les_fossoyeurs_de_l_occidentLouis Dalmas est un journaliste français, directeur de la revue mensuelle BI (ex-Balkans Info). Il a fondé et dirigé pendant 10 ans la plus importante agence de reportages-photos du monde, et il est l’auteur de plusieurs livres sur la géostratégie internationale. Il a sorti en 2013 un livre intitulé: « Les fossoyeurs de l’Occident ». Nous lui avons donc posé des questions sur son livre mais aussi sur des problématiques actuelles…

1) Louis Dalmas, vous avez sorti en 2013 un livre intitulé: »les fossoyeurs de l’Occident », pourriez-vous nous donner un rapide aperçu du bouquin ? Quels sont les thèmes abordés ?

Le thème central est l’état de notre Occident. Le terme “d’Occident” est assez flou, mais il évoque un ensemble dans l’esprit des gens. Un ensemble plus culturel que géographique, un espace technologiquement “avancé”, empreint d’une “modernité” individualiste et consommatrice dont le souffle vital est l’argent. Il comprend l’Amérique, l’Europe, une partie du Proche-Orient, l’Australie, et les pays d’Asie sous influence comme le Japon. Il est dominé par l’impérialisme anglo-saxon où les Etats-Unis ont pris la relève de l’Angleterre. Ce nouvel empire est fondé sur un système économique de capitalisme libéral qui privilégie la liberté de marché et une hégémonie politico-militaire qui défend exclusivement les intérêts américains.

Dans ce cadre, et suivant la logique du système, beaucoup d’événements se sont déroulés ces derniers temps. Des guerres de contrôle ou de mainmise néocolonialiste, le remplacement du pouvoir des États par celui des banques, la crise économique mondiale, l’échec de l’Europe des grands patrons et des technocrates, l’érosion des nations indépendantes, le rôle croissant d’un islam auquel les Occidentaux ne comprennent pas grand-chose, la transformation de l’OTAN en robocop international, l’organisation par Washington de subversions “de couleur” dans les régimes que les USA trouvent “indésirables” parce que trop indépendants.

Ce sont les détails de ces événements qui sont la matière du livre. Avec l’accent porté sur un phénomène fondamental : le gouffre qui s’est creusé entre les dominants isolés dans leur bulle de puissance et de richesse, et les dominés qui ne se reconnaissent plus dans ces maîtres d’une autre planète. Entre les gouvernants astreints à multiplier les méfaits du système dans lequel ils se sont enfermés, et les gouvernés victimes d’une société ou s’accroissent les injustices et les inégalités. Le divorce est complet entre le “haut” et le “bas”. Pour résumer en une image : la société s’est partagée entre un couvercle de nantis et la marmite d’une masse de démunis, et les rapports se sont dégradés entre les deux au point de passer d’une différence de degré à une différence de nature. L’univers où circulent des milliards et où se prennent les décisions n’est pas le même que celui où un euro compte et où on n’est pas écouté.

 

2) L’Occident ne cesse de suivre l’OTAN sur tous les dossiers. N’est-ce pas une preuve de dépendance et de soumission sans réserve ?

L’OTAN avait au début dissimulé sa vraie nature sous le masque d’une soi-disant défense de l’Europe contre un agresseur éventuel. Seul de Gaulle, parmi les gouvernants européens, avait compris que l’organisation était une police destinée à éliminer les velléités d’indépendance nationale susceptibles de gêner la domination américaine. Aucun de ses successeurs n’a eu sa lucidité et son courage. Un déclencheur de guerres criminelles est pourtant ce que l’OTAN est devenue aujourd’hui ouvertement, aucun risque d’agression ne menaçant l’Alliance Atlantique et pouvant justifier sa prétendue mission de « défense ». L’OTAN n’est plus qu’un instrument au service de la Maison Blanche et de Downing Street, qui complète par la force militaire le système économique néolibéral. Le capitalisme de Wall Street et de la City s’appuie sur l’impérialisme du Pentagone. Le malheur est que les chefs d’Etat occidentaux acceptent cette situation en faisant preuve d’une servilité totale. Dans le sillage des banquiers US et anglais, et de leurs soldats, ils ont une politique internationale déterminée par les intérêts stratégiques ou pétroliers du grand frère et de son caniche londonien ; ils ont été et continuent à être sans broncher les complices de ses destructions entre autres de la Yougoslavie, de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye et de la Syrie. Un statut de larbin dévoué qui a rendu pitoyables, en France, aussi bien Sarkozy hier que Hollande aujourd’hui.

 

3) Par exemple, sur le dossier syrien, quels sont les intérêts français à renverser Assad ? Ne suit-elle pas plutôt les USA ?

