Sur sa page Facebook, Alain Favaletto, ex-secrétaire départemental du Rassemblement National pour le Haut-Rhin, livre ses impressions sur la dérive du parti qu’il a quitté.

A l’issue de presque cinq années de responsabilités au Rassemblement National (Secrétaire départemental du FN/RN Haut-Rhin), et de presque deux années passées dans l’équipe du RN au Parlement européen (assistant parlementaire), voici mes impressions sur trois aspects de cette force politique.

Considérations sur les personnalités influentes (hors la présidente) :

Tout d’abord, un bref retour sur Florian Philippot à l’époque de son départ :

Le départ de Philippot était inévitable, non parce que ses capacités n’auraient pas correspondu aux fonctions qu’on lui avait confiées mais parce que ses méthodes de gestion interne, simples mais malsaines, ont indisposé progressivement un grand nombre de cadres et de militants bénévoles du parti.

Il lui a été reproché d’attirer à lui des collaborateurs en les rendant dépendants de rentrées financières ou de promesses de rentrées financières, pour s’assurer une cour de fidèles. Rien de mieux pour cela que d’éviter les compétences ou les profils (à l’exception de quelques jeunes Sciences Po pour des fonctions de rédacteur) et de s’entourer de jeunes peu diplômés (petites facs de province, diplômes sans débouchés) ou en cours de formation et sans expérience professionnelle, peu susceptibles de retrouver un emploi en cas d’abandon de la politique : certains jeunes conseillers régionaux du Grand Est illustrent le résultat de cette tactique.

Ce panel était complété par des plus anciens en situation d’échec ou de difficultés professionnelles (quelques exemples aussi à la Région Grand Est, tel ce conseiller régional, commerçant triplement failli, ce dernier s’étant aussi forgé la réputation de faire sauter la grenouille à la moindre occasion).

La sincérité militante et l’abnégation n’étant plus un critère, les adhérents de longue date ou très engagés le prenaient évidemment mal. A charge pour les SD d’apaiser les situations locales.

Cependant, il semble bien que la direction du RN, sous l’influence de quelques cadres comme le député Bruno Bilde, sorte de pacha à trois queues ayant l’oreille de la présidente, et le vice-président Steeve Briois, tous deux ayant les mains libres pour la gestion du mouvement, se soient engagés dorénavant dans la même voie.

Situation aggravée par le fait qu’ils n’ont pas du tout le niveau socio-culturel de F. Philippot, ni sa capacité de réseautage, et encore moins de charisme.

C’est d’ailleurs le problème principal du RN : à l’exception de quelques personnes de haut-niveau comme le professeur Lebreton, Jean Messiha, la Dr Joëlle Mélin, etc, les personnes de valeur sont presque toutes extérieures au RN, de Gilbert Collard à Hervé Juvin, en passant par les étoiles filantes J-L Schaffhauser ou Aymeric Chauprade.

L’examen des 22 élus aux européennes de 2019 corrobore d’ailleurs ce constat, particulièrement chez les dames où, à l’exception notable de Mme Mélin et peut-être de la Martiniquaise Maxette Pirbakas, les députées n’ont en général même pas le niveau de leurs assistants parlementaires. Alors pourquoi ? Et bien parce qu’en haut, on ne le veut pas. Comme sous F. Philippot, on constate l’accaparement du pouvoir d’influence par un petit groupe de personnes, essentiellement la paire Bilde-Briois et leurs compères qui, d’un niveau socio-culturel extrêmement modeste, souhaitent éviter d’attirer au RN des personnes bien calibrées, par crainte de perdre leurs territoires de jeux et la rente que leur procurera sans risque un RN éternellement accroché à 20 %. Pourquoi pensez-vous que Jean Messiha est cantonné aux notes d’actualité et ne décroche aucune investiture valable ? Énarque cultivé, docteur en économie, arabophone, anglophone, il n’aurait pas le niveau des Bilde, Bardella, Pajot qui ont mis des années pour décrocher un vague master lorsqu’ils l’ont obtenu, puis n’ont quasi jamais été en situation d’exercer de vraie responsabilité professionnelle ? A côté de cela, on pousse un marchand de cravates comme S. Chenu, juste bon au baratin et à la comm, mais sans le moindre fond, et passé par l’UDI, puis l’UMP avant que l’esprit saint du patriotisme alimentaire ne le saisisse et qu’il rejoigne « courageusement » un FN devenu fréquentable. En réalité Chenu, Bilde et leurs relais régionaux s’ils sont patriotes, le sont dans le sens où l’on profite de sa patrie, où l’on a conscience d’en être et de pouvoir bénéficier de cette hérédité. Mais ils ne le sont pas dans le sens de servir leur pays, contrairement à nombre de militants politiques. Ils sont des badauds du patriotisme, prenant l’air et flairant l’occasion d’une ruse profitable.

