Les Semaines sociales, La Croix et France télévisions ont demandé une enquête au CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) à l’occasion des Semaines Sociales qui se sont déroulées à Lille du 21 au 23 novembre dernier. Le titre de ce rapport est L’homme augmenté : l’opinion oscille entre désir et peur. Nous avons essayé au fil du temps pour Médias Presse Info de présenter les inquiétantes évolutions de la technologie. La lecture de ce rapport qui est une sorte de sondage commenté reste un peu décevante ; ceci dans la mesure où manifestement le grand public ne paraît pas au courant des dangers représentés par les nouvelles technologies, se contentant de s’en méfier.

Une partie des réponses au sondage tient de la banalité dans le genre : « Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade » (Francis Blanche). Les deux tiers des personnes estiment que les limites de l’homme seront toujours dépassées ; ceci notamment par la science, la médecine et les technologies. Ce sont surtout les jeunes qui ont ce point de vue alors que les séniors sont plus réticents à 50 %. La foi en l’avenir technique tend à réduire le phénomène religieux (ce que nous constatons tous les jours). La médecine va améliorer les capacités corporelles et mentales et en fera reculer les limites ; ce qui tient de l’évidence.

La partie intéressante du rapport concerne l’augmentation des potentialités humaines : nanotechnologies, biotechnologies, informatiques et sciences cognitives. Les Français connaissent peu ces sciences nouvelles. Il va de soi que les perspectives de la greffe d’un bras robotisé, sont tout à fait bien acceptées si nécessaire. En revanche quand il est expliqué que le fonctionnement d’une telle prothèse se fait par la greffe de microprocesseurs dans le cerveau, 85 % des sondés ne sont plus d’accord.

Or 40.000 de ces dispositifs ont déjà été installés pour soigner des maladies comme le Parkinson, les troubles obsessionnels compulsifs, les dépressions. En réalité la question est de savoir quelle sera la limite des indications médicales de l’implantation de micro-puces dans le cerveau face au libre arbitre de chacun. Prenons un exemple : y a-t-il lieu d’appareiller les pédophiles, ceux qui sont méchants ou ont des troubles du caractère ? Car il ne faut pas oublier qu’un dispositif informatique dépend toujours d’un autre. C’est l’interface que l’on trouve tout simplement entre un ordinateur et un serveur. L’enquête du CREDOC ne descend pas à ce niveau, se contentant de relever avec bonheur d’ailleurs, les craintes des Français quant à de possibles atteintes à la mémoire, à la perception de soi et d’autrui, et finalement à la perte de l’identité de chacun d’entre nous.

De même les Français tiennent à protéger leur vie privée. Si par exemple un repérage de géolocalisation – comme on le met par exemple chez les oiseaux pour suivre leur migration- est souhaitable pour les malades d’Alzheimer, il n’est pas concevable à titre personnel. Exactement les ¾ de nos concitoyens refusent même l’idée qu’ils puissent bénéficier d’une surveillance de leur propre santé par un centre médical à distance. Notons que ceci se fait déjà depuis longtemps pour les pacemakers. À 80 % ils se méfient du Cloud qui stocke les données informatiques qui lui sont envoyées. Les Français ont le sentiment que c’est à terme un danger pour leur liberté. Un Big Brother risque de s’installer par ce moyen en s’en servant contre eux.

Enfin nos contemporains français très majoritairement n’ont jamais entendu parler des nanotechnologies et les autres savent à peine de quoi il s’agit. Donc ils s’en méfient et en ont une appréciation phantasmatique négative.

Finalement la conclusion est celle de la sagesse. Oui à « l’homme augmenté ». Mais gardons nos facultés d’appréciation, notre liberté, notre personnalité propre. C’est sans nul doute un rejet confus des thèses transhumanistes qui prétendent transformer les hommes en cyborgs, en hommes-machines. Pendant combien de temps ?

Dr Jean-Pierre Dickes

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