Le 7 mai, est paru aux Éditions du Seuil un nouveau livre d’Emmanuel Todd : « Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse ». Ce spécialiste des questions démographiques et sociologiques analyse les réactions des Français aux attentats de janvier 2015, une analyse pas vraiment à chaud, ni à froid, disons une analyse à tiède, mais qui ne laisse pas indifférent. Emmanuel Todd écrit lui-même avoir voulu prendre un peu de recul, même si cette question l’a en quelque sorte piqué au vif, en tant que sociologue, et aussi une fois n’est pas coutume, par rapport à ses origines partiellement juives.

Il convient d’apporter aux lecteurs de Médias-Presse-Info un compte-rendu du livre.

Présentation de la question « Qui est Charlie ? »

Les plus courageux peuvent aussi regarder différentes vidéos où Emmanuel Todd discute ses conclusions. Elles sont rangées par durée croissante.

https://www.youtube.com/watch?v=pqwqfXSqPAE

https://www.youtube.com/watch?v=NyLY1p9mHKc

https://www.youtube.com/watch?v=njBpGTYWFEo

https://www.youtube.com/watch?v=c1iR4z2K5D8

https://www.youtube.com/watch?v=dll2Y7pcyQQ

Emmanuel Todd possède une certaine aura médiatique – c’est un intellectuel, comme on dit – et il ne fait pas mystère d’avoir prédit la fin proche de l’Union Soviétique dans les années 1970. Mais avoir raison une fois n’est pas avoir raison toujours. Il n’y a pas de récurrence dans ce domaine. Rappelons que dans un livre « La nouvelle France » publié en 1988, Emmanuel Todd avait prédit que le Front National n’avait pas d’avenir et allait disparaître… On a le droit de sourire, maintenant que Marine Le Pen a de fortes chances d’être au deuxième tour de la future présidentielle. Mais, à l’inverse avoir tout faux une fois n’est pas avoir tout faux toujours. 

Gardons ce principe en tête quand nous jugerons quoi penser du livre.

Venons-en à Charlie, et pour faire simple, les deux piliers de la pensée d’Emmanuel Todd sont les suivants :

– les gens qui ont manifesté le 11 janvier 2015 sous la bannière et le slogan « Je Suis Charlie » n’ont pas forcément manifesté pour les raisons qui furent avancées. Son approche sociologique soutient qu’il existe des forces sous-jacentes et peut-être inconscientes, qu’il faut donc faire remonter à la surface. Contenu latent et contenu explicite ne coïncident pas.

– la France est historiquement et anthropologiquement composée de deux France différentes, qui ne fonctionnent pas et ne réagissent pas de la même façon. Une 1ère France comprend le Bassin Parisien et la région PACA, qui sont notablement déchristianisées depuis 1740–60 et pro-Révolution-de-1789. Une 2ème France inclut toutes les périphéries, au Nord, en Alsace et le grand ouest, qui globalement sont restées durablement chrétiennes, jusque dans les années 1960, et sont plutôt anti-Révolution-de-1789.

Emmanuel Todd soutient que chacune des deux France a des inclinations différentes vis-à-vis de la liberté, de l’autorité et de l’égalité. La 1ère France centrale est plutôt égalitaire et libertaire, en plus d’être incroyante. Au contraire, l’autre France périphérique est beaucoup plus hiérarchique et autoritaire dans ses valeurs, en plus d’être restée plus imprégnée de Christianisme, en particulier Catholique. Il écrit : « Du point de vue de l’anthropologie des structures familiales, la vraie France, sur la longue période, ce pourrait être deux tiers d’anarchie et un tiers de hiérarchie. »

Voilà pour le décor. Ces deux piliers méritent d’être considérés avec bienveillance. Mais il faut aussi voir la thèse pour en juger le bienfondé.

Quelques morceaux choisis du livre

Avant de tenter de comprendre et d’évaluer la thèse d’Emmanuel Todd, il faut garder à l’esprit qu’il se définit lui-même comme « judéo-bolchévique » [sic]. Quelques citations permettront de voir dans quelle ambiance intellectuelle il évolue.

Voilà ce qu’il écrit sur le Catholicisme : « Rome, monstre obscurantiste, était arc-boutée contre le progrès et l’éducation, encourageant partout la soumission au prêtre. Il est donc normal que l’effondrement du contrôle clérical des consciences ait libéré les énergies et engendré un sentiment d’optimisme. » Il oublie au passage que l’Eglise assurait autrefois à la France un très fort taux d’alphabétisation, qui a régressé à cause de la Révolution de 1789, et que cette libération des énergies révolutionnaires a tué environ 2 millions de Français, une saignée atroce, qui a coûté à la France sa prééminence en Europe. Eh oui, « Marianne n’est plus la femme aimable que nous avons connue ». Les Vendéens et les Lyonnais, noyés et égorgés, apprécieront à titre posthume. Notons d’ailleurs qu’Emmanuel Todd se contredit lui-même : 

« L’alphabétisation de masse […] au XVIIIe siècle […]. » Euh, faite par qui ? Par la fameuse « Rome, monstre obscurantiste, arc-boutée contre le progrès et l’éducation » ? Passons.

