Le cas Samir Nasri a relancé un énième débat sur l’équipe de France. Entre ceux qui se réjouissent de sa non-sélection en équipe de France parce que considéré comme un voyou et ceux qui accusent Didier Deschamps de ne pas l’avoir pris parce que musulman, on peut toujours nous faire croire que le foot n’intéresse personne. La France est surtout un pays qui n’aime pas le football, contrairement à ses voisins européens comme l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie ou bien l’Allemagne. La fracture s’est opérée après Knysna. Cela s’explique aussi par le fait que les Français n’aiment pas les gens qui ont de l’argent. Cependant une chose est certaine, cette nouvelle affaire révèle une fois de plus ce que notre société française traverse actuellement entre image, communication, crise identitaire et passé.
Le football a beaucoup évolué ces vingt dernières années et quoique puisse en dire certains, il y a désormais un fort projecteur médiatique dont doivent tenir compte présidents, entraîneurs ou joueurs. L’exigence, en terme d’image, n’est plus la même. C’est ainsi qu’on demande à des gamins de dix-huit ans d’avoir une vie irréprochable, de faire attention à ceux qu’ils vont dire ou faire parce qu’ils sont joueurs de football et parce qu’ils sont regardés et scrutés non seulement par les amateurs de football mais aussi les autres. Ils rejoignent ainsi le rang des politiques ou des personnalités. Malgré eux et sans le vouloir, ils deviennent des modèles et renoncent à une vie « normale » loin des caméras et des photos. C’est la contrepartie pour exercer un tel métier. C’est le rôle des éducateurs de leur apprendre à être mature plus tôt que les jeunes de leur génération. L’agent, s’il ne pense pas qu’à l’argent qu’il pourra tirer du transfert de son protégé, est là pour le guider, le conseiller dans sa carrière et défendre ses intérêts. L’environnement familial est très important aussi pour lui garantir une stabilité et l’entourer voir le conseiller aussi si besoin est. On leur apprend aussi à communiquer. On aura compris que le métier de footballeur ne se résume pas à s’entraîner et à jouer des matchs. Le phénomène s’amplifie quand vient le tour d’une carrière internationale. Et comme le football est un sport qui peut se pratiquer facilement dans la rue, on a souvent des jeunes déconnectés de la réalité qui se retrouvent tout à coup sous les projecteurs et avec plein d’argent. Ils n’ont pas toujours été préparés à faire face à cette nouvelle situation.
Pour revenir à l’équipe de France après ce premier préambule, tâchons de mieux comprendre le phénomène « représentatif ou pas » de notre pays. Il démontre en premier qu’amoureux de sport ou pas, on considère toujours qu’une équipe nationale de quelque sport que cela soit, représente son pays et donc qu’en retour on attend qu’elle soit exemplaire et qu’elle porte haut les valeurs de la France. Le premier reproche concerne le fait de chanter ou pas la Marseillaise. C’est en effet agaçant mais remarquons que cela n’a pas toujours été le cas. Par curiosité, on peut retourner voir certains matchs de l’équipe de France, notamment en 1998. Les joueurs, ne chantant pas l’hymne nationale, sont plutôt l’exception et même en 2006 encore. Thuram peut largement agacer par ses leçons de morale sur le racisme mais il a toujours chanté la Marseillaise et même assez fort pour qu’on puisse remarquer qu’il chantait absolument faux. Il en est de même pour Desailly, Henry ou Wiltord. En revanche Barthez ne la chante pas. Ces derniers temps, une différence s’est opérée et on voit les joueurs chanter plus timidement l’hymne national. Mais ce n’est pas propre au football et on peut retrouver la même posture au basket ou au
Après Knysna, on a parlé de voyous mais c’est sans doute Daniel Riolo qui a le mieux étudié ce phénomène et ces dérives du football français dans son livre : « Racaille football club ». Le problème politique d’intégration, sur lequel on n’arrête pas de disserter, se ressent dans le football. On ne peut demander aux footballeurs d’être différents de leurs copains d’enfance. 98 est sans doute une génération dorée d’exception et c’est pour cela qu’en 2006, on a atteint la finale pour la 2ème fois. Or, parmi les critiques que l’on peut entendre, sont-ils vraiment français ? Et on compare l’EDF de 1950 à celle d’aujourd’hui, faisant remarquer que les « blancs » se font rares. Cependant certains semblent oublier qu’ils n’avaient rien contre Raymond Kopa de parents immigrés polonais, Manuel Amoros d’origine espagnole ou Jean Tigana d’origine malienne. Mais voilà à l’époque, ces joueurs se comportaient correctement et portaient haut le maillot français. Mais ils oublient aussi le passé colonial français. On a amené notre savoir-faire aussi en termes de football et tous nos joueurs d’origine africaine sont de nos anciennes colonies. Certes l’Afrique a pris sa revanche footballistiquement mais encore aujourd’hui pour réussir une carrière internationale, les joueurs africains partent dans des clubs européens, la France étant souvent un tremplin pour partir
En 1998, il y avait environ un million et demi de personnes sur les Champs Elysées pour fêter la victoire de l’équipe de France « black blanc beur », championne du monde. Seule la Manif Pour Tous a pu faire mieux. On avait jamais vu autant de scènes de liesse en France depuis 1945 pour certains. N’allez pas me dire qu’il n’y avait que des amoureux du foot ce soir-là dans les rues. Mais depuis 2010, il y a un malaise entre cette équipe et les Français et c’est vrai que ces comportements de « voyous » et de « racailles » agacent et ont largement contribué à ce désamour. Cela traduit cette crise de l’identité française que notre pays n’arrive pas à régler et cela révèle le malaise profond de notre société qui n’ose plus afficher sa fierté française sans se faire taxer d’extrême-droite. D’autres pays n’ont pas ce problème avec leur équipe nationale. C’est bien un problème franco-français…en rendre responsable le football n’est pas justifié mais cette posture peut se comprendre.
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