Messe du lundi de la deuxième semaine de Carême
La Station est dans l’Église de Saint-Clément, Pape et Martyr. De toutes les Églises de Rome elle est celle qui a le plus conservé l’antique disposition des premières basiliques chrétiennes. Sous son autel repose le corps du saint Patron, avec les restes de saint Ignace d’Antioche et du consul saint Flavius. Cette lamentable supplication que Daniel adressait à Dieu du sein de la captivité de Babylone fut exaucée ; et après soixante-dix ans d’exil, Israël revit sa patrie, releva le Temple du Seigneur, et reprit le cours de ses destinées merveilleuses. Mais voici qu’aujourd’hui encore, et depuis dix-huit siècles, ces tristes paroles du Prophète sont à peine l’expression suffisante de la nouvelle désolation qui est venue fondre sur Israël. La fureur de Dieu est sur Jérusalem, les ruines mêmes du temple ont péri, le peuple toujours vivant est dispersé par toute la terre et donné en spectacle aux nations. Une malédiction pèse sur lui ; il est errant comme Caïn ; et Dieu veille à ce qu’il ne soit jamais anéanti. Terrible problème pour la science rationaliste ; mais pour le chrétien, châtiment toujours visible du plus grand des forfaits. Telle est l’explication de ce phénomène : « La lumière est venue au milieu des ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise. » Si les ténèbres eussent accepté la lumière, aujourd’hui elles ne seraient plus ténèbres ; mais il n’en fut pas ainsi : Israël a mérité son abandon. Plusieurs de ses fils ont consenti à reconnaître le Juste, et ils sont devenus enfants de la lumière ; et c’est même par eux que la lumière s’est levée sur le monde entier. Quand le reste d’Israël ouvrira-t-il les yeux ? Quand ce peuple consentira-t-il à adresser au Seigneur la prière de Daniel ? Il la possède, il la lit souvent : et elle ne pénètre point jusqu’à son cœur fermé par l’orgueil. Nous, les derniers venus de la famille, prions pour nos aînés. Quelques-uns d’entre eux, chaque année, se séparent de la masse maudite ; ils viennent demander à Jésus de les admettre dans le nouvel Israël. Que leur arrivée soit bénie ; et daigne le Seigneur, dans sa bonté, faire que leur nombre s’accroisse de plus en plus, afin que toute créature humaine adore en tous lieux le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, avec son Fils Jésus-Christ qu’il a envoyé !
Je m’en vais : parole terrible ! Jésus est venu pour sauver ce peuple ; il n’a rien épargné pour lui prouver son amour. Ces jours derniers, nous l’avons vu repousser durement la Chananéenne, et dire qu’il n’est venu que pour les brebis perdues de la maison d’Israël ; et ces brebis perdues méconnaissent leur pasteur. Il avertit les Juifs qu’il va se retirer bientôt, et qu’ils ne pourront le suivre où il va : cette parole ne les éclaire pas. Ses œuvres attestent qu’il est venu du ciel ; mais eux ne songent qu’à la terre. Toute leur espérance est dans un Messie terrestre et glorieux à la façon des conquérants. C’est donc en vain que Jésus passe au milieu d’eux en faisant le bien, en vain que la nature est soumise à ses lois, en vain que sa sagesse et sa doctrine surpassent tout ce que les hommes ont entendu de plus sublime ; Israël est sourd, il est aveugle. Les plus farouches passions fermentent dans son cœur ; elles ne seront satisfaites que le jour où la Synagogue pourra laver ses mains dans le sang du Juste. Mais en ce jour, la mesure sera comblée, et la colère de Dieu fera un exemple qui doit retentir dans tous les siècles. On frissonne en songeant aux horreurs de ce siège de Jérusalem, de cette extermination de la ville et du peuple qui avaient demandé la mort de Jésus. Le Sauveur lui-même nous dit que depuis le commencement du monde il n’y avait jamais eu un si affreux désastre, et que la suite des siècles n’en verra pas un pareil. Dieu est patient ; il attend avec longanimité ; mais quand sa fureur si longtemps contenue vient à éclater, elle entraîne tout, et les monuments de ses vengeances sont l’effroi de toutes les générations qui viennent après. O pécheurs, qui jusqu’aujourd’hui n’avez tenu aucun compte des avertissements de l’Église, qui n’avez pas songé encore à convertir votre cœur au Seigneur votre Dieu, tremblez à cette parole : Je m’en vais. Si ce Carême passe comme les autres, sans vous avoir changés. sachez que cette menace vous regarde : Vous mourrez dans votre péché. Voulez-vous aussi demander la mort du Juste, dans quelques jours ? Crierez-vous aussi : Qu’il soit crucifié ? Prenez-y garde : il a brisé un peuple entier, un peuple qu’il avait comblé de faveurs, qu’il avait protégé et sauvé mille fois ; ne vous flattez pas qu’il vous ménage. Il faut qu’il triomphe ; si ce n’est par la miséricorde, ce sera par la justice. Nous plaçons, aujourd’hui et les jours suivants, la belle Hymne de Prudence sur le Jeûne.
