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Le scandale Rupnik, une bombe aux portes du Synode bergoglien sur la Synodalité

Le cas de Marko Rupnik, jésuite accusé d’abus, oppose le Vicariat de Rome, donc le pape, et l’ancien préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Ladaria. Ce dernier a décidé de ne pas participer au Synode sur la Synodalité.

Le cardinal Luis Ladaria Ferrer, jusqu’il y a quelques semaines préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, ne participera pas au Synode sur la synodalité. Il l’a lui-même communiqué au Pape, mais les raisons de cette décision sensationnelle ont fait l’objet de nombreuses discussions, au point que la Salle de Presse du Saint-Siège est intervenue pour dire que l’absence du cardinal était due à la fatigue et au désir de repos. La nouvelle intervient cependant quelques jours après le dernier rebondissement du scandale impliquant le père Marko Rupnik, ami de Jorge Maria Bergoglio, théologien et artiste slovène connu dans le monde entier pour ses mosaïques, et accusé de multiples abus sexuels.

De très graves accusations contre le jésuite Marko Rupnik

L’affaire Rupnik a éclaté début décembre dernier à la suite d’une série d’articles publiés par des organes d’information spécialisés sur l’Église tels que Silere non Possum et Messainlatino.it auxquels ont ensuite rejoint le magazine en ligne Left. Ces sources ont révélé l’existence d’accusations d’abus psychologiques et sexuels contre le Père Marko Rupnik, célèbre jésuite, de la sphère progressiste, et auteur d’œuvres d’art également présentes au Vatican dans la chapelle Redemptoris Mater.

Au fil du temps, il est apparu qu’il y avait eu deux dossiers ouverts sur Rupnik : en 2020, la Congrégation pour la doctrine de la foi a jugé crédibles les accusations relatives à l’absolution au confessionnal par le jésuite d’une novice avec laquelle il avait commis un péché contre le sixième commandement. Ce type de comportement déclenche l’excommunication latae sententiae que l’ancien Saint-Office avait imposée au jésuite slovène mais qui a ensuite été supprimée, on ne sait pas encore par qui.

Entre-temps, en 2021, de nouvelles accusations de violences psychologiques et autres ont été portées contre l’artiste, qui auraient été perpétrées contre des religieuses de la communauté Loyola de Ljubljana dans les années 1990.

Après une enquête ordonnée par la Compagnie de Jésus, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a considéré que les faits étaient caducs et a classé le dossier. Pendant ce temps, Rupnik a été soumis à des restrictions sur les activités publiques et l’administration des sacrements par son ordre, qui, selon beaucoup, n’étaient pas pleinement respectées.

Un scandale sexuel reconnu mais le père jésuite n’est pas réduit à l’état laïc

L’éclatement du scandale a également provoqué la révélation des victimes présumées qui, après avoir écrit à diverses personnalités occupant des postes dans l’Église, ont commencé à donner des témoignages publics. Une ancienne religieuse de la communauté de Loyola a raconté à Federica Tourn de Domani que pendant neuf ans elle a été victime de violence psychologique de la part du jésuite qui l’aurait incitée à avoir des relations sexuelles après lui avoir proposé d’être mannequin dans son atelier d’art.

« Au début, le Père Marko a lentement et doucement infiltré mon monde psychologique et spirituel, en tirant parti de mes incertitudes et de mes fragilités et en utilisant en même temps ma relation avec Dieu pour me pousser à avoir des expériences sexuelles avec lui », a déclaré la femme, affirmant même que Rupnik l’avait convaincue de regarder des films pornographiques dans un cinéma et était habitué à un comportement blasphématoire avant d’avoir des relations sexuelles.

Face aux accusations croissantes, le Vicariat de Rome – où se trouve le Centre Aletti fondé dans les années 1990 par l’artiste – a opté pour une position protectrice, avec une déclaration du cardinal Angelo De Donatis qui s’en est pris à « une communication déconcertante, notamment médiatique, qui désoriente le Peuple de Dieu » en assurant une collaboration avec la Compagnie de Jésus appelée à clarifier les faits.

