De la férie : messe du lundi de la première semaine du carême

Chacune des féries du Carême a sa Messe propre, au lieu que, dans les féries de l’Avent, on répète simplement la Messe du Dimanche précèdent. Cette richesse de la Liturgie dans la sainte Quarantaine nous aide puissamment à entrer dans la pensée de l’Église, en multipliant l’expression des sentiments qu’elle veut nous inspirer.

Nous extrairons de chacune de ces Messes fériales la Collecte, qui est toujours la prière la plus solennelle, l’Épître, l’Évangile et l’Oraison qui se dit sur le peuple à la fin de la Messe. Cet ensemble renferme la plus solide instruction, et nous fait passer en revue tout ce que les saintes Écritures contiennent de plus substantiel et de plus convenable au temps où nous sommes. A Rome, la Station est aujourd’hui dans l’Église de Saint-Pierre-aux-Liens. Bâtie au Ve siècle par l’impératrice Eudoxie, femme de Valentinien III, elle garde avec honneur les chaînes du Prince des Apôtres. Nous aurons occasion de parler encore de cette Basilique au 1er août, lorsque le Cycle nous ramènera la fête de saint Pierre délivré de prison.

Le Seigneur nous apparaît ici sous les traits d’un Pasteur plein de tendresse pour ses brebis : c’est en effet ce qu’il est pour les hommes, en ces jours de miséricorde et de pardon. Une partie de son troupeau s’était égarée et dispersée, au milieu des ténèbres de ce monde ; mais Jésus n’a point oublié ses brebis. Il s’est mis en marche pour les aller chercher et les réunir. Il n’est point de désert si écarté, point de montagne si abrupte, point de hallier si épineux, qu’il ne visite pour les retrouver. Il fait entendre à toutes sa voix par celle de la sainte Église qui les convie au retour ; et dans la crainte qu’elles ne se troublent à cause de leurs égarements, et qu’elles ne soient inquiètes de reparaître devant lui, il daigne les rassurer. Qu’elles reviennent seulement, qu’elles se laissent trouver ; et les plus doux pâturages sont pour elles, au bord des eaux, sur l’herbe la plus verdoyante, sur des montagnes pleines de délices. Elles sont blessées, le divin Pasteur bandera leurs plaies ; elles sont faibles, il les rendra fortes. Il les réunira aux brebis fidèles qui ne l’avaient pas quitté, et il demeurera toujours avec elles. Que le pécheur se laisse donc enfin fléchir à la vue de tant de bonté, et qu’il ne craigne plus les efforts qu’il lui faut faire pour se rapprocher du Seigneur son Dieu. Le retour lui semble pénible, l’expiation effraie sa faiblesse ; qu’il se rappelle les jours où il habitait dans la sécurité du bercail, sous l’œil du plus tendre Pasteur ; ces jours peuvent renaître pour lui. La porte de la bergerie est ouverte ; de nombreuses brebis, naguère égarées, s’y précipitent remplies de joie et de confiance ; qu’il les suive, et qu’il se rappelle « qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence ».

Tout à l’heure, un Prophète de l’Ancien Testament nous invitait de la part de Dieu à répondre aux avances du Pasteur de nos âmes ; le Seigneur épuisait tous les moyens de sa tendresse pour faire naitre dans le cœur de ses brebis égarées le désir de se rallier autour de lui ; et voici que la sainte Église, le même jour où elle nous a montré ce grand Dieu sous les traits d’un Pasteur si compatissant, nous le découvre sous l’aspect terrible d’un juge que rien ne saurait fléchir. Comment le caractère si débonnaire de notre Sauveur, du charitable médecin de nos âmes, s’est-il ainsi transformé ? « Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel ! » et c’est dans l’Évangile même, dans le code de la loi de l’amour, que l’Église a trouvé ce formidable récit. Cependant, pécheur, ne vous y trompez pas ; lisez attentivement, et vous reconnaîtrez avec épouvante en celui qui prononce cet affreux anathème, le même Dieu dont le Prophète vous a décrit la miséricorde, la patience, le zèle pour toutes ses brebis. Sur son tribunal, il porte encore les traits d’un Pasteur : voyez, il sépare les brebis des boucs ; il place les unes à sa droite, les autres à sa gauche ; c’est toujours d’un troupeau qu’il s’agit. Le Fils de Dieu veut remplir la charge de berger jusqu’au dernier jour. Mais les conditions sont changées ; il n’y a plus de temps, l’éternité ouvre ses profondeurs ; le règne de la justice commence : justice qui accorde aux amis de Dieu la récompense promise ; justice qui précipite le pécheur impénitent dans l’abîme sans fond. Il serait trop tard alors de songer à la pénitence ; elle n’a lieu que dans le temps, et le temps n’est plus. Comment le chrétien qui sait que nous devons tous nous trouver réunis au pied de ce tribunal, hésite-t-il à se rendre aux invitations de l’Église qui le presse de satisfaire pour ses péchés ? Comment dispute-t-il à Dieu la faible expiation dont sa miséricorde veut bien encore se contenter aujourd’hui ? En vérité, l’homme est à lui-même son plus cruel ennemi, lorsqu’il écoute avec insensibilité cette parole de son Sauveur présent, de son Juge à venir : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ».

