Sur le blog Le Courrier des Stratèges, le fondateur Éric Verhaeghe, publie une intéressante analyse sur la vision politique en retard d’une dictature et les omissions zemmourriennes au sujet du changement de civilisation qui est en train de se produire sous nos yeux à la faveur de cette crise sanitaire, aubaine pour les artisans du Great Reset :
« Penser Zemmour à l’heure de la dictature sanitaire.
Penser Zemmour et le zemmourisme, surtout s’il est teinté de knafisme, n’est pas chose simple en temps ordinaire. Mais en situation de dictature sanitaire, l’affaire se présente comme un accouchement par le siège, tant le personnage est clivant, suscitant chez certains un enthousiasme quasi-christique, chez d’autres un rejet viscéral. Régulièrement interrogés par des lecteurs sur cette question, nous avons décidé de sortir de l’ambiguïté pour confronter les vues éditoriales du Courrier aux prises de position du polémiste.
Eric Zemmour réussit l’exploit d’être un non-candidat à une élection dont il est cité comme un possible vainqueur. En soi, cette (non)posture est déjà une superbe réussite qui interroge sur le poids de la société du spectacle. À la différence des hommes politiques traditionnels, Eric Zemmour ne s’est en effet pas distingué par une prise de responsabilité dans un poste électif ou public. Il s’est seulement illustré par son potentiel télévisuel. Mais ce point de contexte, qui pourrait être considéré comme une limite, ne semble pas gêner ceux qui déclarent aujourd’hui le soutenir.
Puisqu’il est d’usage désormais de prendre position même si l’intéressé est pour l’instant en phase de “réflexion”, il nous paraissait important d’apporter quelques éléments d’analyse libertarienne sur sa doctrine.
Zemmour face à la dictature sanitaire
Nous éviterons ici de cataloguer sommairement la pensée zemmourienne sur le passe sanitaire et sur les mesures liberticides que le gouvernement multiplie depuis plusieurs mois. Nous retiendrons seulement (et nous pensons ne fâcher aucun lecteur en l’affirmant) que cette question de la dictature sanitaire n’occupe pas une place centrale dans la doctrine du polémiste.
Tantôt contre le passe sanitaire, tantôt pour ou peu dérangé par son principe, Zemmour ne fait pas partie de ceux qui tempêtent contre une violation des libertés publiques par l’Etat. Redisons-le, peut-être cette violation l’embarrasse-t-elle, mais il n’en fait pas le centre de sa doctrine.
Les lecteurs fidèles du Courrier savent que nous ne pouvons guère partager cette forme de tiédeur ou d’indifférence vis-à-vis de ce qui nous semble être crucial dans notre époque, ou plutôt dans le changement d’époque auquel nous assistons.
Si nous en croyons les informations que nous recevons régulièrement, Zemmour appartient plutôt à ce groupe de pensée “identitaire” qui considère que la question de la vaccination ou celle du passe sanitaire sont des divertissements, des façons d’occulter ce qui leur semble le sujet de fond : l’immigration et l’identité française. Au fond, le seul sujet politique de l’époque serait celui de la démographie, et le reste ne compterait pas vraiment.
Nous voulons expliquer ici deux choses : d’abord pour quelle raison nous n’opposons pas question migratoire et question de libertés. Ensuite pour quelle raison nous pensons qu’Eric Zemmour se trompe dans son appréciation de la réalité.
Pourquoi immigration et libertés ne font qu’un seul et même sujet
Ainsi, il y aurait deux sujets différents. D’un côté celui que certains appellent la submersion migratoire. D’un autre côté celui de la vaccination obligatoire, du passe sanitaire et de la surveillance de masse.
Nous pensons pour notre part que ces deux sujets ne font qu’un, ou plutôt qu’ils sont les deux faces d’un seul et même projet de dilution de l’Occident dans un grand tout mondialisé, servile et formaté pour les besoins d’un nouveau capitalisme de connivence sur lequel nous nous exprimons régulièrement.
Nos lecteurs, habitués à la thématique prétendument complotiste du Great Reset, savent combien ces deux sujets sont en tout cas étroitement liés dans la conception multilatérale déployée par la caste mondialisée qui domine les démocraties occidentales. Ce lien étroit apparaît peu clairement si l’on reprend la chronologie des faits, mais il se comprend très vite si l’on se réfère aux conceptions politiques dominantes outre-Atlantique, notamment sous la férule de l’Open Society Foundation de George Soros.
Pour mémoire, le spéculateur américano-hongrois Soros, élève de Karl Popper, a créé une fondation qui prétend renverser, ou aider au renversement, des sociétés “traditionnelles”, c’est-à-dire des bons vieux Etats-nations occidentaux. Pour diluer leur identité, Soros n’a pas hésité à financer abondamment les ONG qui organisent la crise migratoire. Son projet est clair et assumé : il s’agit de diluer les vieilles résistances nationales en Europe, et de promouvoir un “activisme inclusif” grâce auquel nos sociétés ne feraient plus aucune distinction entre les individus, soit sur des critères culturels, ou ethniques, ou de genre.
Dans cette vision de la société ouverte, l’obligation vaccinale, le passe sanitaire, le crédit social, la peur de la maladie, jouent des rôles essentiels.
