Nous avons pu découvrir en avant-première son dernier ouvrage en date : Le Vicaire du Christ. Peut-on réformer la papauté ?[1] Ce livre, à la fois d’histoire et d’actualité, vient vraiment à point nommé, lorsque l’on sait que les « événements » semblent se bousculer au Vatican… Dans la droite ligne de l’Apologie de la Tradition parue l’année dernière, ce Vicaire du Christ est un essai historico-théologique remarquablement bien construit, d’une clarté toute évangélique et d’une doctrine parfaitement sûre – un petit coup d’œil sur la « Bibliographie » ou encore sur l’« Index des noms de personnes » permet de s’en assurer, des auteurs modernistes n’étant toujours cités que pour introduire les problématiques et être aussitôt contredits.
L’introduction du livre est à elle seule une entrée en matière particulièrement pédagogique, dans laquelle on reconnaît la marque d’une méthodologie des plus sérieuses. Elle est d’ailleurs librement consultable en ligne et permet de présenter les questions les plus importantes qui seront traitées dans le cours de l’ouvrage, dont l’écriture a été motivée par l’abdication impromptue de Benoît XVI d’une part et le redoublement des pressions progressistes pour introduire des nouveautés en guise de « réformes » dans le gouvernement de l’Église romaine et universelle d’autre part…
L’opus en lui-même se divise, comme il se doit, en trois parties, aussi intéressantes et pertinentes les unes que les autres.
La première traite de « La primauté romaine dans l’histoire », mais cela ne l’empêche pas de commencer par de l’exégèse, Roberto de Mattei mettant en lumière la primauté de saint Pierre sur l’ensemble du collège apostolique (de nombreuses mentions abondent en ce sens dans le Nouveau Testament) puis dans l’Église naissante. Si les paroles directes de Jésus-Christ à Simon-Pierre sont bien connues, d’autres indices le sont moins, mais forment une masse homogène et difficilement réfutable. Viennent ensuite les successeurs de Pierre, à savoir les premiers papes (si le titre n’existe pas avant l’époque de Nicée, la réalité est bel et bien là), dont la primauté est avérée grâce à l’archéologie, aux Pères de l’Église et autres sources historiques et littéraires. L’intervention de saint Clément Ier – troisième successeur de Pierre – auprès de l’Église de Corinthe du vivant de l’apôtre saint Jean devient un cas d’école. La fresque historique continue alors, période par période : premiers siècles chrétiens dans l’Antiquité, fin de l’Empire romain et haut Moyen Âge, volonté de puissance de Constantinople, Moyen Âge central, etc. Là, toute l’érudition de l’auteur est mise à profit afin de nous offrir un exposé magistral.
La deuxième partie, plus théologique et canonique, tout en restant largement accessible, s’intéresse au « pouvoir du souverain pontife ». Elle évoque les notions de Corps mystique, de juridiction, de gouvernement, d’infaillibilité et de pouvoir pontifical en général en s’appuyant toujours sur l’enseignement du Magistère et sur des théologiens sûrs. De ce côté-là, les grands dogmes et les principaux enseignements en la matière sont merveilleusement bien résumés. On pourrait parler d’un véritable catéchisme de la fonction pontificale !
Enfin, avant quelques appendices d’actualité (sur la renonciation de Benoît XVI et sur la personnalité du pape François), la troisième et dernière partie de l’essai s’intéresse aux « cas d’exception ». Et c’est en cela qu’elle est la plus énergique du volume, appelée à faire couler beaucoup d’encre. Très convaincante, puisque s’inscrivant dans la lignée de plusieurs siècles de pensée catholique traditionnelle, elle évoque la question de l’élection pontificale, de la renonciation, de la maladie, de la folie, des antipapes, de la désobéissance et de l’hérésie (chapitre V : « Un pape peut-il être hérétique ? », chose dont les théologiens médiévaux ne doutaient pas). Le tout pour conclure sur le titre de « vicaire du Christ » (qui est par ailleurs celui du livre !), lequel décrit au mieux le souverain pontife, alors que celui d’« évêque de Rome » est cruellement déficient, puisque certains papes n’ont jamais eu le temps d’être sacrés évêques, tandis que d’autres ont été pleinement papes avant même de l’être… La collégialité est mise à sac avec splendeur, de même que certaines « réformes » de gouvernement mises en place au siècle dernier…
Dans l’ensemble, l’on révise nombre de notions importantes, et l’on apprend une multitude d’informations et anecdotes plus qu’intéressantes. Quelques exemples : pendant près d’un millénaire, il était interdit d’élire pape un évêque (pour ne pas transférer un prélat d’un siège à l’autre) ; un pape ne peut pas être déposé, mais un pape hérétique se déposerait de lui-même (des mots d’Innocent III lui-même sont très vigoureux à cet égard) ; l’âge avancé, la maladie et la douleur physique ou morale ne sont pas des nouveautés pour les papes ; le caractère suprême de la fonction pontificale vient du pouvoir de juridiction et non d’un sacrement d’ordre particulier (sans quoi aucune renonciation ne serait possible, en raison d’un caractère indélébile) ; la liste historique des papes ne pourra toujours qu’être mal connue, les frontières étant parfois floues entre papes, antipapes et papes « incertains » ; etc.
Une véritable mine d’or, explosive et instructive, qui gagnerait à être placée entre toutes les mains pour que certains catholiques cessent de prendre des vessies pour des lanternes et retrouvent la dimension universelle de l’Église en prenant connaissance de sa verticalité historique.
Charles d’Arbieu
[1]Mattei (Pr Roberto de), Le Vicaire du Christ. Peut-on réformer la papauté ?, Fleurance, Éditions Le Drapeau blanc, 2016, 220 p., 17,50 €.
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