Antoine Boulant, docteur de l’université Paris-Sorbonne et titulaire d’une thèse consacrée aux agents secrets du ministère des Affaires étrangères sous la Terreur, est l’auteur de nombreux travaux relatifs à l’histoire politique, institutionnelle et militaire du XVIIIe siècle, de la Révolution et de l’Empire.

Il vient de publier chez Perrin une très intéressante étude sur le Tribunal révolutionnaire institué le 10 mars 1793 pour réprimer « toute entreprise contre-révolutionnaire » et « tout attentat contre la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la République ». Ce symbole de la Terreur envoya à la mort plus de 2500 personnes en l’espace de seize mois, chiffre considérable qui ne représente qu’une faible part des victimes de la répression judiciaire sur l’ensemble du territoire national au cours de la même période. L’arbitraire de ses jugements et le caractère expéditif de ses procédures sont restés célèbres, symbolisés par le décret du 22 prairial an II (10 juin 1794) privant les accusés de la faculté de disposer d’un défenseur et de faire produire des témoins à décharge. Son accusateur public, Antoine Quentin Fouquier-Tinville, demeure toujours, notamment au sein du monde des magistrats, l’incarnation de la Terreur judiciaire.

L’auteur de ce livre souligne que l’ensemble des procédés de ce Tribunal révolutionnaire – choix des jurés les plus radicaux, amalgame d’individus étrangers les uns aux autres, actes d’accusation destinés à discréditer les prévenus en exagérant délibérément leurs fautes, conspirations imaginaires destinées à les transformer en boucs émissaires, obligation faite aux accusés de ne répondre que par oui ou par non, caractère spectaculaire des procès destiné à convaincre l’opinion publique de la réalité des complots, absence d’avocats, de témoins et de preuves matérielles – évoque immanquablement ceux qui devaient notamment être employés entre 1936 et 1938 lors des procès de Moscou. Le processus idéologique qui conduisit progressivement le pouvoir politique à éliminer ses rivaux et des foules d’individus anonymes potentiellement dangereux, en les privant des garanties élémentaires est identique, entre la Russie stalinienne et la France révolutionnaire, dans le contexte d’un régime politique érigeant l’idéologie révolutionnaire en vérité suprême, se définissant par opposition à des ennemis réels ou imaginaires et considérant leur élimination comme un mode privilégié de résolution des conflits.

L’immense majorité des femmes et des hommes traînés à l’échafaud par le Tribunal révolutionnaire l’ont été simplement pour avoir proféré une parole malheureuse, détenu des écrits royalistes, quitté momentanément la France pour raison de santé ou servi l’Ancien Régime.

Le Tribunal révolutionnaireAntoine Boulant, éditions Perrin, 320 pages, 23 euros

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