La Bible[2] relève avec quelle sagacité le roi Salomon parvint à discerner, entre deux femmes qui prétendaient toutes les deux être la mère du même enfant, laquelle mentait et laquelle disait vrai.
Il avait, en effet, jugé en son for intérieur, que les entrailles de celle des deux femmes qui avait en réalité porté l’enfant, ne manqueraient pas de se révéler et de parler vrai à l’annonce simulée qu’il ferait de le mettre à mort. Aussi commanda-t-il en leur présence qu’on apportât une épée et qu’on partageât en deux le corps de l’enfant pour que chacune des deux en reçût la moitié.
Lorsque tomba de ses lèvres ce cruel verdict, celle qui n’était pas la vraie mère y donna sur le champ son assentiment, tandis que l’autre supplia le roi de céder plutôt l’enfant à sa rivale que de le tuer car – nous explique le texte sacré – « ses entrailles étaient bouleversées pour son fils .»[3] Ainsi que l’avait prévu Salomon, ce fut ce cri de la nature, jailli du plus profond d’elle-même, qui lui permit de la reconnaître comme étant la vraie mère et de lui rendre son enfant.
La fécondité du « Jugement de Salomon » est intemporelle et nous en voyons une singulière application sous nos yeux. Quatre « religions » principales coexistent aujourd’hui en France et se trouvent en théorie confrontées de la même manière à l’impie césarisme de Macréon, l’abolitionniste du culte public en France. Une telle mesure – qu’on n’avait pas revue en France depuis l’époque de la Terreur – ne devrait tout de même pas être anodine aux yeux de ceux qui prétendent rendre à Dieu le tribut de l’adoration et communiquer à leurs frères le message divin.
Trois sur quatre de ces religions ne se sont cependant pas départies d’un calme – digne de l’Olympe assurément – mais ressemblant à s’y méprendre à une parfaite indifférence. A ce que l’on sache, la fermeture des temples, des synagogues et des mosquées n’a pas provoqué le soulèvement en masse des pasteurs, des rabbins et des imams. Leur contestation des décrets gouvernementaux n’a pas défrayé la chronique. Ni les protestants, ni les juifs, ni les musulmans n’ont tenté de recours au Conseil d’Etat. On ne les a pas davantage vus manifester dans la rue. Voilà des religions sages qui ont mérité les louanges de la République pour leur esprit civique.
Pour tous les médias, le vilain petit canard, c’est le catholicisme râleur ! Sans doute parce qu’il se prend encore pour la religion d’Etat … Il s’est rebiffé, a diffusé son mauvais esprit et s’est démarqué des autres religions en bravant leur consensus ! A y regarder de plus près, ce n’est pourtant qu’une poignée d’évêques qui s’est manifestée. Comme souvent, les fidèles se sont montrés plus pugnaces que leurs pasteurs et leur combativité croissait au fur et à mesure qu’on avait à faire à leur frange la plus traditionnelle.
Mais ignorons ici ces nuances et reconnaissons sans barguigner qu’il est bien vrai que, des quatre religions, c’est le catholicisme qui s’est le plus amèrement plaint de l’abolition du culte public et de l’interdiction de la pratique religieuse. Fâcheuse singularisation aux yeux de Macréon et des mécréants mais honorable posture en réalité !
Car ce sont bien les religions qui se trouvent au final jugées sur leurs actes ou sur leur apathie en la circonstance. Un discrédit frappe les trois qui se préoccupent si peu de l’adoration de Dieu et de la sous-nutrition spirituelle de leurs adeptes. Elles laissent entrevoir aussi peu de ferveur que de dévouement.
Seule la vraie mère s’inquiète et de l’interdiction du culte et de l’inanition religieuse qui menace ses enfants. Seules ses entrailles se sont émues et, selon le jugement du Roi sage, c’est là un signe infaillible de vérité. Pascal l’a ainsi exprimé : « La vraie religion doit avoir pour marque d’obliger à aimer son Dieu. Cela est bien juste et cependant ce qu’aucune autre n’a ordonné, la nôtre l’a fait. »[4] Aussi, quand le culte que l’on doit à Dieu lui est volé, les religions sans amour n’en sont pas bouleversées.
A quoi l’on pourrait sans doute objecter, comme Rivarol l’a pointé du doigt, que certains juifs, dans un département de la ceinture parisienne, se déplaçaient pour aller à la synagogue, pendant le premier confinement, sans laissez-passer. La Préfecture, délicieusement délicate, non seulement leur permettait de se rassembler pour le sabbat mais les dispensait du port d’un justificatif bon pour les goym. D’autre part ne peut-on soupçonner que la police, active et intrépide pour verbaliser les mamans entourées de cinq marmots à la sortie des messes, se montre circonspecte et prudente pour ne pas exciter l’ire islamique à l’entrée des mosquées qui n’ont donc pas été inquiétées ?
Tout cela est jusqu’à un certain point exact. Il demeure cependant que la religion catholique est la seule à s’être activement mobilisée contre les diktats gouvernementaux. Le fait ne doit pas être passé sous silence. Les âmes en quête de vérité sauront en tirer les leçons. Si nous déplorons en interne le manque de pugnacité des évêques, nous nous devons en même temps de souligner quand même l’accréditation que le catholicisme reçoit de ce nouveau « Jugement de Salomon ».
R.P. JOSEPH d’Avallon, ofm cap.
[1] I Reg 3, 26.
[2] I Reg 3, 16-28.
[3] I Reg 3, 26.
[4] Pascal, « Pensées ».
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