Pourquoi la dictature sanitaire est indissociable de l’immigration
Il ne faut surtout pas oublier que la caste mondialisée qui a favorisé les submersions migratoires de ces dernières années (notamment la vague de 2015 accueillie à bras ouverts par la coupable Angela Merkel, qui a directement débouché sur des vagues d’attentats meurtriers) a pris peur lorsque deux événements sont intervenus coup sur coup. D’abord, l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a remis en cause le sacro-saint principe du libre-échange et de la gouvernance multilatérale du monde, dont la caste mondialisée dépend économiquement. Ensuite, l’adoption du Brexit en Grande-Bretagne a fini de démontrer que le suffrage universel était devenu l’allié du vote souverainiste, moqué sous les termes de “populiste” d’abord, puis de “complotiste” aujourd’hui.
Face au risque de voir le suffrage universel servir les ennemis du multilatéralisme, du libre-échange, de la bien-pensance activiste, la caste mondialisée a compris le parti qu’elle pouvait tirer de la menace épidémique. En agitant les peurs, en répétant quotidiennement dans les médias qui lui sont dévoués que chacun risque sa vie en parlant à son voisin, une reprise en main des vieux peuples d’Occident a commencé. Cette reprise en main se matérialise par un véritable projet de zombification, de neutralisation de tout esprit critique, où n’importe quel citoyen est sommé d’obéir à la propagande s’il ne veut pas être puni pour fait de complotisme.
D’où ce projet insensé de crédit social à la chinoise avancé par Emmanuel Macron, qui permet de domestiquer les peuples et de bannir tous ceux qui refusent de donner un blanc-seing à une politique organisée de dilution de l’Occident.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’entre la vague migratoire organisée et l’anesthésie des libertés sous prétexte de COVID, il n’y a qu’un seul et même projet : celui d’une solution finale pour une conscience occidentale décidément bien gênante pour le libre-échange et ses petits travers.
Le retard conceptuel d’Eric Zemmour sur le Great Reset
Les Français qui ont fait l’effort de remettre en cause leurs certitudes acquises et qui se sont informés sur ce projet de Great Reset, au demeurant parfaitement théorisé et transparent, savent tout ce qui vient d’être dit. Mais le journaliste du Figaro Eric Zemmour, figure de proue d’une rédaction subventionnée par l’Etat, n’a pas fait l’effort de cette mise à niveau de ses connaissances. Il est resté dans les certitudes de l’Ancien Monde, sans prendre connaissance du dévoilement et des tournants doctrinaux de ces derniers mois, dont le Forum de Davos est devenu le porte-voix avec tant d’efficacité. Et, effectivement, il faut avoir mis les mains dans le Great Reset pour comprendre que la crise du COVID est montée en épingle pour pouvoir en finir une bonne fois pour toutes avec les vieilles résistances souverainistes qui transforment l’Occident en village gaulois, hostile à l’envahisseur globalisé.
Au fond, la vague migratoire de 2015 portait en elle le trumpisme et le Brexit. Le trumpisme portait en lui l’épidémie de COVID comme prétexte rêvé pour imposer une gestion mondialisée de la crise et affaiblir l’économie américaine. Et l’épidémie de COVID portaient aussi en elle la dictature sanitaire et la guerre déclarée aux vieilles identités.
Mais sur toutes ces questions, Eric Zemmour est encore un homme du vingtième siècle. Il s’est arrêté au regroupement familial autorisé par Giscard, et à quelques autres niaiseries si on les compare au noyau dur de la dictature sanitaire. Faute de disposer d’un cadre d’analyse capable d’expliquer, de décrypter, l’évolution internationale de ces derniers mois, il est resté figé sur une compréhension obsolète du monde contemporain.
Un silence gênant sur le fait multilatéral
Et c’est bien ce qui nous gêne chez Eric Zemmour : ce sentiment qu’une vie trop confortable à l’abri des contrats par lesquels il loue sa force de travail aux Dassault et Bolloré ne l’a guère poussé à renouveler ses analyses, et ce constat qu’au fond sa vision du monde est périmée.
C’est aussi pour cette raison que nous sommes embarrassés par ses silences sur le poids du multilatéralisme aujourd’hui, et par son manque de clarté ou de vision sur l’Union Européenne, outil névralgique de la caste. Pour être honnêtes, nous pensons qu’Eric Zemmour n’est pas équipé pour comprendre le monde dans lequel il vit et ce point faible compliquerait singulièrement son accession au pouvoir.
Il y a en effet une illusion bien naïve dans le fait de croire que renoncer à l’immigration règlerait tous les problèmes de notre temps. La caste mondialisée mobilise bien d’autres outils que les flux migratoires pour torpiller les résistances à l’ordre qu’elle appelle de ses voeux. Et sur ces autres outils, on attend de connaître les positions du candidat Zemmour. Mais nous constatons qu’elles sont bien tardives, quoi qu’il arrive, et bien peu visionnaires.
Mais… c’est notre point de vue. C’est un point de vue parmi d’autres. Et chacun reste bien entendu libre d’émettre une approche ou une évaluation différentes. »
Francesca de Villasmundo
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