Lobby gay contre conservateurs :

Si la cohésion des adhérents du RN semble très forte, ceux-ci soutenant quasi sans réserve le programme du parti, l’influence considérable qu’a eue Florian Philippot entre 2015 et 2017, sa mainmise sur les nominations de cadres et sur les investitures, ont promu au sein du RN une génération gay, non pas au sens d’une identité homosexuelle généralisée puisque cette génération gay n’était pas constituée que d’homosexuels, et que le courant conservateur qui lui faisait face n’incluait pas que des hétérosexuels, mais au sens d’une idéologie, d’une idéologie de rupture socio-politique. En quoi, fait-elle rupture ? En ce qu’elle introduit dans le débat public, des comportements relevant strictement du domaine privé, en ce qu’elle prend partie dans les débats de société en faveur de normes juridiques et de comportement niant la loi naturelle, et en ce que ces normes sont liées étroitement, non pas au bien commun de la cité, mais à des préférences ou des modes individuelles.

– Ainsi dans son comportement, cette génération que l’on peut observer parmi les nouveaux élus ex-FN du Grand Est au Conseil Régional en 2015 est globalement frivole, hyper-individualiste, malléable, ostentatoire et sans scrupule. Le vieux barbon politicien est à-côté d’eux un délice de vertu et d’amour du bien commun. Plus grave, la plupart de ceux qui la composent n’a que peu de convictions pérennes et peu d’ancrage culturel. Tout est dans le simulacre. D’où l’usage, devenu soudain frénétique au RN, des fameux « éléments de langage » qui donnent à ceux qui n’ont rien à penser, l’illusion qu’ils ont quelque chose à dire. Paradoxalement, cette génération qui devait moderniser la politique en achève la caricature.

– Dans son positionnement politique, elle suit inconsciemment les préceptes de l’idéologie gay dans ce qu’elle a de grande démolisseuse des catégories, de l’ordre des choses, des données intangibles, etc. En réalité, les Philippot’s boys, jeunes ou moins jeunes, ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, sont très éloignés des valeurs habituelles de l’électorat conservateur du RN et conchient par impuissance ou immaturité, tout aussi bien le respect de la règle que les hiérarchies naturelles, l’apprentissage que la maîtrise des savoirs, l’acceptation de la responsabilité que la reconnaissance de ses erreurs. Leur activité politique n’est qu’une mise en scène clinquante et sans talent, à l’image du spectacle superficiel des gay pride qui les amusent sans doute. La partie politiquement visible de ces faiblesses se manifeste dans les questions sociétales (mariage gay, PMA, GMA, euthanasie, maltraitance, peine de mort, etc.) sur lesquelles ils sont à contre-pied de leur électorat.

Si Marine Le Pen reste discrète sur ces questions, c’est autant pour ne pas raviver ces débats délicats, que les sociologues appelaient autrefois la guerre des dieux, que pour ne pas diviser davantage les cadres dirigeants du parti et les élus.

F. Philippot ayant tiré ses grègues, certains de ses joyeuses recrues sont cependant restées, parfois après hésitations et revirements, avec le rêve discret de passer du statut d’arriviste à celui de parvenu. La colonisation psychologique est restée également et s’appuie sur des sentinelles attentives dont la plus intransigeante est conseiller spécial de la présidente. Si les circonstances politiques actuelles dictent au RN les grands thèmes de son programme tels que l’insécurité, l’immigration de masse, le chômage, etc, et attirent à lui une masse électorale considérable, c’est en revanche l’idéologie gay telle que définie plus haut, perturbant les rouages dirigeants, qui conditionnent la mise en avant de certains cadres et d’élus et l’éloignement des autres. Un des outils d’exclusion est l’incrimination d’homophobie. Souvent improuvable, toujours sans appel, elle peut transformer en chambre ardente toute commission disciplinaire ou d’investiture. Dans ses conséquences, on est loin des purges staliniennes ; dans la méthode on s’en approche un peu. Au demeurant l’idéologie gay trouve ses lointaines racines dans le marxisme et la dérive de mouvements de libération. Certains cadres du RN, alors que le pays va si mal, se demandent combien de temps encore leur sera imposé le spectacle de vieux faunes chenus et de maroufles atrabilaires, disposant à distance de leur sort, et ajoutant même un plumet de fatuité à leur petitesse.

