Alors qu’à l’occasion de ce 14 juillet les armées sont une nouvelles fois, et peut-être plus que jamais, utilisées sur la scène internationale pour rehausser le prestige de l’exécutif ; malgré les grandes promesses de campagne et en dépit des opérations en cours pesant sans discontinuer sur les hommes et sur les équipements depuis de longues années, rien n’a donc changé. Le budget des armées variable d’ajustement depuis des lustres, objet de coupes claires incessantes est, non seulement, une fois encore raboté, mais il est celui à qui l’exécutif demande le plus « d’efforts ».

Comme si les Forces n’avaient pas, depuis un quart de siècle, et précisément en raison du manque de crédits, été la cible du plus grand plan social de tous les corps de l’Etat ; comme s’il était normal et routinier que les hommes absents de leurs familles un jour sur deux partent en opérations au risque de leur vie avec des pièces de rechange récupérées sur les indisponibles peu à peu désossés ; comme s’il n’y avait aucun lien direct entre les moyens et les missions ; comme si, enfin, la parole des chefs militaires sonnant poliment le tocsin depuis des années était insignifiante et méprisable, alors que le pouvoir dresse attentivement l’oreille au moindre frémissement syndical.

L’indignité n’est pas celle du Chef d’Etat-major des armées dont on a eu tort de croire que la patience était sans limites, mais bien celle des exécutifs qui se payent de mots et de postures à défaut de donner aux armées les moyens de leurs missions. Il est bien temps de donner  sèchement des leçons de loyauté à ceux qui n’ont jamais bronché quand ils ont, à la suite d’incessants reniements, abusifs crédits hypothécaires précisément tirés sur leur loyauté,  peu à peu été acculés à l’impossible.

Après tant d’années de mépris accumulé, abrité derrière tant de bonnes paroles et de défilés impeccables où, dit-on le peuple français vient à la rencontre de son armée, de nouvelles promesses nous disent qu’en 2018 le budget de la défense sera rehaussé de 1,5 milliard d’€ initiant une trajectoire de redressement qui le conduirait en 2025 à 2% du PIB. La loyauté des militaires veut y croire. Mais elle fut si souvent trompée qu’en cette période de menaces, de suractivité et de sacrifices,  il lui aurait fallu autre chose que de bonnes paroles.

Alors que 30 000 hommes sont affectés à l’étranger et engagés dans des opérations extérieures ou patrouillent inlassablement les rues françaises, beaucoup au risque de leur vie, le symbole d’une nouvelle coupe budgétaire prenant le risque de remettre en cause l’entraînement et les équipement des hommes et donc leur sécurité, est d’autant plus détestable qu’il semble être la perpétuation d’une stratégie d’économies spéculant une fois encore sur le silence et le « devoir de réserve ». Pourtant, dans les armées et au sein de ceux qui connaissent les rouages de l’administration, hormis les courtisans, personne ne croit qu’il était impossible de faire autrement.

Les Légions attendaient un symbole fort et il n’est pas venu. Pire encore, elles ont été publiquement tancées.

De mon passage à la Spéciale (Ecole spéciale militaire de Saint Cyr-Note ASAF), sur cette question de dignité et d’obéissance aux ordres donnés, je me souviens de deux réflexions de notre officier instructeur :
– la première : « un ordre mal exécuté est un ordre mal donné »
– et la deuxième, rappelée dans la dernière Lettre de l’ASAF, « il n’y a pire indiscipline que de donner un ordre inexécutable.»

 

François TORRES
Officier général (2S)

(source : ASAF)

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