En 2011 est né en France Umut-Talha, le premier bébé médicament, appelé aussi « bébé sauveur ». En turc son prénom signifie « notre espoir ».

Né après une FIV (fécondation in vitro) et une double DPI (diagnostique préimplantatoire), il portait en lui le remède permettant de traiter sa sœur atteinte de bêta thalassémie (une maladie génétique de l’hémoglobine). A sa naissance, un don de ses cellules souches issu du sang de cordon ombilical a guérie l’ainée de la famille.

Onze ans après la loi autorisant les « bébés de l’espoir », la voie semble se fermer en France. Les causes ? Une technique lourde, complexe et très chronophage pour peu de chance de réussite.

La technique en elle-même consiste à implanter, dans l’utérus de la maman, des embryons ayant fait l’objet d’une double « DPI-HLA », au stade de 8 cellules. Le principe du « DPI-HLA » consiste à éliminer les embryons porteurs de la maladie génétique et d’effectuer un typage (HLA) permettant de déterminer la compatibilité tissulaire de l’embryon avec l’enfant malade (Il s’agit notamment de pathologies génétiques graves qui ne trouvent pas de donneur compatible pour une greffe de cellules souches).

Cependant, la loi interdit d’écarter les embryons non compatibles. Cela signifie que, si l’embryon est sain mais non compatible (ce qui arrive dans trois cas sur quatre), il faudrait alors soit provoquer une grossesse non compatible, soit faire une congélation pour une implantation ultérieure. Il faut savoir que, l’obtention d’un embryon sain ET un HLA compatible est de l’ordre de 3 sur 16 !

La démarche peut durer plus de deux mois sans compter la liste d’attente. Or, les familles qui font appels (40 couples ont fait la demande et 36 ont obtenu une réponse positive actuellement) agissent dans l’urgence car il s’agit de traiter un enfant gravement malade. Toutefois, la procédure nécessite également d’inclure au moins un cycle de stimulation ovarienne, en complément de l’analyse diagnostique et l’implantation embryonnaire… Mais la loi sur les FIV interdit (à juste titre) de procéder à une nouvelle stimulation ovarienne tant la patiente possède des embryons congelés. Un vrai casse-tête !

De plus, les couples ne sont souvent plus très jeunes puisqu’ils ont au moins déjà un enfant auparavant, ce qui réduit encore les chances de succès des FIV et rallonge les délais en cas d’échec.

Stéphane Vitille, professeur au CHU de Strasbourg, nous dit qu’en Belgique il y a de nombreux enfants qui meurent avant que la naissance du bébé-sauveur n’ait eu lieu.

Sur le plan administratif, elle est extrêmement lourde. Et sur le plan éthique, le débat n’est toujours pas clos : associer un être humain (un bébé) à un produit (un médicament) n’est ce pas réducteur ? Peut-on réellement, sur le plan moral, créer un enfant « sur mesure » dans l’unique but d’en sauver un autre ? Il s’agirait alors d’une conception instrumentaliste de la vie. Dans les années 2000, lorsqu’à eu lieu les débats de plusieurs éthiciens, politiciens et cliniciens, Le philosophe Emmanuel Kant, disait bien sur ce sujet qu’il faut que l’on traite autrui comme une fin et non un moyen. Les recommandations éthiques de 2002 ont précisées que le désir d’avoir un enfant doit primer sur celui d’obtenir un bébé susceptible de sauver son ainé. Les hommes d’Eglise ont suivi ces recommandations.

En France, un seul centre pratique cette technique : l’hôpital Necker. Mais pour toutes ces raisons, Julie Steffen, généticienne au laboratoire de génétique Moléculaire de l’établissement parisien, affirme que la procédure va être arrêtée.

Anne-Claire Rousseau

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