Ils représentent entre 0,4 et 1% de la population iranienne, soit entre 200 000 et 350 000 fidèles sur une population totale de 70 millions d’habitants. Les chrétiens d’Iran sont une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde, puisque l’Église de Perse aurait été fondé par l’apôtre Thomas.
Il ne s’agit pas d’un bloc monolithique mais de communautés diverses. L’ethnie se superpose parfois à la religion, comme dans le cas des minorités arméniennes et assyriennes qui disposent de leurs propres Églises comptant respectivement 150 000 et 40 000 fidèles. Il ne faut toutefois pas confondre l’ethnicité et la religion : il existe ainsi des Assyriens et des Arméniens musulmans, certains s’étant convertis après la Révolution Islamique de 1979 pour assurer leur position sociale et professionnelle.
Il faut y ajouter les 5000 fidèles de l’Église Catholique Chaldéenne qui n’est pas une Église distincte mais est une église sui iuris. S’ils se placent sous le magistère de l’Église Catholique romaine et sont en pleine communion avec le Saint-Siège, ils ont leur propre patriarche, leur liturgie et des traditions particulières. En tout, cette Église compterait plus de 200 000 fidèles dans les pays du Moyen-Orient, mais ils ne sont que 5000 en Iran.
Nous avons plus de précisions sur les catholiques romains dont le nombre s’élève à 21 380. Ils dépendent de l’archidiocèse d’Ispahan dont la charge est détenue par l’archevêque Jack Youssef depuis 2015.
Il existe enfin de petits groupes évangélistes, pentecôtistes, presbytériens et même anglicans. Le nombre de fidèles n’excède pas quelques milliers.
L’histoire de tous ces mouvements est tumultueuse. Le christianisme a toujours été marginal et minoritaire en Iran.
De fait, cette religion semble avoir fait son entrée dans la Perse arsacide (empire parthe) dès le premier siècle. Les chrétiens d’alors sont adeptes du rite syriaque qui émerge au siècle suivant. Si les Parthes arsacides sont plus ou moins tolérants avec la nouvelle religion, tel n’est pas le cas des Perses sassanides qui prennent le pouvoir au IIIème siècle. Zoroastriens, ils voient les Chrétiens comme une menace à l’ordre public et à la fragile unité d’un empire déjà multiethnique et bariolé.
Ainsi, lorsqu’en 313, l’empereur Constantin proclame l’édit de Milan accordant aux Chrétiens la liberté de culte, l’empire perse commence une politique de répression générale contre les Chrétiens désormais accusés d’être des agents d’influence de Rome. Car, il ne faut pas l’oublier : Rome et les Parthes/Perses sont en conflit depuis près de trois siècles entrecoupés de périodes plus ou moins pacifiques. En 340, le roi Shapur II créa une taxe spéciale (très élevée) pour ses sujets chrétiens, afin de les dissuader de suivre la nouvelle religion. En outre, les chrétiens furent interdits de toute charge nobiliaire ou militaire et dès lors condamnés à des métiers difficiles et mal rémunérés.
Ce n’est que sous le règne de Hormizd II (437-459) que cessèrent les persécutions et que les sujets chrétiens reçurent le droit de professer librement leur culte. La raison en est le schisme nestorien auquel l’Église de Perse se montra plus que favorable, jusqu’à embrasser les doctrines de Nestorius jugées hérétiques par l’Église officielle. Dès lors, les chrétiens n’étaient plus susceptibles d’être « pro-Romains » et constituaient même, grâce à leur particularité nestorienne, une opposition au christianisme romain, ce que Hormizd II et ses successeurs comprirent à merveille et tentèrent d’exploiter. La période du Vème au VIIème siècle correspond à une croissance du christianisme en Perse.
La situation changea au VIIème siècle avec la conquête arabo-musulmane qui apporta une toute nouvelle religion à la Perse. Le zoroastrisme se retrouva vite au rang des minorités tant l’islam avait du succès. Si dans les faits personne n’était obligé de se convertir à l’islam, c’était du moins fortement conseillé si l’on voulait faire carrière et éviter le kharaj, l’impôt des dhimmis, en conséquence de quoi le nombre de chrétiens décrut fortement. Quoi qu’il en soit, les chrétiens ne furent pas persécutés durant les premiers siècles de domination musulmane. S’ils ne pouvaient plus convertir de nouvelles personnes (et a fortiori des musulmans), ils avaient la liberté de pratiquer leur culte mais devaient s’acquitter du sus mentionné kharaj.
C’est à la fin du Xème siècle, et surtout au XIème, que reprirent les persécutions. C’est encore une fois à cause d’éléments extérieurs que les chrétiens d’Iran étaient persécutés : les Croisades avaient instauré un climat de défiance entre les communautés, et les chrétiens faisaient l’objet de suspicion voire de haine, ce qui déboucha souvent sur des massacres antichrétiens. Bientôt tout christianisme disparut des villes et ne survécut que parmi les minorités arméniennes et assyriennes vivant dans des villages montagneux. Mais même là ils ne furent pas toujours en paix, notamment lorsque Tamerlan envahit la Perse à la fin du XIVème siècle et tua nombre d’Arméniens et d’Assyriens.