Sanctoral

Saint Gabriel de l’Addolorata, Confesseur, Passioniste

François Possenti naît à Assise le 1er mars 1838, onzième des treize enfants. Son père Sante est gouverneur dans les États Pontificaux, sa mère Agnès Frisciotti est une dame noble de Civitanova Marche, qui malheureusement meurt à 42 ans laissant François encore bébé. La famille est obligée de se déplacer plusieurs fois à cause du travail du père avec ce que cela occasionne comme déracinement et malaises. En 1841 Sante est nommé assesseur de Spoleto. La famille accède à un niveau social élevé et vit dans la crainte de Dieu. Chaque soir, on récite le saint rosaire. Les souffrances ne manquent pas. Des treize enfants, il n’en reste que huit. Mais tout cela est loin d’affaiblir le caractère vivace et joyeux de François. À treize ans il commence les études au lycée des Jésuites. C’est un étudiant brillant ; il réussit dans toutes les matières et particulièrement en littérature. Il décroche prix et mérites. Il s’habille de manière élégante, est sûr de lui-même et s’adonne à des plaisanteries spirituelles. Il produit des caricatures de ses compagnons de classe. Il aime les fêtes et la danse, mais il reste bon. On raconte qu’il aurait poursuivi en le menaçant un de ses amis qui lui avait fait on ne sait quelle mauvaise avance. Pour obtenir la (grâce de la) guérison d’une grave affection à la gorge, il promet de s’enfermer au couvent et il a tenté de le faire. Mais l’attraction de la vie sans soucis et les appels du monde l’ont toujours dévié. Même son père Sante n’était pas du tout content. Une vie apparemment exemplaire qui concilie poliment le monde et Dieu. Mais il n’en est pas ainsi. Quiconque ne rassemble pas avec moi disperse, dit le Seigneur, et les talents ne peuvent pas être enfouis sans culpabilité. Que des fois il se sent dire : « Je n’ai pas besoin d’aller à l’église ou de prendre part à quelque groupe que ce soit. Je ne fais de tort à personne, j’accomplis consciemment mon travail ». Mais il n’y a pas de sainteté sans projet, fruit d’une décision. Cette décision, François l’a prise le 22 août 1856, quand la Madonne de l’image portée en procession lui dit : « Cecchino que fais-tu dans le monde ? La vie religieuse t’attend ». La Vierge, à la dévotion de laquelle il avait été éduqué en famille, l’accompagnera toujours. Il s’appellera Gabriel de la Mère des Douleurs, en l’honneur de Marie. Elle sera le secret de sa rapide ascension spirituelle en six ans seulement ; ce qui fera dire à son compagnon du noviciat, le Bienheureux Bernard Silvestrelli : « Ce garçon nous a volé notre passé ». C’est bien là un axiome de la mariologie montfortaine : Marie est la voie la plus courte pour arriver à Jésus. Saint Gabriel est connu précisément pour son amour extraordinaire pour Marie Mère des Douleurs, « son Paradis ». Le prénom pris en endossant l’habit religieux devient un programme de vie. Gabriel a appris à contempler la passion de Jésus dans le cœur douloureux de Marie et à contempler les douleurs de Marie dans le cœur transpercé du Christ. De la même manière qu’il a fait le vœu d’aimer et faire aimer Jésus-Crucifié, de même il fait le vœu d’aimer et faire aimer Marie, Mère des Douleurs. L’amour de Gabriel pour Marie Mère des Douleurs fut un amour concret. Il avait promis de ne jamais dire non lorsqu’on lui faisait une requête, par amour pour Marie. Dans les épreuves et les tentations, il répétait : « Ne voudras-tu pas te vaincre par amour pour Marie ? ». C’était l’arme qui lui faisait surmonter toutes les difficultés. À cela, Gabriel ajoute une intense vie de prière et une lutte acharnée contre toute forme de péché. On raconte souvent l’épisode dans lequel Gabriel surveille avec anxiété son directeur, le vénérable P. Norbert Cassinelli et le supplie de lui dire s’il voit en lui quelque péché car, dit-il : « je veux l’arracher à tout prix de ma vie » et il accompagne son intention d’un grand geste de la main. Sa course vers la sainteté ne lui pèse pas ; il est toujours serein et joyeux. De Morrovalle il écrivait à son père : « Ma vie est un continuel jouir. La joie que j’éprouve en vivant dans cette maison est presque indicible ». Pourtant, sa vie fut une continuelle épreuve : mais quand il y a l’amour, même la croix se transforme en joie. Où se trouve le secret de sa sainteté ? « Qu’a-t-il fait d’extraordinaire ? », se demandaient ses confrères, face à tant de miracles. Son saint directeur disait : « Gabriel a travaillé avec son cœur ». Il a toujours dit “si” à Dieu, c’est le saint du quotidien, le saint des petites choses. Il accepte sereinement sa maladie, la tuberculose, qui aura raison de lui à 24 ans. Il meurt dans une extase paradisiaque en priant : « Ma Mère, fais vite ». C’est le 27 février 1862, à l’aube, réconforté par la vision de la Madonne qu’il avait tant aimée.

