Les quatre cardinaux conservateurs Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner l’attendaient depuis plus d’un an. Elle est enfin arrivée cette réponse pontificale officielle à leurs dubia demandant des clarifications sur le chapitre VIII d’Amoris laetita et les interprétations contradictoires qu’il génère.
Elle leur est parvenue à travers les Acta Apostolicae Sedis (Actes du Siège apostolique, AAS), le journal officiel du Saint-Siège qui contient les principaux documents que le pape souhaite rendre publics. Et elle ne va certainement pas résoudre la grave crise déchaînée au sein de l’Église conciliaire par la promulgation de cette exhortation sur la famille plus apostate qu’apostolique qui ruine la conception de l’indissolubilité du mariage catholique.
Si deux d’entre les cardinaux des dubia sont décédés au cours de cette année 2017 avant de connaître la position du pape François, les cardinaux Burke et Brandmüller ont du recevoir une douche froide à la lecture des AAS du mois d’octobre 2016 qui contiennent le rescrit ex audientia sanctissimi du 5 juin 2017 signé par le cardinal Secrétaire d’État Pierre Parolin. Pour information, le rescrit est « un acte administratif donné par écrit (d’où son nom) par une autorité dans son domaine de compétence propre, qui fournit une réponse à une question écrite, posée par une personne (physique ou morale), et détaillant le contexte et les conditions précises du problème évoqué. »
Le rescrit en question stipule :
« Le Souverain Pontife décrète que les deux Documents qui précèdent seront publiés sur le site web du Vatican et les Acta Apostolicae Sedis comme Magistère Authentique. Fait au Palais du Vatican, le 5 juin 2017, Pierre Parolin, Secrétaire d’État. »
Les deux documents dont il est fait mention et qui sont donc édités dans les AAS sont la lettre privée du pape François adressée le 5 septembre 2016 à Mgr Sergio Alfredo Fenoy, délégué des évêques de la région pastorale de Buenos Aires, et les « Critères de base pour l’application du chapitre VIII d’Amoris laetitia » définis par ces évêques argentins. Le pape François dans son courrier les félicitait pour leur interprétation du chapitre VIII :
« Cette lettre convient tout à fait. Elle explicite pleinement le sens du chapitre VIII d’Amoris laetitia. Il n’y a pas d’autre interprétation. Je suis certain que cela fera beaucoup de bien. »
Or cette pastorale argentine louée par l’ancien évêque de Buenos Aires ouvre tout bonnement l’accès aux sacrements pour les divorcés remariés civilement ne vivant pas dans la chasteté :
« Si on arrive à reconnaître que, dans un cas concret, il y a des limites qui atténuent la responsabilité et la culpabilité, surtout quand une personne considère qu’elle tomberait dans une faute ultérieure en faisant du tort aux enfants de la nouvelle union, Amoris Laetitia ouvre une possibilité au sacrement de la réconciliation et de l’Eucharistie. »
Le fait de décréter officiellement que ces deux Documents font partie du Magistère authentique a clairement pour but, du côté du Vatican, de clore une bonne fois pour toute le débat instauré par les dubia et la Correctio filialis, et le tumulte né des interprétations contradictoires sur le chapitre VIII au sein du monde épiscopal tout en imposant ainsi arbitrairement à tous les évêques la ligne libérale, progressiste et laxiste bergoglienne en matière sacramentelle et en morale familiale.
Mais c’est un acte extrêmement grave qui va rajouter de l’imbroglio à la confusion générale générée par la crise ouverte depuis le concile Vatican II au sujet du magistère. Car un dilemme se fait jour : comment cette interprétation argentine contraire à la Tradition de l’Église catholique peut-elle appartenir au Magistère authentique comme le prétend le pape François ?
Pour s’en sortir et garder la paix, il est bon de relire le Catéchisme de la crise dans l’Église de l’abbé Matthias Gaudron (FSSPX), question n°19, dans lequel il est expliqué que
« l’infaillibilité du Magistère ordinaire universel des évêques (M.O.U.) ne peut s’appliquer qu’à une vérité touchant la foi ou la morale, que les évêques enseignent avec autorité, de façon universellement unanime, comme divinement révélée aux Apôtres ou nécessaire pour garder le dépôt de la foi et donc comme immuable et obligatoire. »
Toutes ces conditions sont loin d’être réunies dans cette interprétation pastorale d’Amoris laetitia.
Il est bon tout autant de réécouter ces quelques mots ci-dessous de l’abbé de la Rocque, qui fut l’un des théologiens de la FSSPX lors des discussions doctrinales avec Rome de 2009 à 2011. Lors d’une conférence, le 18 mai 2012, il revint sur cette question si délicate du Magistère :
« Il me semble qu’une distinction doit impérativement être posée parce qu’aujourd’hui de par la nouvelle théologie, l’expression magistère actuel a une double signification. […] l’expression magistère actuel a pris un sens nouveau, autre, à l’occasion du concile Vatican II. Nouvelle conception qui n’est autre que celle condamnée par St Pie X dans son encyclique Pascendi dénonçant le modernisme, où le magistère est considéré comme l’expression de la conscience ecclésiale. Le magistère n’est plus le médiateur nous transmettant avec les garanties de véracités propres au Christ, nous transmettant l’enseignement du Christ, non le magistère est considéré comme l’expression de la conscience interne de l’Église. Paul VI dira que « le Concile qu’est-ce que c’est ? C’est un moment où l’Église se recueillit en elle-même pour se dire à elle-même ce qu’elle pensait d’elle-même. »
« Alors face à cette confusion l’âme catholique en général […] pour rester docile à l’enseignement authentique de l’Église n’a pas d’autre solution que de regarder l’objet enseigné pour voir s’il est conforme ou non à l’enseignement authentique de l’Église où là, sans l’ombre d’un seul doute, le magistère engagé par l’autorité était bien le magistère ministériel par lequel il se faisait les instruments du Christ-Vérité. On n’a pas d’autre solution que celle-ci… »
Aussi, pour ne pas être pris dans l’imbroglio qui règne dans la Rome actuelle à cause d’Amoris laetitia si contraire à la doctrine traditionnelle de l’Église catholique, pire encore, pour ne pas se laisser abuser par le magistère conciliaire du pape François qui « fait » pour paraphraser un commentaire de Mgr Lefebvre sur Jean-Paul II « une pastorale qui emmène les peuples dans l’apostasie », « l’âme catholique en général » n’a pas d’autre solution que de s’« attacher fermement à la Tradition, soit au Magistère officiel de l’Église pendant vingt siècles » (Mgr Lefebvre, Paris, le 27 août 1976), et de n’avoir « aucune part, nullam partem habemus » « à ce système qui se qualifie lui-même d’Église Conciliaire » (Lettre ouverte à son Éminence le cardinal Gantin, préfet de la congrégation des évêques, Ecône, le 6 juillet 1988).
Car Dieu ne change pas, la Vérité non plus.
Francesca de Villasmundo
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