En réalité, alors que ces mêmes dénoncent l’immigration de masse et les évolutions défavorables de la démographie, ils ne portent aucun intérêt à la famille ni aux enfants et l’on peut se poser la question d’une familiphobie, voire d’une hétérophobie volontiers conjuguées à la classique christianophobie des « progressistes » du RN.

Minoritaires mais actuellement très influents, utilisant la victimisation comme la minorité musulmane qu’ils dénoncent (car ils y voient certes une religion connaissant des extensions salafistes ou violentes mais surtout un milieu conservateur attaché à la loi naturelle), fonctionnant claniquement, ils tentent en réalité d’imposer leurs codes, leurs hommes, leurs normes.

Il est assez probable que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ils seront soudain surpris, tout comme Philippot en son temps, d’apercevoir la roche tarpéienne.

Etat du RN:

Si l’on en juge par les résultats des derniers épisodes électoraux, la santé du RN est florissante. Le décollage électoral s’est produit progressivement à partir de 2014 mais surtout l’idée s’est imposée, dans l’esprit de ses partisans comme dans celui de bon nombre de ses opposants, que son arrivée au pouvoir serait bientôt inéluctable.

En réalité, les années 2014-2017 ont été caractérisées par deux phénomènes : un contexte renforçant les certitudes du RN et de ses électeurs (nombre et violence des attentats islamistes) et l’omniprésence de Philippot dans les media (ce qui mit fin aux récriminations du RN sur l’inégalité de traitement médiatique).

Ce sont ces deux phénomènes conjugués qui ont porté Marine Le Pen au 2ème tour de la Présidentielle, bien plus que les qualités de l’équipe dirigeante ou l’organisation de la campagne.

Depuis cette date et l’humiliation ressentie par les militants face à l’incroyable débâcle du débat Le Pen-Macron, suivie par la déconfiture des législatives, le nombre des adhérents n’a fait que baisser.

Dans la fédération haut-rhinoise, le nombre des adhérents à jour de cotisation a baissé de 80 % entre juin 17 et juin 19. Il est en de même dans la plupart des fédérations. Cette hémorragie avait d’abord été attribuée à la mode macroniste. Il a fallu constater que la chute se poursuivait alors même que M. Macron perdait en popularité et que les autres partis, LR et LFI, étaient en difficulté.

Nombre d’adhérents restant et beaucoup de ceux qui sont partis portent dorénavant leurs espoirs sur un retour de Marion Maréchal à la politique. Ils attendent Marion. Elle leur apparaît, à tort ou à raison, comme le joker pour sortir de l’impasse et celle qui, par son affabilité et la profondeur de ses vues, achèverait le décloisonnement du RN. Marine Le Pen a certes « l’envie d’être candidate » en 2022 mais elle ne s’est peut-être pas posé la question de l’envie des adhérents de la voir candidate.

En réalité, le RN fait l’objet d’un vote de routine par des électeurs désabusés. Ceci explique que contrairement à d’autres mouvements populistes en Europe, le RN n’ait pas pu améliorer sa position aux européennes.

Grâce à un programme simple et efficace, le RN dispose d’un socle à peu près assuré de 15 % mais il n’apparaît toujours pas comme un parti de gouvernement, capable d’assurer une alternance.

Par ailleurs, on peut penser que la disparition du RN est inscrite dans l’état de ses finances. Avec un budget annuel déficitaire chaque année (contrairement à ses fédérations locales), et une dette supérieure à 20 millions avec des dates de remboursement échues, faisant l’objet de renégociations, le RN est un colosse aux pieds d’argile susceptible d’être mis en liquidation à tout moment. Si les 9 millions dus à une banque tchéco-russe et échus en septembre dernier ont pu trouver un nouveau créancier, semble-t-il sur une place financière orientale, ce ne sera pas sans de copieux intérêts à verser. Passez muscade ! Pour ne rien dire de la dizaine d’autres millions à rembourser à des créanciers divers dont Cotelec.

Ceci pourrait avoir inspiré récemment Marine Le Pen qui disait souhaiter se présenter sans parti à la prochaine présidentielle.

Pourvu qu’advienne d’ici-là un congrès qui rebattrait les cartes et délivrerait les milieux patriotiques et populistes de ces godillots imbéciles qui obstruent le chemin du redressement national !

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