La situation commença à s’améliorer nettement après le XVIème siècle et l’arrivée au pouvoir de la dynastie séfévide qui était relativement tolérante au point de nommer des chrétiens à la cour du shah. Une des dates les plus importantes de cette période est l’année 1553 lors de laquelle l’église assyrienne connut un schisme : une partie décida d’entrer en pleine communion avec le Saint Siège qui y dépêcha immédiatement des clercs et des missionnaires italiens. Ce fut la fondation de l’Église Catholique Chaldéenne dont nous avons parlé au début de l’article. Des missionnaires furent également envoyés au XVIIème siècle, ils étaient aussi italiens pour la plupart et fondèrent l’archidiocèse d’Ispahan (qui dépend directement de l’église catholique romaine et non de l’église chaldéenne qui est uniquement réservée aux Assyriens).
Au XVIII et XIXème siècles, ce fut au tour des missionnaires protestants (souvent anglais et américains) d’arriver sur le sol iranien et d’y prêcher l’évangile. Malgré le risque que l’apostasie faisait courir aux Musulmans renégats, beaucoup d’Iraniens se convertirent si bien qu’un diocèse anglican fut même fondé en 1912 !
Sous le règne des Pahlavi, le sort des chrétiens était nettement plus enviable que dans nombre de pays musulmans. Ils avaient accès à toutes les professions (sauf ceux de la justice, inhérentes aux Musulmans du fait de la base coranique de celle-ci) et jouissaient d’une totale liberté de culte. Un climat de tolérance qui allait quelque peu changer suite à la révolution islamique…
Presque quarante ans après l’arrivée au pouvoir des ayatollahs, la situation des chrétiens d’Iran reste contrastée et souvent compliquée.
Les chrétiens iraniens sont soumis à deux statuts distincts qu’il convient de différencier : il y a d’abord les Assyriens et les Arméniens qui ont leurs propres Églises officiellement reconnues par l’état iranien. Étant considérés comme des minorités ethniques, ces communautés jouissent d’un traitement de faveur : ils ont une liberté de culte totale, ils peuvent appliquer la législation chrétienne dans le cadre social et familial, ils peuvent consommer et vendre des produits non hallal. Ils sont même représentés par des députés au Parlement. Puisque ce sont des églises ethniques, les Assyriens et les Arméniens ne font pas de prosélytisme, ce qui leur évite tout problème avec le régime dont ils sont même de fidèles piliers.
La situation est très différente pour les chrétiens d’autres confessions : notamment les protestants et les catholiques. La conversion à une autre religion équivaut à un crime d’apostasie, passible de mort dans l’islam. Les Iraniens convertis au christianisme (ou nés de parents convertis) sont donc tenus de pratiquer leur culte dans la clandestinité pour éviter les problèmes et sont souvent réduits à prier dans des « églises de maison », où ils se réunissent par petits groupes. Bien sûr, le Code Civil iranien ne fait pas mention de peine capitale et ne punit l’apostasie que d’une peine de prison, mais dans les faits, une condamnation à mort peut être prononcée. Ce fut notamment le cas pour les pasteurs Saeed Abedini et Youcef Nadarkhani respectivement en 2011 et 2013, ils n’ont été amnistiés que suite à l’insistance de la communauté internationale.
De fait, ces chrétiens restent « musulmans » sur leur carte d’identité et, à ce titre, doivent participer aux cérémonies officielles religieuses. « Dans leur famille, leur conversion est tolérée tant qu’elle reste discrète », déclare une universitaire iranienne qui préfère garder l’anonymat. En outre, ces convertis ne peuvent se marier hors de l’islam, ce qui est particulièrement inconvenant pour les femmes chrétiennes souvent obligées de s’exiler en Occident.
Selon l’ONG Portes Ouvertes, 75 chrétiens auraient été arrêtés et condamnés à de la prison en 2014 à cause de leur foi. L’Iran figure d’ailleurs dans le « top 50 » des pays les plus persécuteurs selon une liste dressée par ladite ONG. Néanmoins, le christianisme connaît un regain depuis quelques années, notamment grâce à internet où la communauté chrétienne est très présente.
On peut dès lors affirmer que le christianisme fait son chemin discrètement dans la société iranienne comme en témoignent les milliers de conversions annuelles au catholicisme et au protestantisme, notamment chez les jeunes déçus par un islam rigide et étatique qui ne répond plus à leurs questionnements spirituels. Un prédicateur évangélique américain a ainsi affirmé sur Sat7 Pars (une chaîne chrétienne diffusant depuis Chypre en langue iranienne) qu’il y aurait eu « plus de 200 000 nouveaux baptêmes » ces deux dernières années.
Nicolas Kirkitadze
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