« Tout ce qui est national est nôtre, tout ce qui est catholique est nôtre ! » se plaira à dire Louis Veuillot, journaliste, polémiste, épistolier, écrivain et, avant tout, catholique.

armi les nombreuses très fortes personnalités qui marquèrent le XIXe siècle, Louis Veuillot s’est taillé une place de choix qui ne tient pas seulement à une intelligence exceptionnelle. Journaliste, polémiste, épistolier, écrivain et, avant tout, catholique ; cet homme de conviction sans concession, a laissé, à travers ses écrits, la description de ce qu’il fût pour la France, l’Eglise et son siècle.

Dans tous les sens du terme et dans toutes les situations, ce fût un homme d’honneur, méprisant les profits matériels pour en défendre de plus hauts.

Jamais il ne cacha ses modestes origines où, avant lui, nul de sa lignée paternelle ni maternelle, ne sut lire ni écrire, mais dans leur condition si modeste, on relève déjà de forts caractères ; ainsi, son aïeule maternelle, Marianne Adam, en 1793, menaça hautement, la plus lourde cognée de son mari en mains, d’abattre le premier qui oserait toucher au grand crucifix du village ; elle l’eût fait et personne n’osa s’approcher. Du côté paternel, les révolutionnaires confisquèrent le moulin dont vivait chichement l’ancêtre Veuillot. La mort et la misère s’en suivirent et l’un des nombreux orphelins, François, père de Louis, réussit, par des efforts prodigieux d’intelligence et de courage à devenir tonnelier. Il ne savait pas lire et depuis sa tendre enfance, dût gagner sa vie au jour le jour. Il devait mourir à 50 ans, à Bercy, épuisé par un dur labeur quotidien qui ne lui assura jamais que le strict minimum. Ainsi que l’écrit son fils, arrivant juste à temps pour le trouver à l’agonie :

« …C’était un simple ouvrier, sans orgueil et sans lettres. Mille infortunes obscures et cruelles avaient traversé ses jours remplis de durs labeurs… ».

Sa femme, une autre Marianne Adam, avait hérité de la fierté et de l’ardeur au travail des siens. Elle en eût bien besoin dans le milieu des besogneux de cette époque.

Leur vie de ménage débuta en Gâtinais, à Boynes. Un fils, Louis, leur naquit en 1813. Au bout de cinq ans de labeur et d’épargne, le peu d’argent recueilli leur fût enlevé par un négociant malhonnête. Pour cacher leur nouvelle misère, la famille partit vers Paris, à Bercy, où naquit un second fils, Eugène. Louis Veuillot raconte à ce sujet :

« La plus ancienne joie dont je me souvienne, fût de voir ce beau petit frère endormi dans son berceau. Dès qu’il pût marcher, je devins son protecteur… ».

Et les deux frères grandissent, souvent séparés, inséparables toujours. Plus tard, il y eût deux sours : elles furent ses filles. Le premier argent qu’il gagna fût pour elles ; il ne voulût pas que leur enfance ressemblât à la sienne ; Annette et Elise Veuillot reçurent au couvent des oiseaux, une belle et bonne éducation.

Dès 4 ans, Louis avait fréquenté l’école de Boynes où on lui donna un petit alphabet. Après la première leçon, il déchira la page qu’il savait, n’étant pas d’humeur à apprendre deux fois la même chose. On le punit. Il recommença. Pour mettre fin à cette manie de la destruction, il reçut un abécédaire tracé sur une planche, qui lui servit à son instruction, mais aussi à frapper sur le dos de ses camarades. Il fallût le lui ôter. Après quelques mois passés à Bercy, à 5 ans, Louis est renvoyé à Boynes,, chez ses grands-parents.

Là, mis à l’épluchage du safran, comme tout le monde au village, il comprit immédiatement, mais en eût vite assez et déclara qu’il avait autre chose à faire. Aucune mesure ne vînt à bout de sa résistance. Cet enfant était indomptable. A l’école, il est le premier.

