Guillaume Frantzwa, archiviste paléographe et docteur en histoire de l’art, est conservateur du patrimoine au Centre des Archives diplomatiques. Il signe chez Perrin Le rêve brisé de Charles Quint. Il ne s’agit pas au sens propre d’une nouvelle biographie de Charles Quint mais plutôt d’une étude de l’idéal impérial de celui-ci.

L’enjeu, pour Charles Quint, est d’être reconnu comme la tête de la Chrétienté, et d’en diriger la politique globale face aux dangers extérieurs et dans l’établissement d’une société meilleure, chrétienne, pure dans ses mœurs et ses croyances, et unie dans l’attente du Christ. L’ouvrage s’attache à montrer comment, en matière de politique et de mécénat, Charles Quint fut le véritable centre du monde chrétien de l’époque, un fait que l’historiographie française a souvent tendance à gommer pour gonfler l’importance du règne de François Ier.

La mission dont Charles Quint était investi était simple à énoncer, mais difficile à remplir. Il s’agissait de rétablir la concorde religieuse, de pacifier la Chrétienté et de la conduire à la victoire contre ses ennemis. En somme, de revenir à un idéal d’harmonie politique et spirituelle pour préparer le triomphe du Christ et de son peuple sur l’univers. Cependant, ce programme ne pouvait reposer que sur les épaules d’un seul monarque, et supposait la collaboration désintéressée de tous les potentats européens. Du moment que ce prérequis n’était pas acquis, les ambitions de l’empereur ne pouvaient qu’être chimériques ou, dans le meilleur des cas, aboutir à des résultats très incomplets.

Dans les années 1540, malgré les succès indéniables remportés par l’empereur dans la première moitié de son règne, beaucoup s’inquiètent de la réussite de ses projets. L’Italie est désormais une annexe de l’Empire, la France est contenue dans ses frontières en dépit de toutes les tentatives d’expansion depuis 1520, la puissance espagnole s’est répandue en Amérique et en tire ses précieuses richesses, et l’Autriche constitue un barrage protecteur face aux Ottomans. Néanmoins, le contrôle de la Méditerranée échappe à l’empereur par l’action des pirates à la solde du sultan, de même que celui du Saint Empire irrémédiablement infecté par les agitateurs de la Réforme, tandis que les bourgeois des Pays-Bas, malgré leur attachement à la lignée des ducs de Bourgogne, rongent leur frein face aux contributions financières répétées pour les guerres contre la France, qui de son côté coalise mécontents et opposants des quatre coins de l’Europe dans le seul but de subtiliser la couronne de Charlemagne.

La tempérance et le souci de concorde qui caractérisent Charles Quint dans la conduite des affaires s’accordent mal avec l’entreprise herculéenne qui est la sienne et qui réclamerait plus de mesures de coercition. Charles Quint ne peut pas supprimer tous ses adversaires à la fois et ceux-ci s’épaulent ou se reconstruisent lorsque l’attention du monarque est ailleurs. L’usure du labeur au long cours et la déception conduiront l’empereur à se retirer dans un petit palais aménagé à l’ermitage de Yuste, en Estrémadure, où il passera les dernières années de sa vie.

Le rêve brisé de Charles Quint, Guillaume Frantzwa, éditions Perrin, 344 pages, 23 euros

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