La Compagnie de Jésus a entamé des procédures internes et a reçu plusieurs plaintes concernant Rupnik. En juin dernier, les jésuites ont annoncé avoir « considéré comme très élevé le degré de crédibilité de ce qui a été rapporté ou observé » et, devant le « refus obstiné de l’artiste d’observer le vœu d’obéissance », ils ont ordonné son renvoi. Il n’est plus jésuite, donc, mais il n’est pas réduit à l’état laïc.

Rebondissement : le Vicariat de Rome sauve le père jésuite slovène Marko Rupnik

Rupnik, cependant, n’est pas tombé en disgrâce au sein de l’Église. Le religieux, en effet, que François a appelé pour prêcher les homélies du Carême à la Curie en 2020, a été défendu ces derniers jours par le Vicariat de Rome qui avait organisé une visite canonique au Centre Aletti, où il résidait et qui, selon certaines victimes présumées auraient été le théâtre des sévices subis.

Dans le rapport final de la visite, le responsable Don Giacomo Incitti a non seulement constaté une « vie communautaire saine au Centre Aletti sans problèmes critiques particuliers », mais il est allé jusqu’à examiner les accusations portées contre le fondateur slovène jusqu’à soutenir avoir trouvé « des procédures gravement anormales dont l’examen a généré des doutes fondés également sur la demande d’excommunication elle-même ». L’excommunication est celle prononcée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de l’époque en 2020, qui fut ensuite mystérieusement retirée immédiatement après.

La note du Vicariat semblait donc être un rejet du travail du Dicastère pour la doctrine de la foi, dirigé à l’époque par le cardinal Ladaria. Un affront sans doute peu apprécié par l’ancien préfet qui, quelques jours après la publication du communiqué, et à quelques jours de l’ouverture de l’assemblée synodale, a fait savoir au pape qu’il ne souhaitait pas participer au synode sur la Synodalité. À juste titre, l’ancien préfet du Dicastère s’est demandé qui avait donné à Don Giacomo Incitti le pouvoir de prononcer un tel jugement, surtout à la lumière du fait qu’il n’a jamais pu consulter les documents présents au Dicastère.

La main de François dans la réhabilitation de Rupnik

François n’a parlé qu’une seule fois du cas de son ancien frère slovène lors d’un entretien avec Nicole Winfield de l’Associated Press dans lequel il a nié avoir joué un rôle décisionnel dans la levée de l’excommunication, or à Rome, il se dit tout le contraire… et n’a admis qu’une intervention procédurale dans ce qu’il a défini comme « un petit procès qui est arrivé à la congrégation de la foi dans le passé ». Le vendredi 15 septembre, cependant, il a reçu en audience Maria Campatelli, principale collaboratrice de Rupnik et directrice du Centre Aletti et qui a défendu avec acharnement le jésuite après la nouvelle de son renvoi de la Compagnie de Jésus, communiquant dans une lettre l’intention de l’artiste de « sortir de l’ordre, en continuant à vivre ce moment dans le discernement et la communion ecclésiale. »

Trois jours après l’audience avec le Pape, le Vicariat de Rome publiait la note controversée réhabilitant Rupnik. Et quatre jours après la note, Mgr Luis Marín de San Martín annonçait la décision du cardinal Ladaria – chef du dicastère qui a excommunié l’artiste slovène – de ne pas participer au Synode bien que la sienne était une nomination pontificale.

Difficile de ne pas faire le lien entre ce pas en arrière de l’ancien préfet Ladaria et le traitement de faveur que Rupnik a reçu de la part du diocèse de Rome malgré les graves accusations portées contre lui par des religieuses et ex-religieuses.

« La mesure est pleine », murmurait quelqu’un dans le cloître de l’ancien Saint-Office.

Francesca de Villasmundo

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