Les insurgés du Donbass perdent du terrain face à l’armée ukrainienne et ne contrôlent plus guère qu’un tiers du territoire des régions ayant proclamé leur indépendance en mai. Les sécessionnistes prorusses risquent également de perdre dans les prochains jours les derniers points de passage vers la Russie qu’ils tiennent encore sur la frontière. Si cette éventualité devenait réalité, les combattants du Donbass n’auraient plus aucune échappatoire ainsi que les milliers de civils fuyant chaque jour l’horreur des bombardements ukrainiens.
Dans cette histoire, chacun aura constaté la placidité et la patience, voire la passivité dont fait preuve en ce moment le président russe Vladimir Poutine. Après le gigantesque et inattendu succès du rattachement de la Crimée à la Fédération russe, le président Poutine se garde sagement de réagir de manière irréfléchie sur la question du Donbass ; il a bien conscience qu’une intervention militaire russe en Ukraine serait une entreprise potentiellement extrêmement lourde de conséquences pour son pays et pour le monde.
A côté de ces considérations, Vladimir Poutine a aussi jugé de bon de laisser du temps à son nouvel homologue ukrainien Piotr Porochenko. Il lui laisse le temps de faire ses preuves, de proposer et de mettre en œuvre un plan de paix et de réconciliation nationale qui tient la route, enfin de consolider son pouvoir sur les structures de force ukrainiennes et de reprendre la main sur les éléments turbulents qui le débordent. En effet, on sait que, côté ukrainien, le non-respect de la trêve d’une semaine décrétée par le président élu Porochenko est dû à la Garde nationale et à l’armée privée d’Igor Kolomoïski. La Garde nationale est une force militaire mise sur pied après la destitution de Viktor Ianoukovitch et incorporant pêle-mêle des volontaires des milices d’auto-défense de Maïdan, des désœuvrés liés à Praviy sektor et des condamnés fraîchement sortis de prison. Quant à Igor Kolomoïski, il s’agit de cet oligarque parachuté gouverneur de la région de Dniepropetrovsk par le gouvernement intérimaire et ayant proclamé qu’il ne se plierait à aucun ordre de cessez-le-feu de la part de qui que ce soit. La justice russe a d’ailleurs délivré un mandat d’arrêt à son encontre pour « organisation de meurtres » et « recours à des moyens et méthodes de guerre illégaux ». Enfin, il faut aussi garder à l’esprit que Piotr Porochenko subit une énorme pression de la part des Etats-Unis qui le poussent à la guerre.
Pour l’heure, on ne peut donc qu’espérer que Piotr Porochenko reprenne les choses en main dans son propre camp.
Mais en attendant, les obus d’artillerie continuent de s’abattre impitoyablement sur les villes et villages du Donbass. Slaviansk et Kramatorsk sont tombés il y a quelques jours et à
Kiev, le parti de la guerre prépare le blocus et la « libération » de Lougansk (400 000 habitants) et de Donetsk (1 million d’habitants, première ville industrielle et économique d’Ukraine). Entre 10 000 et 15 000 civils ukrainiens traversent quotidiennement la frontière avec la Russie qui accueille de bon cœur déjà 160 000 réfugiés. Si l’on compte les personnes logeant chez des proches sans avoir demandé le statut de réfugié, ce sont plus de 500 000 citoyens ukrainiens que la Russie héberge fraternellement sur son sol.
Sans intervention énergique de la Russie, on peut facilement affirmer que les carottes sont cuites. Sans retournement de situation inattendu, il en est fini de l’indépendance des régions de Lougansk et de Donetsk. Là-bas, tout le monde craint déjà la répression et les représailles qui s’annoncent peu amicales.
Baudouin Lefranc
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