On peut comparer avec l’envolée lyrique suivante : « En couverture [de Charlie Hebdo], nous avons pu à nouveau admirer [sic] Mahomet, le visage long comme un pénis, surmonté d’un turban recouvrant deux masses rondes évoquant des testicules. Cet élégant dessin était tracé sur fond vert  – la couleur de l’islam –, mais un vert plat, terne, bien loin des verts extra-ordinairement beaux et subtils [sic] qui couronnent les édifices du culte musulman. » Voilà pour l’objectivité du sociologue.

Concernant le vivre-ensemble, on appréciera : « Parmi les Français totalement laïcisés se trouve la majorité des enfants issus de mariages mixtes, unions de parents issus de religions différentes, des unions parfois répétées sur plusieurs générations. Leur ascendance mêle fraternellement [sic] chrétiens, musulmans et juifs, sans oublier la possibilité du bouddhisme, du confucianisme ou de l’hindouisme de nos compatriotes d’origine asiatique. » Une France bisounours totalement onirique et irénique. Où sont les mariages mixtes concernant juifs et musulmans, deux communautés farouchement endogames, jusqu’au meurtre dans le cas des musulmans ? Sans doute une hallucination de sociologue. 

On notera aussi le discours minorant la présence musulmane : « Ces chiffres disproportionnés – 94 % d’origine  chrétienne,  4,5% à 5% d’origine musulmane – ne doivent pas faire illusion. » Non, sans rire, dix à quinze millions de musulmans, ça ne fait pas 5%.

Evidemment, on a droit au poncif inusable de la différence entre vrai et faux musulman, avec en prime la piqûre de rappel que la vermine terroriste est « française » : « Comment faire comprendre que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly étaient bien des Français, des produits de la société française, et que le recours aux symboles de l’islam ne fait pas nécessairement de celui qui les utilise un véritable musulman ? » Ben voyons… 

Encore mieux, l’islam n’est pas un problème mais la solution : « Nous allons devoir admettre que la France n’est plus la France, mais nous demander aussi si elle a quelque chance de redevenir elle-même, avec, pourquoi pas, un jour lointain, l’aide de l’islam et des électeurs du Front national. »

Quelques constats exacts faits par le livre

Naturellement, le livre fait un certain nombre de constats factuellement exacts : des millions de Français ont été choqués par les attentats de janvier 2015, beaucoup ont manifesté le 11 janvier, beaucoup d’autres n’ont pas manifesté : « Le monde populaire n’était pas Charlie, les jeunes des banlieues, qu’ils fussent musulmans ou non, n’étaient pas Charlie, les ouvriers des provinces n’étaient pas Charlie. » Sur ce point Emmanuel Todd a raison de dénoncer cette espèce d’unanimisme incantatoire qui entoure les manifestations, récupéré de façon simpliste et malhabile par le gouvernement socialiste, en perdition électorale et sondagière : « Les politiques ont consciemment  instrumentalisé l’événement pour tenter d’échapper à leur impopularité. » 

Certes.

Emmanuel Todd a sans doute raison aussi de parler « d’accès d’hystérie » et de « flash totalitaire ». On voit bien que les attentats ont servi à faire passer en force des lois liberticides très dangereuses.

A juste titre aussi, Emmanuel Todd dénonce « cette troublante sous-estimation, dans les commentaires, de la dimension antisémite de l’événement, qui pourtant succédait aux tueries de Bruxelles en mai 2014 et de Toulouse en mars 2012. » On se rappelle que les médias avaient également nié la dimension spécifiquement anti-juive de la mort d’Ilan Halimi, séquestré et torturé en janvier 2006 par un groupe d’une vingtaine de personnes se faisant appeler le « gang des barbares », dirigé par un certain Youssouf Fofana.

Enfin, le livre met bien en évidence que c’est principalement la France périphérique, encore imprégnée de Christianisme, qui s’est surmobilisée, en plus de Paris.

Les escroqueries intellectuelles du livre

Au delà des constats factuels pris en compte dans le livre, il faut en venir maintenant à la thèse centrale d’Emmanuel Todd, qui semble en proie à plusieurs aveuglements cumulatifs.

