Le Boulonnais est à la jonction de l’Artois et de la Picardie. Il a ses traditions propres qui sont vivaces et passablement différentes des provinces qui l’entourent. Le temps de Noël est particulièrement fort et charmant par ses coutumes.
Saint Nicolas
La Saint Nicolas est la grande fête des enfants. Inutile d’essayer de rentrer dans la ville ce jour-là en raison du défilé du char dominé par la stature du bon évêque. C’est le jour où les enfants reçoivent leurs cadeaux. Les enfants ont mis la veille une chaussette dans l’âtre de la cheminée : c’est pour les bonbons ; une carotte ou deux pour nourrir l’âne du bon saint. La sagesse infantile est de rigueur dans la période qui précède : sinon celui-ci risque bien de mettre un martinet en guise de présent. En revanche, en aucun cas l’enfant ne saurait être privé de son saint Nicolas en pâte soufflé, artistiquement décoré avec une représentation de ce bonhomme bienveillant.
C’est aussi la période de l’Avent : de dimanche en dimanche, on ajoute une chandelle jusqu’à Noël. Laquelle est allumée à la crèche artistiquement préparée. Chaque enfant a son mouton qui s’approche de jour en jour si son propriétaire a été sage. Attention, il peut même reculer dans le cas contraire ! Puis vient le grand jour de Noël. Le gui et le houx sur les lustres sont classiques. Plus récemment, une couronne tressée est mis au pas de la porte. Une grosse bûche est disposée dans la cheminée (si celle-ci existe encore) avant la messe de Minuit. Les croyants évitent de festoyer en cette fête de la pauvreté. Le réveillon est pour le lendemain midi.
Une tradition d’origine inconnue
La plus belle tradition est sans doute celle du Guénel. Ce mot vient peut-être de l’espagnol aguinaldo qui désigne le mendiant. Les Espagnols occupèrent en effet la région à la fin du XVIème siècle. L’interprétation la plus simple est celle de « Gai Noël ». Le meilleur récit de cette tradition est donné par Henri Malo dans son roman Gingolph l’Abandonné. Un pauvre Portelois orphelin de père et dont la maman est malade fait une longue route à pied dans le froid pour gagner quelques sous avec son guénel. Cette tradition « remonte à la nuit des temps », mais lesquels ?
La municipalité de Boulogne – ou celles des bourgs voisins- met à la disposition des enfants des bacs remplis de grosses betteraves. Les enfants les récupèrent et les creusent. Ils excavent vers l’extérieur une place pour le nez, la bouche et éventuellement le nez. Une bougie est allumée au centre. Ils se promènent à la tombée du jour ensuite de maison en magasins en chantant une petite ritournelle en picard pour obtenir quelques friandises ou quelques « soussous ». Cette chansonnette évoque le petit malheureux qui voit par le trou de la serrure ceux qui font la fête. L’air rappelle vaguement Au clair de la Lune. Le mot de « guénel » désigne celui qui le porte et ce qu’il porte.
O Guénel
Par un pt’it trew
Ej’ vous vois ben
Tous les dew,
Minger del’tarte
Et du gatiaw,
Sans m’in donner
Un pt’it morciaw.
O Guénel Guénel,
Tout petiot petiot,
Lavez vos écuelles et léquez vos plats
Si les filles sont belles
On les mariera
Si elles sont pont belles,
on les laiss’ra là et tralala
El Bon Dieu pass’ra par là
I dira quoque tu fais là
Je cueille des violettes
Pour les p’tites fillettes,
Je joue du violon
Pour les pt’its garçons.
D’étranges lumières dans la rue
Puis, en début de nuit, tous les Guénels se rassemblent et vont de la Basse-Ville à la Haute-Ville vers la mairie où déferle une pluie de récompenses décernées aux plus beaux réalisateurs.
Cette chansonnette est devenue une sorte d’hymne « national » de Boulogne.
Après la messe, on se réchauffe avec un bon roustitin qui est tout simplement du chocolat chaud, bien sucré qu’éventuellement on peut mélanger avec du rhum. Les pâtissier ont préparé de grandes brioches appelées coquiles ou quéniolles ; leur forme générale est celle d’un petit Jésus à deux têtes. Mais aussi les inévitables craquelins. Il s’agit d’une pâtisserie en pâte feuilletée disposée sous la forme d’un huit et qui se mange chaude. Il peut y avoir aussi le plum pudding flambé au rhum ou au cognac. Cette tradition a été apportée par les Anglais à partir du milieu du XIXème siècle.
Ensuite, dodo les enfants ! Il est deux heures du matin. Si Saint Nicolas n’est pas passé antérieurement, les cadeaux auront été apportés par le Père Noël en fin de nuit.
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