La France n’a bien sûr aucun intérêt à se ridiculiser en Syrie. Les Etats-Unis poursuivent leur stratégie d’élimination des chefs d’Etat indépendants (Milosevic, Saddam Hussein, Kadhafi, maintenant Bashar al Assad), d’encerclement de la Russie, de manipulation des musulmans (en croyant s’attacher des islamistes « modérés » par la suppression des régimes laïques) et de contrôle des sources d’énergie. S’abaisser à être au service de cette politique, surtout avec le zèle grotesque d’un Fabius qui renchérit sur le cynisme impérial, ne peut que desservir la France. Nous trahissons à nouveau une vieille amitié, avec Damas comme jadis avec Belgrade. Nous menaçons d’agression un régime exemplaire de pluralisme et de laïcité, beaucoup plus proche de nos valeurs que la mythique « démocratie » du dollar. De l’avis de nos propres services de renseignement, nous perdons l’avantage d’une collaboration antiterroriste avec des spécialistes syriens chevronnés de ce genre de combat. Et pour couronner le tout, nous n’aurons même pas les miettes du butin final. Si Bashar est renversé, son successeur traitera de préférence avec les puissants financiers de sa victoire ; si Bashar gagne, il favorisera les alliés qui l’auront soutenu. Dans les deux cas, les juteux contrats du pétrole, du gaz et de la reconstruction iront aux géants américain ou russe, pas au minable second couteau de Paris.

 

4) Quelle place et quel rôle accordez-vous à l’islam  dans votre livre ?

En simplifiant les choses, on peut dire que notre monde occidental est dominé par deux forces principales : une force matérielle économico-militaire, l’hégémonie US ; une force spirituelle religieuse, l’islam. Sans cloisons étanches, bien entendu. La force matérielle s’articule autour d’une théorie abstraite de l’économie et de la démocratie ; la force spirituelle se décline en investissements concrets de peuples et de territoires. Les deux sont des composantes majeures de notre tableau.

J’ai beaucoup parlé de la première, il faut dire quelques mots de la seconde.

Le « succès » de l’islam vient du fait que, pour la troisième fois de notre histoire, nous avons affaire à une religion des pauvres, c’est-à-dire une foi qui prend le parti des masses démunies et, en conséquence s’étend comme une traînée de poudre. Il y a eu le christianisme sous l’empire romain, puis le communisme. Il y a aujourd’hui l’islam. Que ce dernier réalise ou non ce qu’il promet, n’est pas la question. La réalité est qu’il apparaît comme le pourfendeur de la corruption des « grands » et le grand propagateur de la vertu individuelle et de la solidarité sociale. Et il est conçu comme tel dans l’esprit de millions de fidèles. Ne pas se rendre compte de cela est méconnaître sa puissance de conviction.

En vérité, nous pourrions tous être musulmans s’il n’y avait pas le revers de la médaille. Le dogme du déterminisme absolu de la volonté divine qui induit à la notion de fatalité, de fusion du spirituel et du temporel dans la conception de l’Etat religieux, d’élimination des infidèles, de guerre sainte comme expression du devoir individuel, de loi intangible aux sanctions disproportionnées (la Sharia) et de réduction de la femme à l’état de bibelot masculin. Tout cela, porté au paroxysme par les intégristes, caractérise le côté inacceptable de la confession.

Cela dit, l’islam n’est pas un bloc homogène. Ses divisions n’altèrent pas l’essentiel de la doctrine, mais elles permettent aux Occidentaux, téléguidés par les États-Unis, de se livrer à un dangereux double jeu. Ils trompent les non-musulmans en leur faisant croire qu’ils défendent les droits de l’homme et la démocratie contre les terroristes alors qu’ils détruisent tout ce qui faisait barrage au fanatisme. Ils trompent les musulmans en les dressant les uns contre les autres par théocraties interposées, en privilégiant ceux qui se plient le mieux à leurs intérêts.

Le résultat est un chaos qui profite aux plus enragés et accroît les risques de guerre généralisée.

 

5)  Une toute dernière question, quelle est votre vision de la classe politique française actuelle ?

Un mépris considérable pour une caste dont la médiocrité, à de rares exceptions près, est un mélange de cynisme et d’aveuglement.

« Les fossoyeurs de l’Occident » peut être commandé à CAP 8 et réglé sur Paypal, ou directement par lettre accompagnée du chèque correspondant à CAP 8,  BP 391,  75869 Paris cedex 18, avec 20 % de réduction sur le prix public, soit 18 euros au lieu de 22 euros.

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