Le premier aveuglement est la minoration de la présence musulmane et le rêve d’un islam bisounours. Curieusement, à lire Emmanuel Todd, on a l’impression que ce seraient les Catholiques ou post-Catholiques français qui seraient responsables de l’accroissement continu des actes anti-juifs. On a là une manifestation de l’islamolâtrie catho-haineuse d’Emmanuel Todd. Imputer les méfaits et crimes au mauvais coupable, par un tour de passe-passe typiquement de gauche. Il va même jusqu’à invoquer Vichy, oubliant au passage que 90% des Français juifs furent sauvés malgré l’Occupation allemande, comme l’a rappelé Eric Zemmour, provoquant ainsi un scandale dans la bienpensance de gauche.  Au passage, notons que le Catholicisme français n’est pas Catholique, mais « catholique zombie » [sic]. Quelqu’un en France boit-il le sang des Juifs dans un crâne ? A lire Emmanuel Todd, on se demande.

Le deuxième aveuglement concerne le tropisme islamolâtre des médias, qui gomment la dimension anti-juive des attentats. Emmanuel Todd ne semble pas avoir compris que tout doit être fait dans les médias pour cirer les babouches, y compris si cela mène à des contradictions avec la religion officielle de la Shoah, rabâchée ad nauseam. Il est difficile pour les médias d’avoir deux religions en même temps : la Shoah et l’islamolâtrie. Ils penchent maintenant pour l’islamolâtrie.

Enfin, le troisième aveuglement concerne la perception de plus en plus négative à la fois de l’islam et de l’Union Européenne. Si certains Français, en particulier ceux de la France périphérique imprégnée de Christianisme s’alarment et manifestent, c’est peut-être tout simplement parce qu’ils perçoivent que la France est en danger. Nul besoin de théorie fumeuse pour s’en rendre compte. Nul besoin du concept foireux d’islamophobie pour comprendre que l’islam est objectivement dangereux, et ce depuis qu’il existe. Nul besoin de sociologie pour comprendre que les Français n’ont peut-être pas envie d’être égorgés ou génocidés. Il est donc facile de comprendre pourquoi la France périphérique qui a élu Hollande a manifesté sa peur et son besoin d’unité, alors que la France hostile à Hollande a boudé ostensiblement, refusant sans doute de signer un chèque en blanc à un gouvernement nuisible et anti-français.

Mais pour Emmanuel Todd, « il est important de comprendre la logique qui peut conduire du catholicisme à la xénophobie. » Oui, vous avez bien lu, le coupable c’est le Catholicisme. Car la thèse présentée est que le Catholicisme – zombie, de préférence – serait coupable de faire monter la xénophobie, le racisme et l’islamophobie, et par ricochet de faire monter aussi l’antisémitisme agressif des musulmans. C’est le total délire propagandisé par Emmanuel Todd : « avec Hervé Le Bras, nous avons baptisé « catholicisme zombie » la force anthropologique et sociale née de la désagrégation finale de l’Église dans ses bastions traditionnels. […] la survie après la mort de cette forme résiduelle de la subculture catholique périphérique. […] Elle a fini par entraîner la France dans une aventure idéologique aux multiples facettes, incluant […] une forme particulièrement sournoise d’islamophobie  et, probablement, d’antisémitisme. » Ite, missa est. Au passage, on appréciera le niveau de mépris qui suinte de chaque mot utilisé : zombie,  désagrégation, résiduelle, subculture, sournoise.

En conclusion, il est donc facile d’affirmer que la thèse principale du livre est fausse, délirante et calomniatrice. Incidemment, pour Emmanuel Todd, il y a un « mystère » autour de la mobilisation exceptionnelle à Paris, qui n’a plus grand chose de Catholique. Ce « mystère » contredit sa thèse absurde.

Le procès involontaire des soixante-huitards égoïstes

Mais l’intérêt du livre ne s’arrête pas là, car Emmanuel Todd s’intéresse aussi à l’échec de l’Euro et de l’Union Européenne, qu’il n’hésite pas à dénoncer : « Il apparaît aujourd’hui que le projet était fou, puisque la zone euro, malgré tous ses efforts budgétaires, financiers et surtout idéologiques, croupit dans la stagnation, le chômage et la déflation. »

On lira ce moment de clairvoyance dans le constat : « Le franc fort, la marche à l’euro, l’euro réalisé, n’en finissent pas de torturer le corps social, de gangréner la démocratie. Le Parti socialiste devient peut-être au fond plus insensible, plus dur aux faibles que ne l’était la droite conservatrice.  Le catholicisme  social, lui, méprisait l’argent et encourageait chez les privilégiés le sentiment d’une responsabilité vis-à-vis des pauvres. » Comme nous le disions en préambule, le livre n’a pas toujours tout faux.