Bienheureuse Louise Albertoni, Veuve, tertiaire franciscaine

Née en 1474 du patricien romain Stéphane Albertoni et de Lucrèce Tebaldi, Louise resta orpheline de père à l’âge de deux ans à peine et comme la mère se remaria, elle fut élevée par sa grand-mère et ses tantes qui lui donnèrent une formation culturelle et catholique. A vingt ans elle dut se marier, contre son gré, avec le noble du Transtevere Giacomo della Cetera, de caractère rude et instable. Malgré cela, Louise fut une épouse dévouée qui lui donna trois filles. A 32 ans, alors que, Louise est veuve, après avoir gagné un procès pour l’héritage du mari contre le frère de ce dernier, et après le partage des biens entre ses filles, elle donna sa part et elle-même entièrement aux pauvres. Déjà depuis longtemps elle fréquentait l’église voisine de saint François a Ripa, guidée dans son cheminement spirituel par les Frères mineurs qui l’accompagnèrent dans sa décision de se faire Tertiaire franciscaine. Sur les pas du Petit Pauvre d’Assise Louise s’engagea particulièrement pour arracher à la ruer et à l’ignorance les jeunes filles, en les éduquant personnellement et en leur enseignant un métier honnête par lequel assurer sa vie. Morte à l’âge de 60 ans, elle a été enterrée, selon sa volonté, dans la chapelle de Sainte Anne dans l’église de saint François a Ripa au Transtevere; elle fut immédiatement vénérée par les Romains qui connaissaient sa bonté légendaire mais aussi les épisodes d’extase et de lévitation que, dans sa vie, le Seigneur avait voulu lui donner, au point que l’artiste Gian Lorenzo le Bernin dans sa célèbre statue, chef d’œuvre de la sculpture baroque a justement voulu la représenter en mystique. Elle fut béatifiée par Clément X en 1671 et aujourd’hui elle est vénérée comme Co-patronne de Rome.

