Liban, après le deuil commence la manifestation. Et la contestation a immédiatement conduit à une révolte contre le gouvernement et le Hezbollah : les manifestants ont occupé les bureaux des ministères. L’explosion du stcok de nitrate d’ammonium, qui a fait 158 morts (bilan encore provisoire), 6 000 blessés et 300 000 sans-abri, a été ‘’l’étincelle‘’ qui a suscité le mécontentement, après des mois et des mois de crise économique et sanitaire. Et cela détruit l’équilibre fragile du gouvernement Diab.
Des milliers de personnes sont descendues dans la rue, de 5 000 à 10 000 selon les estimations. En quittant le port, la zone la plus dévastée de Beyrouth, la foule s’est immédiatement heurtée à la police alors qu’elle se dirigeait vers le centre. Des groupes plus organisés de centaines de militants de l’opposition ont occupé les bureaux des ministères, dont le siège du ministère des Affaires étrangères, tandis qu’un affrontement très dur a eu lieu non loin de là sur la Place des Martyrs, le même où Rafiq Hariri, alors Premier ministre, a été assassiné le 14 février 2005. Etait attendue, vendredi, la sentence par contumace du procès international des auteurs présumés, tous les militants du Hezbollah, de cette attaque, mais le Tribunal spécial des Nations Unies pour le Liban a reporté la peine au 18 août, « par respect pour la d’innombrables victimes de l’explosion dévastatrice qui a secoué Beyrouth, en raison du deuil national de trois jours au Liban ». Le report de la peine n’a pas calmé l’opposition. Au contraire, elle a accru le ressentiment envers le Hezbollah, considéré comme le principal coupable de la catastrophe et du président maronite Michel Aoun, considéré comme le plus grand protecteur du Hezbollah. Les manifestants ont brûlé les photos d’Aoun hier.
Des révoltés ont aussi tenté de prendre le quartier général de l’Association des banques, y mettant le feu avant d’être délogés par l’armée, selon un photographe de l’Agence France-Presse sur place. Les protestataires ont également investi les ministères de l’Économie et celui de l’Énergie, symbole de la gabegie des services publics, les coupures de courant alimentant la gronde. « Nous sommes officiellement en guerre contre notre gouvernement », a déclaré une militante, Hayat Nazer. Les banques sont la cible de la colère des manifestants depuis octobre en raison des restrictions draconiennes imposées sur les retraits et virements à l’étranger.
Ces manifestations ont fait un mort du côté de la police et environ 700 blessés. Ce sont d’autres victimes indirectes de l’explosion qui a secoué le pays.
Le ressentiment très fort contre le mouvement armé chiite a pareillement augmenté après la déclaration de son chef Hassan Nasrallah, qui a nié toute implication du Hezbollah dans cette double explosion qui a eu lieu dans le port de Beyrouth.
Le général maronite Michel Aoun, dans son discours télévisé, a plutôt tenté de mettre la responsabilité des explosions sur des saboteurs étrangers. Il a évoqué une éventuelle action militaire secrète dans laquelle « une bombe ou un missile » aurait été utilisée. Il demande aussi que l’enquête sur l’explosion soit uniquement libanaise et non internationale. Et a refusé l’aide d’Israël.
Que le Hezbollah puisse être directement responsable du désastre car il contrôle le port de Beyrouth n’est qu’une hypothèse, mais c’est toujours une hypothèse bien fondée et c’est une cause de colère populaire au Liban, où le Hezbollah, quel que soit le déroulement des élections, reste toujours dans une position assez forte pour faire chanter tout gouvernement, avoir sa propre armée et propre infrastructure complètement à l’abri du contrôle des autorités étatiques.
Le Hezbollah a en effet déjà produit des explosifs à partir de nitrate d’ammonium, lors du bombardement de touristes israéliens en 2012 à Burgas, en Bulgarie. Plusieurs tonnes de ce produit hautement explosif ont été saisies dans les dépôts secrets du Hezbollah dans le cadre d’opérations antiterroristes en Allemagne (au printemps dernier), en Bolivie, au Koweït, à Chypre et au Royaume-Uni au cours des cinq dernières années. C’est une arme ‘’pauvre‘’ car elle est facilement disponible sur le marché. Que le Hezbollah ait puisé dans un dépôt dans un port qu’il contrôle directement à Beyrouth pourrait expliquer pourquoi cette substance y est restée, dangereusement, toutes ces années et que personne ne s’est donné la peine de la stocker ailleurs.
Le Premier ministre Hassan Diab a annoncé hier soir que lundi, au Parlement, il demandera la fin anticipée de cette législature et de nouvelles élections. « Nous ne pouvons pas résoudre la crise structurelle du pays sans élections législatives anticipées. »
Francesca de Villasmundo
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