Rencontre politique, religieuse, sociale ? Les trois, indiscutablement.
« Tant de joie pour cette rencontre. » « Nous nous avons parlé en toute franchise, comme des frères. «Je me suis senti devant un frère et le Patriarche m’a dit la même chose. » « J’ai ressenti une joie intérieure. »
C’est avec ces exclamations enthousiastes que le pape François, aux journalistes présents dans l’avion qui l’emmenait de La Havane au Mexique, en fin d’après-midi vendredi 12 février 2016, a voulu dire ses sentiments sur sa rencontre avec le Patriarche orthodoxe de Russie.
C’est à Raoul Castro qu’ont été ses premiers remerciements pour « le sentiment d’accueil et de disponibilité du président Raoul Castro. J’avais déjà parlé avec lui de cette rencontre l’autre fois. » Paroles qui démontrent bien le choix personnel du pape de l’île de Cuba comme lieu de rencontre. Ce choix et ces paroles ont obligatoirement des conséquences politiques majeurs, sont un signal donné au monde de la sympathie du pape envers le régime castriste, en pleine mutation libérale peut-être, mais toujours communiste d’esprit et d’âme et dont Raoul Castro sut être le bâtisseur. En recevant par deux fois le pape argentin sur son île, l’actuel président de Cuba a su redorer, avec l’aide de François, le blason du régime, lui donner une légitimité dans le monde catholique et faire taire les voix des dissidents qui peuvent, à juste titre, se sentir abandonnés par leur ancien allié, le Vatican.
Politique, cette rencontre le fût également dans le contexte international actuel, la guerre en Syrie et le soutien de Poutin au régime de Bachar Al-Assad, contrairement aux vœux du puissant voisin américain. Si le thème des persécutions au Moyen-Orient ont été un des prétextes de la rencontre, le vaticaniste Marco Politi estime sur son blog qu’« à l’arrière-plan, il y a un troisième protagoniste » en la personne du président russe Vladimir Poutine et qu’« il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n’est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique ». Et, il faut le reconnaître, sur la scène diplomatique et internationale, le Vatican s’est refusé à condamner publiquement, et fort justement, la politique de Poutin tant en Syrie qu’en Ukraine. Le pape n’a-t-il pas d’ailleurs affirmé, lundi 8 février 2016, à quelques jours de sa rencontre avec Cyrille, au cours d’une interview donnée au journal italien « Le Corriere della Sera » que « la Russie peut donner beaucoup » pour la paix mondiale, évoquant mêmes certaines « convergences » entre le Saint-Siège et la Russie à propos des conflits dans le monde arabe. « Il faut construire des ponts. Pas à pas. Jusqu’à à réussir à serrer la main de celui qui est de l’autre côté « avait-t-il conclut en énonçant ainsi la base de sa diplomatie.
Rencontre à tonalité sociale, jamais d’ailleurs bien éloignée d’une connotation politique, déjà évoquée dans un précédent article : le plaidoyer pour les migrants est cependant à retenir et à méditer, signal fort envoyé au monde américain, à quelques heures de l’arrivée de François au Mexique qui connaît une importante émigration sauvage vers les États-Unis qui ont fini par construire un mur frontalier, long de 1300 km, pour stopper ce flux ininterrompu d’immigration clandestine. Surnommé « mur de la honte » par les immigrationistes et destructeurs des nations ! Se définissant « comme un fils d’immigrés », François avait déjà indiqué, lors de son voyage l’an dernier entre Cuba et Washington, qu’il aurait aimé franchir la frontière mexicaine comme des milliers de migrants latino-américains fuyant la misère. « Des ponts, pas des murs » aime -t-il à répéter sans tenir compte des réalités ethniques, économiques, culturelles, civilisationnelles. Ce « vivre-ensemble » utopique est un fiasco aux quatre coins de la planète, mais cette chimère est toujours d’actualité ! Question migratoire qui sera certainement abordée par le pape pendant son voyage apostolique au Mexique…
Religieuse, le rencontre le fut incontestablement aussi avec cette déclaration commune qui réitère la décision vaticane, prise officiellement sous Jean-Paul II lors de la Conférence de Balamand de ne plus faire de « prosélytisme » envers les orthodoxes et de mettre fin à la voie ouverte par l’Uniatisme, « parole d’une autre époque » avait déjà dit François quelque temps auparavant, « aujourd’hui on ne peut pas parler ainsi. Il faut trouver une autre voie. » L’uniatisme est attesté dès le XVIe siècle, et donne naissance à l’Église gréco-catholique ukrainienne. L’existence même de ces Églises catholiques unies ou uniates, qui ont quitté l’orthodoxie pour se rattacher à Rome tout en gardant leur rite, a toujours suscité l’opposition des orthodoxes. Temps révolus : l’Église orthodoxe n’a plus rien à craindre, et depuis longtemps mais elle doit aimer être rassurée, d’une Église conciliaire qui prône l’indifférentisme et le relativisme religieux et défend mieux les traditions religieuses des autres que la sienne propre soumise à l’évolution progressiste.
« Un programme de possibles activités communes a été mis en place » a révélé encore François aux journalistes « parce que l’unité se fait en cheminant ». C’est certain, la révolution se fait dans la pratique bien plus que dans la théorie ! « Si l’unité se fait seulement dans l’étude et dans la théologie, le Seigneur reviendra et nous serons encore en train d’étudier. Mais si l’unité se fait en marchant, le Seigneur quand il viendra nous trouvera en chemin. » En chemin vers quoi, nous pouvons nous le demander très sérieusement !
Parlant de la déclaration, il a tenu à préciser : « Il y aura tant d’interprétations… Mais elle n’est pas politique, elle n’est pas sociologique. C’est une déclaration pastorale… »
Rencontre, dont la déclaration est la conclusion, immanquablement, quoi que François puisse dire, à l’impact mondial religieux, social et politique bien plus que pastoral .
Francesca de Villasmundo
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