Un texte amusant de mon ami Jean-Pierre Pélaez :

Depuis plusieurs mois, le monde dit « de la Culture », on le sait, subit confinement et reconfinement, et la plupart des théâtres et des opéras, publics ou privés, parisiens ou provinciaux, ont fermé leurs portes, privant le spectateur ou l’abonné d’un Falstaff en caleçons et supports-chaussettes, d’une adaptation indigéniste d’Antigone ou des « Mémoires d’une lesbienne musulmane ».

Mais ce monde dit, aujourd’hui, « de la culture » – depuis que ce mot de culture, désignant une sorte de bouillie insipide, ministérielle et bien-pensante, de prêt-à-représenter bien formaté, a remplacé le terme d’art, c’est-à-dire une création artistique vivante et libre, ce monde dont les porte-parole médiatiques se proclament artistes quand ils ne sont plus que des perroquets du système, narcisses frileux et soumis du théâtralement correct – n’est-il pas, depuis longtemps, et par essence, confiné ?

Monde confiné à gauche, d’abord et surtout : gauche caviar, gauche mondaine, gauche urbaine, écolo-bio-bobo et à bicyclette, gauche pétitionnaire, gauche maastrichtienne, comme dirait Onfray, gauche insoumise, gauche culturelle macrono-compatible, gauche des beaux quartiers, gauche Libération ou Télérama, gauche France Inter/France Info, intelligentsia de gauche, gauche opportuniste, toutes ces gauches identiques et variées se partagent le territoire de la culture, très loin, cependant, de la gauche cassoulet de Castelnaudary, ou de la gauche pâté du Gers ou du Tarn-et-Garonne qu’elles méprisent et dont elles flattent seulement en tournée la désolante naïveté, et sa fascination pour l’artiste médiatique venu de , encore plus loin du peuple populiste qui les fait vomir à force d’être tellement nauséabond et lepéniste ! Dans ce monde-là, pas besoin d’Omar ou de fumer, être de droite, être soupçonné d’être de droite tue. Et si l’on se sent irrésistiblement porté vers la droite, il faut quand même dire qu’on est de gauche. Il en va de son avancement dans la fonction publique artistique.

Monde confiné dans l’entre-soi et l’endogamie, qu’il soit pédant, résistant ou iconoclaste subventionné pour le secteur ministériel, dit public, ou qu’il soit mondain, parisien, tout aussi conformiste et incapable de la moindre audace dans le secteur privé. Monde confiné qui a l’habitude de ces vases clos où l’on se coopte à l’abri des virus de l’insolence et de la liberté, et où l’on se reproduit de copains en chapelles, de père mère en fille ou fils, et de momies à bandelettes animées en responsables du festival des empaillés.

Monde confiné dans la production d’un art formaté, avec ses sempiternelles pétitions convenues qui agitent, quelques jours, le bocal de sa pensée avant de retourner au néant qui les a inspirées. Monde confiné dans sa suffisance et son rabâchage prétendument savant, ou ses déclarations éternelles pour la télévision d’État.

Monde confiné où un créateur n’est pas choisi pour ses œuvres mais pour ce qu’il est, ou ce qu’il est censé penser, et pour l’étiquette qu’on lui colle ; où le navet médiatique avec lequel on fera courir le Tout-Paris, ou la tarte subventionnée sur le racisme, le sexisme ou la richesse des migrations, ou bien la simple et pure couillonnade culturelle ont, depuis longtemps, remplacé l’œuvre d’art.

Alors, confinement, reconfinement, double confinement, qu’importe, et lorsqu’on ajoute à l’insignifiance d’un monde déjà confiné l’inexistence qui lui a été imposée, qui s’apercevra de la différence ?

Le confinement du monde de la culture : un non-événement, une vaste métaphore du néant !

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