L’instituteur prédit qu’il ira loin. Une sorcière des environs annonce qu’il sera empereur ! En attendant, il se casse le bras et attrape la petite vérole dont il restera profondément marqué au visage. De cette enfance agreste, il conservera toujours l’amour des champs et l’horreur du boulevard parisien.

Il ne reverra ses parents qu’à 10 ans et sa mère aura du mal à le reconnaître. A Bercy, avec un maître ivre du matin au soir, il n’apprend rien, si ce n’est quelques leçons de syntaxe, d’histoire et des rudiments de latin que lui donne un sous-maître qui s’était pris d’affection pour lui. Il fait sa première communion sans préparation, ni lendemain et, la misère aidant, il va lui falloir gagner sa vie. Par des amis, 20 F par mois lui sont offerts chez Me Delavigne avoué à Paris. Voici ce qu’il en dira plus tard :

« J’allais demeurer hors de la maison paternelle. J’avais 13 ans, abandonné dans le monde, sans guide, sans conseils, sans amis, pour ainsi dire sans maître, à 13 ans, sans Dieu ! O destinée amère… ».

N’ayant pas seulement de quoi se suffire, il arrive dans un milieu de clercs cultivés, aisés, insouciants, qu’il surprend par son intelligence, amuse, et intéresse. On lui prête des livres qu’il dévore ; on lui donne des billets pour le spectacle, il n’en manque aucun. Il reçoit quelques leçons ; l’étude de Me Delavigne lui tient lieu d’université. Il y fait la connaissance de Gustave Olivier, l’ami qui le guidera et surtout, lui apprendra qu’il peut être aimé. Quelle découverte pour cet enfant tellement sensible sous l’écorce dont il se protége !

A 15 ans, le voici troisième clerc avec 30 F par mois et logé. Son éducation et son instruction se poursuivent au gré des circonstances. Un petit article de lui est inséré dans le Figaro, et on arrive en 1830, à la chute de Charles X, qu’il observe et décrit :

« J’avais 17 ans quand je vis les médiocres enfants de la bourgeoisie qui m’entouraient s’applaudir d’avoir démoli l’autel et le trône ; j’avais 18 ans quand je vis la bête féroce abattre la croix ; déjà mes anciens compagnons se félicitaient moins. Débordés aussitôt que vainqueurs, les bourgeois effarés appelaient de toutes parts au secours. N’ayant sans doute ni assez de tête ni assez de cour, il leur fallut accepter des enfants comme défenseurs de l’étrange ordre social qu’ils venaient d’établir ».

Grâce à Gustave Olivier, il entre alors dans sa carrière de journaliste à « L’écho de la Seine Inférieure ».

A Paris, Bugeaud qui l’a remarqué, l’envoie à Périgueux au titre de rédacteur en chef de la feuille gouvernementale. Il a 19 ans et en deux ou trois ans, il désarçonne tous ses détracteurs. C’est un polémiste cinglant auquel la société périgourdine subjuguée ouvre ses salons et l’adule. On le reçoit partout ; il s’amuse, fait des dettes mais travaille et porte un regard aigu sur ce qui l’entoure. Il papillonne et laissera un peu de son cour à Périgueux.

En 1834-1835 Gustave Olivier lui apprend qu’il est chrétien. Louis Veuillot en est troublé.

A Paris, Guizot revenu au gouvernement cherche des journalistes. Sur les conseils de Gustave Olivier, Veuillot quitte la province pour entrer dans le journal « La charte de 1830 » ; en 1837, il passe à « La Paix ».

Il mène une vie désordonnée, dépense plus qu’il ne gagne et n’est pas heureux. A nouveau, Gustave Olivier est sur son chemin, en partance pour Rome et Constantinople, entraînant Louis.

« Il était temps, a-t-il jugé plus tard. J’avais 24 ans, je devenais philosophe ; la fortune me souriait. J’avais vu bien des hommes, je commençais à mépriser bien des choses. Au détour du chemin, je rencontrai Dieu. Il me fit signe ; j’hésitais à le suivre. Il me prit par la main, j’étais sauvé ».

Ces quelques lignes résument l’âpre combat qui se livra dans son âme, à Rome, changeant instantanément le cours et le sens de sa vie… Lire la suite sur La Porte Latine

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