Mis depuis quelques semaines à la disposition du public sur internet, un document déclassifié de la CIA mérite plus d’attention qu’il n’en a recueilli jusqu’à présent. Il s’agit d’un rapport de 15 pages intitulé «France: Defection of the Leftist Intellectuals » (France : la défection des intellectuels de gauche) , daté de décembre 1985.
On y trouve la confirmation que la CIA s’intéressait de près au milieu des intellectuels français. Ce rapport établit notamment que ceux qui ont été qualifiés de « nouveaux philosophes » ont rapidement été considérés comme des alliés objectifs de l’Amérique. Singulièrement Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann.
« Les nouveaux philosophes compensent le côté abstrus de leur prose en devenant des personnalités médiatiques excitantes, défendant leur point de vue dans ces émissions longues et intellectualisées, à la télévision ou à la radio, que les Français adorent. Leur influence a d’abord été négative, cependant, car ils avaient peu à offrir en termes de suggestions pratiques pour un nouveau programme politique« , lit-on en page 5 de ce document de la CIA.
Avec une évidente lucidité, ce rapport qualifie nos « nouveaux philosophes » de « poseurs » mais leur assigne le label « atlantico-compatible ». Et la CIA de se féliciter du «nouveau climat intellectuel» français et de se réjouir : «Lévy est devenu directeur de collection chez Grasset – une des plus grandes maisons d’édition de France – d’où il a pu s’assurer que les opinions des Nouveaux philosophes trouvent un accès facile au public».
La CIA analyse cette «nouvelle gauche» : «Ils soutiendront les socialistes modérés qui peinent à créer une large alliance de centre-gauche», et ils «s’opposeront à tout effort des socialistes extrémistes de ressusciter ‘’l’union des gauches’’ avec le PC».
Mais la CIA attribue à BHL et Glucksmann un rôle plus utile encore pour les Etats-Unis : «En France, l’anti-américanisme jadis considéré dans les cercles huppés comme une preuve indirecte de bonne éducation n’est plus en vogue. La dénonciation automatique des Etats-Unis – que les intellectuels de la Nouvelle Gauche nomment ‘anti-américanisme primaire’ – (…) est vue comme de la grossièreté. L’anti-américanisme passait pour un signe extérieur de richesse intellectuelle, distinguant les penseurs des gens du commun (suspectés d’avoir une bonne opinion des Etats-Unis, même pendant la guerre du Vietnam.) Maintenant, l’inverse est vrai: trouver des vertus à l’Amérique – et même identifier de bonnes choses dans les politiques du gouvernement US – est perçu comme la marque d’un esprit clairvoyant.»
Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !