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Le panda : un marqueur du soft-power chinois

C’est presque en direct que la France a suivi la naissance de cette petite boule de poils de 142 grammes, ce 4 août 2017 au zoo de Beauval. Il a été nommé Yuan Meng (« Réalisation d’un rêve ») par la première dame française et son homologue chinoise, le 100ème jour, comme le veut la tradition en Chine. Il pèse à présent plus de 15 kilogrammes.

Sa mère, Huan Huan, et son père, Yuan Zi, sont deux pandas géants âgés de dix ans et loués à la France par la Chine en janvier 2012 sur demande officielle du président Sarkozy. La location doit prendre fin en 2022. En attendant, la France paie chaque année un « loyer » de 750 000 euros à la Chine. C’est le deuxième couple de pandas qui arrive en France après celui offert par Mao Zedong à Georges Pompidou dans le cadre d’un réchauffement des rapports franco-chinois.

Le panda est en effet couramment utilisé par le gouvernement chinois pour marquer son rapprochement avec des pays tiers. A tel point que de nombreux géopoliticiens parlent d’une « diplomatie du panda ». C’est durant l’ère maoïste que s’est développée cette expression du soft power chinois mais elle est bien plus ancienne.

Offrir des pandas en signe d’amitié à un pays étranger est une tradition qui remonte à la dynastie Tang (608-917). Le premier document qui en atteste est le Wan Tzi-Fang, une chronique écrite par un moine anonyme sous le règne de Zhungzhong, il y est écrit que « le Fils du Ciel [l’empereur, NDLR] fit don de deux xióngmāo » à un roitelet tibétain en signe d’amitié. Le terme « xióngmāo » désigne le panda en mandarin : il s’écrit avec l’idéogramme « xióng » (ours) et « māo » (chat). Le terme panda a été popularisé par les explorateurs français à partir du XIXème siècle et viendrait du népalais « nigálya-pónya » qui veut dire « mangeur de bambous ».

Mais c’est dans les années 1960, après la création de la République Populaire de Chine, que la diplomatie du panda atteint son sommet, notamment en 1972 lorsqu’un couple de pandas est offert à Richard Nixon par le Grand Timonier en personne. Cependant, depuis la présidence de Deng Xiaoping (1981-1989), la République Populaire de Chine n’offre plus ces animaux rares aux pays étrangers, elle préfère les louer.

Une exception est à noter : Tuan-Tuan et Yuan-Yuan, les deux pandas géants offerts par la Chine à Taïwan en 2005. Le gouvernement taïwanais, alors aux mains des libéraux anti-chinois, refusa l’offre au motif qu’il s’agissait d’une « propagande de Pékin », ce qui faillit provoquer un incident diplomatique. En 2008, quand un président conservateur et pro-chinois fut élu, Taïwan accepta finalement l’offre. Cependant, les libéraux, désormais dans l’opposition, boycottèrent l’évènement et appelèrent solennellement leurs partisans à ne pas visiter le zoo de Taipei où le couple de pandas était accueilli.

Une telle importance accordée à ces plantigrades peut prêter à sourire pour les Occidentaux que nous sommes. Mais dans la culture chinoise, le panda est un animal hautement symbolique. En République Populaire Chine, il est considéré comme un Trésor National vivant et il est (où qu’il se trouve) un ressortissant chinois dont les intérêts sont à ce titre protégés par le gouvernement. Attenter à l’intégrité d’un panda ou en sortir un du territoire national est un crime passible de plusieurs années de détention. Ainsi, lorsque Nicolas Sarkozy a formulé en novembre 2011 le souhait que des pandas soient loués à la France, ce n’est qu’après la signature d’un décret par le président Hu Jintao que le couple de plantigrades put être amené en France par un avion express. Des vérifications avaient été faites auparavant : une délégation chinoise ayant été envoyée en France pour inspecter le lieu du futur logement et les conditions de vie des futurs locataires. Même une fois arrivés en France, les deux pandas ne furent pas laissés sans surveillance chinoise : plusieurs médecins ainsi qu’un représentant du Parti Communiste (chargé de faire des rapports et de les envoyer au gouvernement) accompagnaient le couple. On ne plaisante pas avec le bien-être d’un panda…

On ignore d’où vient cette fascination des Chinois pour le plantigrade. Elle doit sans doute remonter à des cultes antiques voire préhistoriques, puisqu’on a découvert des représentations rupestres et sculpturales datant de -2000.

Le panda est un animal rare dont la reproduction est difficile : ce sont des animaux solitaires vivant dans les montagnes. Or, la période d’accouplement dure à peine quelques jours. Il faut donc qu’un mâle et une femelle se rencontrent, qu’ils s’apprivoisent et qu’ils se plaisent, ce qui prend parfois beaucoup de temps. Cette difficulté à se reproduire explique sa rareté et les méthodes déployées pour en faciliter la reproduction. Dans les zoos, c’est désormais à l’insémination artificielle que l’on recourt. Une telle rareté ne pouvait qu’aiguiser la curiosité et l’attrait du peuple chinois pour ce paisible végétarien.

Sa couleur noire et blanche évoquent pour les Chinois l’harmonie entre le yin et le yang, les deux principes masculin et féminin du taoïsme. Cette harmonie débouche selon eux sur une paix pour le peuple. D’où le fait que le panda est généralement associé à la paix et à la prospérité. C’est enfin un animal qu’on associe à l’amitié durable, ce qui explique en grande partie la diplomatie du panda.

La Chine a su bien mettre en scène cet animal pour le faire aimer et en faire un symbole de son « soft power », en donnant une image rassurante. Mais, n’en doutons pas, derrière la tête rondouillarde de ces sympathiques plantigrades, c’est bel et bien un jeu stratégique que mène Pékin.

Nicolas Kirkitadze

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