Sanctoral
Saintes Perpétue et Félicité, Martyres
Perpétue et Félicité furent, durant la persécution de Sévère, arrêtées en Afrique avec Révocat, Saturnin et Secundulus et jetées dans une prison obscure ; on leur adjoignit ensuite Satyrus. Elles étaient encore catéchumènes, mais reçurent le baptême peu après. Quelques jours s’étant écoulées, elles furent conduites de la prison à la place publique avec leurs compagnons et, après une confession glorieuse de la foi, condamnées aux bêtes, par le procurateur Hilarion. C’est avec joie qu’elles revinrent du forum en prison, où diverses visions affermirent encore leur courage et les embrasèrent d’ardeur pour la palme du martyre. Ni les prières ni les larmes répétées de son père accablé de vieillesse, ni l’amour maternel envers son fils tout enfant, suspendu à son sein, ni l’atrocité du supplice ne purent jamais détourner Perpétue de la foi du Christ. Le jour du spectacle approchant, Félicité, qui était au huitième mois de sa grossesse, se trouvant dans une grande douleur, craignait d’être ajournée : les lois en effet interdisaient de supplicier les femmes enceintes. Mais sa délivrance fut avancée grâce aux prières de ses compagnons de martyre et elle mit au monde une fille. Comme elle gémissait au milieu des douleurs de l’enfantement, un des gardes lui dit : « Vous qui vous plaignez ainsi maintenant, que ferez-vous, jetée devant les bêtes ? » Elle répondit : « Maintenant, c’est moi qui souffre ; mais là un autre sera en moi qui souffrira pour moi, parce que moi aussi je souffrirai pour lui. » Aux nones de mars, ces femmes généreuses furent exposées dans l’amphithéâtre, à la vue de tout le peuple et d’abord frappées de verges. Ensuite elles se virent pendant quelque temps le jouet d’une vache très féroce, qui les couvrit de blessures et les foula sur le sol ; enfin elles furent achevées par des coups de glaive, ainsi que leurs compagnons qui avaient été tourmentés par divers animaux. Leurs noms sont inscrits au martyrologe le 7 mars. Fête célébrée à Rome dès le IVe siècle. Leurs noms sont cités au Canon de la messe. Leur fête fut réduite à une commémoraison en 1568 quand saint Pie V éleva St Thomas d’Aquin au rang de double. Saint Pie X anticipa alors la fête des deux martyres au 6 mars.
Sainte Colette de Corbie, Vierge, Réformatrice des Clarisses
Nicolette, par abréviation Colette, était fille d’un charpentier de Corbie, en Picardie; elle reçut ce nom parce que sa naissance fut le fruit des prières persévérantes de sa mère à saint Nicolas de Myre. Agée de dix-huit ans, un jour qu’elle priait, elle vit Jésus-Christ irrité des péchés des hommes, et saint François d’Assise qui la demandait au Seigneur pour devenir réformatrice des Clarisses et travailler à la conversion des âmes; Jésus accepta la demande du Saint. Doutant d’elle-même et résistant à l’indication céleste, elle devint muette et aveugle, et ne fut guérie qu’après avoir mis la main à l’oeuvre que le Ciel lui imposait. Cette oeuvre réussit d’une manière admirable, malgré les efforts conjurés du monde et de l’enfer. Colette eut beaucoup à souffrir de la rage des démons, mais elle endura leurs persécutions avec une invincible constance. Son amour pour l’Eucharistie la dédommageait de toutes les épreuves. Elle ne pouvait entrevoir un Tabernacle sans éprouver des tressaillements du coeur. Ses communications avec Jésus-Eucharistie étaient si intimes, qu’elle sentait Sa présence et Son absence. Parmi ses miracles, on rapporte la résurrection d’un enfant et la résurrection d’une de ses religieuses condamnée à l’enfer, qu’elle rappela à la vie le temps nécessaire pour faire sa confession. A sa mort, à Gand en 1446, on entendit, dans plusieurs de ses couvents, des anges chanter d’harmonieux cantiques, et son corps répandit une très suave odeur. Les fruits de ses travaux persévèrent encore dans les monastères des ferventes Clarisses réformées. Elle fut canonisée par Pie VII en 1807.
Martyrologe
Les saintes Perpétue et Félicité martyres, qui, le lendemain de ce jour, reçurent du Seigneur la glorieuse couronne du martyre.
A Tortone, saint Marcien, évêque et martyr. Mis à mort pour la gloire du Christ, il fut couronné sous Trajan.
A Nicomédie, l’anniversaire des saints martyrs Victor et Victorin. Durant trois ans, avec Claudien et Bassa son épouse, ils furent aflligés de nombreux tourments et retenus en prison, où ils achevèrent le cours de leur vie.
En Chypre, saint Conon martyr, qui sous l’empereur Dèce eut les pieds percés de clous, reçut l’ordre de courir devant un char, tomba sur les genoux et rendit l’âme en priant.
En Syrie, la passion de quarante deux saints martyrs qui y furent conduits après avoir été arrêtés dans Amorium. Ils y soutinrent un glorieux combat et, vain queurs, reçurent la palme du martyre.
A Constantinople, saint Evagre. Au temps de Valens, il fut élu évêque par les catholiques; exilé par ce même empereur, il s’en alla ensuite en vrai confesseur rejoindre le Seigneur.
A Bologne, saint Basile évêque, qui fut ordonné par le pape saint Silvestre, gouverna très saintement, par la prédication et par l’exemple, l’Église confiée à ses soins.
A Barcelone, en Espagne, le bienhenreux Ollégaire, d’abord chanoine, puis évêque de Barcelone et ensuite archevêque de Tarragone.
A Viterbe, la bienheureuse Rose vierge, du Tiers-Ordre de saint François.
A Gand, en Flandre, sainte Colette vierge. Elle fut d’abord religieuse du Tiers-Ordre de saint François, elle rétablit ensuite, sous l’inspiration du divin Esprit, la discipline primitive dans un très grand nombre de monastères des religieuses du Second Ordre franciscain. Ornée de divines vertus et célèbre par des miracles sans nombre, elle a été inscrite au catalogue des Saints par le Souverain Pontife Pie VII.
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