En outre, Emmanuel Todd s’inquiète de la dérive inégalitaire et autoritaire de la France, qu’il considère être une trahison de la tradition française : « Dès 2005, donc, l’échec du projet européen était évident pour la majorité de la population, mais on observait aussi une crispation, un durcissement, dans l’attachement des classes les plus privilégiées à l’utopie [européiste] » ou encore « Les milieux populaires ont été réduits au silence, tout comme les descendants d’immigrés des  banlieues, absents pour l’essentiel des manifestations ainsi qu’en ont finalement convenu tous les commentateurs. La République qu’il s’agissait de défendre n’était pas celle de tous les citoyens. » On notera l’accusation gravissime contenue dans cette dernière phrase.

Il poursuit : « Pour éviter toute confusion, je désignerai désormais par le terme de « néo-républicanisme » la doctrine en cours d’émergence. » Emmanuel Todd s’interroge sur l’émergence de ce néo-republicanisme inégalitaire et autoritaire. « C’est bien un idéal de hiérarchie qui avait mené à Maastricht, et qui nous gouverne toujours, ancré dans les valeurs d’autorité et d’inégalité. »

Aveuglé par son islamolâtrie catho-haineuse, Emmanuel Todd attribue cette dérive néo-republicaine toujours aux mêmes : elle « nous vient du catholicisme et de Vichy plus que de la Révolution » ou encore : « nous ne pouvons nous permettre d’attendre d’être « sûrs » que le néo-républicanisme soit un néo-vichysme pour proclamer la validité de cette proposition, tout simplement parce que, si nous venions à en être sûrs un jour, il serait probablement trop tard. »

Au lieu d’incriminer à tort et à travers le Catholicisme, il convient de s’interroger sur les bénéficiaires de la dérive néo-républicaine : « Reste que le bien-être de cette classe [de bénéficiaires] émane d’un système social non seulement égoïste, mais hypocrite puisque ses représentations officielles nient les relations de force, d’exploitation, d’exclusion et de répression » et aussi « les conséquences de long terme du projet de Maastricht – plus de vingt ans d’échec  – nous permettent donc d’entrevoir, sous la rhétorique en usage du côté des partis « néo-républicains », toute de fidélité aux valeurs anciennes, les contours d’une société égoïste, injuste, féroce. »

Emporté par l’élan de sa haine anti-catholique, Emmanuel Todd n’hésite pas à dresser un portrait, un procès, sévère de la France en 2015. Car pour lui, cette société néo-républicaine, égoïste, injuste, autoritaire, inégalitaire, est infectée et dominée par le « catholicisme zombie » de la France périphérique.

Seul petit problème dans la démonstration : Qui profite de la situation de la France actuelle, sinon les retraités de la génération des babyboomers soixante-huitards et les privilégiés de Boboland, ceux qu’Emmanuel Todd appelle « le bloc MAZ » ? L’accusé n’est pas le bon : c’est bien la gauche libertaire, la gauche caviar qui est en train de sacrifier la jeunesse, la liberté et l’égalité, pour continuer de gaver tous les individualistes de gauche et satisfaire le droit à la liberté irresponsable des babyboomers et de Boboland. Emmanuel Todd ne semble pas comprendre que c’est bien le système de valeurs soixante-huitardes qui mènent au pire : « Trop d’individu, parfois, tue l’individu. Mais nous sommes ici dans le registre d’une éventuelle pathologie de la liberté, non dans celui d’une mutation autoritaire du système de valeurs. »

Une société extrêmement inégalitaire avec des pans entiers à l’abandon, les banlieux, les ouvriers, le monde rural, ne peut se maintenir sans un niveau de violence et de répression de plus en plus rude. Aveuglé par sa haine du Catholicisme, Emmanuel Todd ne se rend pas compte qu’en réalité il fait le procès de la gauche (caviar), individualiste et égoïste, irresponsable, immorale, dont le tandem Hollande-Valls est l’incarnation abjecte et apatride, jusqu’à la caricature et l’écoeurement.

Les faux rebelles de la gauche bienpensante sont prêts à la pire des dictatures pour maintenir en place leurs privilèges, leur forfaiture idéologique, leur pseudo-moralité de façade et leur système en échec socio-économique total. Voilà la réalité qu’Emmanuel Todd dénonce, mais en l’imputant au mauvais coupable.

C’est ce que l’islamolâtre catho-haineux de gauche, Emmanuel Todd, n’a pas compris. La montée d’un autoristarisme inégalitaire est le fait de la gauche (caviar), jalouse de ses privilèges éhontés, et non du Catholicisme, minoritaire et opprimé.

On pourra aussi regarder la critique faite par Alain Finkielkraut

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