Le rapport annuel de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF), publié le mois dernier, a été peu médiatisé. Ses 96 pages – un ouvrage peu aisé à lire – sont censées recenser les violations les plus flagrantes de la liberté religieuse à travers le monde. Mais son contenu est sous influence israélienne.
Le professeur Stephen Schneck, un membre restant de l’administration Biden, a présidé le rapport de cette année. Schneck est un professeur retraité, doyen et directeur du département de sciences politiques de l’Université catholique d’Amérique (CUA).
L’objectif de l’USCIRF est assez simple : informer les législateurs des pays qui ne parviennent pas à protéger les minorités religieuses afin qu’ils puissent décider s’ils souhaitent prendre des mesures supplémentaires ou non.
Le rapport y parvient en utilisant trois classifications : les pays particulièrement préoccupants (les pires), les pays figurant sur la liste spéciale de surveillance et les entités particulièrement préoccupantes (acteurs non étatiques tels que les groupes terroristes qui attaquent ou répriment complètement l’expression religieuse).
Comme on pouvait s’y attendre, la Corée du Nord, l’Iran et la Chine sont régulièrement désignés comme des pays particulièrement préoccupants. Le groupe terroriste islamiste Boko Haram figure parmi les entités figurant sur la liste des entités particulièrement préoccupantes.
Un changement notable entre le rapport de 2024 et celui de 2025 est la dégradation inexplicable de la note accordée à l’Azerbaïdjan, un pays à majorité musulmane qui a été retiré de la liste des pays particulièrement préoccupants.
Ce changement constitue un scandale international, car l’Azerbaïdjan s’est engagé – et a effectivement réussi – à chasser les chrétiens depuis 2023.
Israël a fourni des armes à l’Azerbaïdjan pour perpétrer son génocide anti-chrétien
Également connu sous le nom de République d’Artsakh, le Haut-Karabakh était un ancien satellite de l’URSS avant la dissolution de l’Union soviétique en 1991.
Depuis lors, sa population, composée à 99 % de chrétiens, a souffert de trois conflits importants avec l’Azerbaïdjan : un en 1994, un autre en 2020 et un troisième en 2023.
Malgré les ressources diplomatiques et militaires dépensées par la Russie pour garantir que les 120 000 Arméniens de la région vivent en paix, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, soutenu par la Turquie, a lancé une offensive pour reprendre définitivement la région en octobre 2023.
Les forces d’Aliyev ont lancé ce que son gouvernement a qualifié d’opération « antiterroriste », menée en moins de 24 heures avec de l’artillerie et des drones. Cette guerre éclair a fait de nombreuses victimes, y compris des civils. Plus de 80 % de la population chrétienne a fui vers l’Arménie.
Le Département d’Etat américain a dénoncé l’attaque d’Aliyev, tout comme l’archevêque Carlo Maria Viganò, ancien nonce apostolique aux Etats-Unis, qui a déclaré dans un post X que la communauté internationale était désireuse d’aider les migrants musulmans mais qu’elle était restée silencieuse face aux attaques contre les chrétiens dans cette situation.
À l’époque, on n’avait pas beaucoup parlé du fait qu’Israël avait également participé à l’offensive d’Aliyev.
« Les armes israéliennes ont discrètement aidé l’Azerbaïdjan à reprendre le Haut-Karabakh », pouvait-on lire dans un titre de l’AP publié en octobre 2023.
« Les empreintes d’Israël sont partout dans le nettoyage ethnique », peut-on lire dans un éditorial de Haaretz, un journal juif libéral publié en Israël.
L’Azerbaïdjan « a utilisé des drones d’attaque kamikazes Harop, des drones de reconnaissance Hermes-450 et Orbiter-1K, Orbiter-2 et Orbiter-3 », a déclaré à CNN un ancien lieutenant-colonel de l’armée de défense d’Artsakh. Tous ces drones ont été produits par des entreprises d’armement israéliennes.
Voilà pour ce qui est de « notre plus grand allié » présenté mensongèrement comme un ami des chrétiens.
Mi-2024, l’Arménie a fait valoir devant la Cour internationale de justice que l’Azerbaïdjan avait « achevé » son nettoyage de la région en « effaçant toute trace de présence des Arméniens de souche ». L’affaire est toujours en cours.
Alors pourquoi l’Azerbaïdjan a-t-il bénéficié d’un meilleur classement par la Commission américaine sur la liberté religieuse ?
À tous égards, l’Azerbaïdjan a commis un génocide religieux au vu et au su de tous. Pire encore, il s’en est tiré impunément.
Grâce à la puissance de feu acquise auprès de gouvernements étrangers, il a effrontément balayé du revers de la main plus de 100 000 chrétiens profondément attachés à ce pays. Il était juste et justifié pour l’USCIRF de l’inscrire sur sa liste des pays particulièrement préoccupants.
Une commission américaine sous influence israélienne
Alors, qu’est-ce qui a changé à l’USCIRF au cours de l’année écoulée ? En bref, ses commissaires …
La commission de cette année comprend Schneck, Meir Soloveichik, Ariela Dubler, Mohamed Elsanousi, Maureen Ferguson, Susie Gelman, Vicky Hartzler, Asif Mahmood et la directrice générale Erin D. Singshinsuk.
Soloveichik est le rabbin de la Congrégation Shearith Israël et le directeur du Centre Straus pour la Torah et la Pensée Occidentale à l’Université Yeshiva. Il est également chercheur principal au Fonds Tikvah.
Dubler est le directeur de l’école Abraham Joshua Heschel à New York.
Elsanousi siège au conseil d’administration du Centre pour le dialogue interreligieux du Séminaire théologique juif, également à New York.
Gelman a été présidente du conseil d’administration de l’Israel Policy Forum de 2016 à 2023. Elle a également été présidente de la Fédération juive du Grand Washington pendant trois mandats, dont un mandat en tant que coprésidente de campagne de la Fédération, et est membre à vie du conseil d’administration de la Fédération, entre autres rôles dans de nombreux autres groupes juifs et pro-sionistes.
En 2022, Hartzler, ancienne députée, a codirigé un groupe de plus de 40 parlementaires exhortant le secrétaire d’État américain de l’époque, Antony Blinken, à supprimer le financement d’une commission d’enquête de l’ONU sur le traitement des Palestiniens par Israël. Elle a également coparrainé une résolution de 2017 s’opposant à la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui déclarait les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est illégales au regard du droit international.
Il suffit de dire que l’USCIRF qui a produit le rapport de cette année a de fortes opinions pro-sionistes.
Dans le même temps, le rapport de cette année note qu’une organisation à but non lucratif américaine a constaté que l’Azerbaïdjan a mené une « stratégie globale et méthodiquement mise en œuvre pour vider le Haut-Karabakh de sa population ethnique arménienne et de sa présence historique et culturelle » au cours de ses opérations militaires de 2020 et 2023.
Cependant, l’USCIRF n’a pas mentionné que l’Azerbaïdjan avait procédé à son nettoyage des chrétiens avec des armes israéliennes et turques. Le rapport de l’USCIRF de l’année dernière n’en faisait pas non plus mention.
Si l’USCIRF veut être prise au sérieux en tant qu’organisation, elle doit disposer d’un groupe de commissaires plus complet, beaucoup moins idéologique dans sa vision d’Israël et plus objectif dans son évaluation de la situation qui se déroule en Arménie et en Azerbaïdjan.
Pierre-Alain Depauw
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