En Espagne : saint Léandre, Evêque de Séville 

En Espagne, on fête saint Léandre, évêque de Séville. Il est le frère de deux autres saints d’Andalousie : Fulgence et Isidore. Ce fut sous l’épiscopat de saint Léandre que se détermina, au 6e siècle, la destinée chrétienne de la Péninsule Ibérique. On a pu comparer la mission de Léandre en Espagne, auprès des chefs Wisigoths, à celle de saint Remi de Reims près de Clovis, roi des Francs. Saint Léandre appartenait à la race royale des Ostrogoths et fut d’une famille de Saints. Ses deux frères, saint Fulgence et saint Isidore, sa sœur sainte Florentine, ont reçu comme lui les honneurs sacrés, et son autre sœur Théodosie, mariée au roi Léovigilde, fut la mère de l’illustre martyr saint Herménégilde. Simple religieux à Séville, saint Léandre fut promu à l’Archevêché de cette grande cité par les suffrages unanimes du clergé et du peuple. Son beau-frère Léovigilde était arien et persécutait les Catholiques, à ce point qu’il fit mettre à mort son propre fils, saint Herménégilde, converti par saint Léandre. Saint Léandre fut exilé, et du fond de son exil il combattit les spoliations de l’Église par d’admirables écrits. Léovigilde, au lit de mort, se repentit et recommanda à saint Léandre son fils Récarède, qui rentra publiquement dans le sein de l’Église. Saint Léandre présida en qualité de légat du Saint-Siège le troisième concile de Tolède et mérita le titre d’ « apôtre de la nation gothique ». C’est lui qui réforma la liturgie d’Espagne. Il était lié d’une tendre amitié avec saint Grégoire le Grand, qui lui envoya le pallium et qui, dit-on, lui fit présent de l’image de la Très Sainte Vierge attribuée à saint Luc et si profondément vénérée des pèlerins à Guadalupe. Saint Léandre, plein de force et de bonnes œuvres, mourut à Séville l’an 596. De l’évêque Léandre, on conserve des traités qu’il écrivit contre l’Arianisme pour défendre la foi en la Sainte Trinité et un ouvrage sur la virginité dans la vie monastique. Il travailla aussi à la mise en place d’une Liturgie, belle et vivante, pour le peuple chrétien. Il termina sa vie à Séville vers l’an 600. Il était invoqué par les malades souffrant de la « goutte » (fluxion articulaire du gros orteil). Le Pape d’alors, Grégoire le grand, était affligé aussi du même mal. Léandre et lui étaient des amis, aussi s’encourageaient-ils à supporter cette infirmité fort douloureuse. On peut les placer tous deux parmi les saints « guérisseurs ».

Martyrologe

A Isola, dans les Abruzzes, saint Gabriel de l’Addolorata (ou de la Vierge des douleurs), clerc de la Congrégation dite de la Croix et de la Passion du Seigneur. En l’espace d’une courte vie, il acquit de grands mérites et après sa mort devint célèbre par ses miracles. Il a été inscrit au catalogue des saints par le pape Benoît XV.

A Rome, l’anniversaire des saints martyrs Alexandre, Abonde, Antigone et Fortunat.

A Alexandrie, la passion de saint Julien martyr. Il était tellement affligé de la goutte qu’il ne pouvait ni marcher ni se tenir debout: deux serviteurs le portèrent sur un siège pour le présenter au juge. L’un d’eux renia sa foi, l’autre nommé Eunus persévéra, avec son maître, dans la confession du Christ; tous deux, ayant été placés sur des chameaux, furent, par ordre du juge, promenés par toute la ville, déchirés à coups de fouet, jetés enfin dans un grand feu où ils furent consumés à la vue de tout le peuple.

En la même ville, saint Bésas soldat; s’étant efforcé de réprimer les insulteurs des saints martyrs, il fut déféré au juge, et, comme il persévérait dans sa foi, il fut décapité.

A Séville, en Espagne, l’anniversaire de saint Léandre, évêque de cette ville. Il était frère de saint Isidore évêque, et de sainte Florentine vierge. Par sa prédication et sa sagesse, aidé du roi Reccarède, il détourna les Visigoths de l’impiété arienne et les convertit à la foi catholique.

A Constantinople, les saints confesseurs Basile et Procope, qui, au temps de l’empereur Léon, combattirent vigoureusement pour le culte des saintes images.

A Lyon, en France, saint Galmier (ou Baldomer), sous-diacre, vrai serviteur de Dieu, dont le tombeau est illustré par de nombreux miracles.

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