Un développement en surface ne servirait en effet de rien s’il n’était le résultat d’un intime progrès en intensité, car Dieu ne regarde pas quantum sed ex quanto.

Pour nous décrire les sentiments du Christ à l’approche de sa Passion, l’Église se sert du Psautier. Celui-ci est, en effet, le livre de la prière par excellence. Les saints Évangiles nous décrivent plus volontiers la vie et la doctrine de Jésus, tandis que le psautier nous initie à la connaissance de la psychologie de Jésus, nous révèle ses préférences, les sentiments de son Cœur, ses luttes, ses angoisses, les accents de suprême amour avec lesquels Il invoquait le Père. Durant toute sa vie, Jésus se plut à prier avec les paroles du psautier, sur la croix ce fut encore le psaume 21 qui réconforta son agonie. Nous pourrions même comparer le livre des psaumes à une sorte de livre sacerdotal, où le Pontife éternel récita ses prières tandis que, durant le cours de sa vie mortelle, Il immolait au Père son propre holocauste. C’est pour cela que les ascètes de l’antiquité chrétienne étudiaient assidûment le psautier et le récitaient en entier chaque jour. Maintenant encore, les nobles, chez les Coptes et les Abyssins, l’ont toujours entre les mains, à la maison, en voyage et dans leurs arrêts au désert ; cette tradition se rattache à celle des Juifs qui n’eurent, durant de longs siècles, d’autre livre de prière que le recueil des chants de David. La piété privée de nos contemporains gagnerait beaucoup si, s’inspirant de l’exemple de la commune Mère, la sainte Église, qui prescrit la récitation hebdomadaire du psautier aux ministres sacrés, elle puisait un peu plus ses inspirations dans ce livre de prière dont l’auteur est le Saint-Esprit et que notre Sauveur Jésus Lui-même voulut recommander par son exemple.

Martyrologe

A Thécué, en Palestine, le saint prophète Amos. Il fut, à maintes reprises, maltraité par le prêtre Amasias et eut les tempes transpercées avec une tige de fer par Ozias, fils du même Amasias. Transporté ensuite à demi-mort dans sa patrie, il y expira et fut enseveli dans le tombeau de ses pères.

En Perse, saint Benjamin diacre. Au temps du roi Isdegerde, comme il persistait à prêcher la parole de Dieu, on lui enfonça sous les ongles des roseaux aigus, puis on lui fit subir le supplice de l’empalement; il consomma ainsi son martyre.

En Afrique, les saints martyrs Théodule, Anèse, Félix, Cornélie et leurs compagnons.

A Rome, sainte Balbine vierge, fille du bienheureux Quirin martyr. Ayant été baptisée par le pape saint Alexandre, elle résolut de devenir, par la sainte virginité l’épouse du Christ; puis, au terme de sa vie terrestre, elle fut ensevelie près de son père, sur la voie Appienne.

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