Le gouvernement malaisien décrète la charia

Pour tenter de surmonter les difficultés apparues depuis longtemps dans le processus d’adaptation de la loi coranique aux dispositions constitutionnelles, le gouvernement malaisien a fixé au 31 décembre de cette année la date limite pour harmoniser l’application de la charia avec la Constitution dans les différents États de la Fédération.

Bien que de nombreux analystes émettent des doutes sur le délai, qu’ils jugent trop proche, et soulignent que l’initiative officielle contribuera à relancer le débat sur la congruence entre l’État et les lois religieuses, une question toujours compliquée dans un pays traversé par diverses fractures ethniques, sociales et religieuses.

Le ministre des Affaires religieuses, Mohd Na’im Mokhtar, s’est engagé le 18 février à révéler par avance les conséquences concernant les droits civiques et les droits religieux. Il bénéficiera de la coopération du souverain de l’État de Selangor, Sharafuddin Idris Shah, qui préside le Conseil national des affaires religieuses islamiques. Il devrait également recevoir la contribution de la Commission spéciale dirigée par un ancien président de la Cour suprême, qui a commencé à travailler sur le sujet l’année dernière et a été chargé d’évaluer les possibilités d’élargir les pouvoirs du Parlement pour pouvoir intervenir dans cette délicate affaire.

Bouleversement juridique

La décision rendue le 9 février par les juges suprêmes sur l’inconstitutionnalité de 16 lois en vigueur dans l’État du Kelantan a mis en lumière la nécessité de s’attaquer au problème. Les règles font référence à de nombreux délits punissables par la loi religieuse, de la sodomie aux abus sexuels, de la possession de fausses informations à la toxicomanie et à l’alcool, et même aux critères appliqués dans les procès. Toutes ces questions sont réglées par la loi des États, sur laquelle le Parlement fédéral a compétence, mais sont en partie modifiées par les lois locales, plus proches des autorités religieuses.

Si les propositions du ministre ont suscité un débat sur le timing, d’autres interlocuteurs soulignent qu’intervenir dans cette affaire est un élément fondamental pour l’identité même des pays. Potentiellement, les changements apportés à la loi incluent des amendements à la Constitution et des révisions des lois au niveau fédéral et au niveau des États fédérés, mais en réalité le point central concerne les répercussions politiques et sociales d’une adaptation des lois à la charia.

C’est le dualisme entretenu depuis l’indépendance entre laïcité de l’État et l’islamisation d’une société composée aujourd’hui à 60 % de musulmans du Malais qui est à nouveau évoqué. La Constitution elle-même, dans son article 121 (1A), établit que les questions liées à l’identité seront jugées par les tribunaux de la charia dans les différents États. Le système actuel établit que le droit pénal et familial s’applique aux musulmans selon la tradition islamique mise en œuvre par des lois approuvées par les assemblées législatives de chaque État. Dans le cas des non-musulmans, ce sont les codes civil et pénal approuvés par le Parlement central qui sont pour l’instant en vigeur.

Léo Kersauzie

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