L’histoire est d’une simplicité biblique et prêterait à sourire si on la lisait sous la plume de Pagnol. Le nouveau maire de la petite commune de Frémainville, 493 habitants, a changé le buste de Marianne qui trônait dans sa mairie : il était noir, il est désormais blanc.

Honte ! Sacrilège ! Le CRAN montre les crocs. Le CRAN, vous savez, le Conseil Représentatif des Associations Noires, cette machine qui s’est donné pour tâche de lutter contre les discriminations que subissent les populations noires en France. Le créneau est un peu encombré avec le MRAP, la LICRA, la LDH, l’Observatoire de ceci, le Conseil de cela. Mais, un de plus, un de moins, pas très important, c’est le contribuable qui paye (1).

Or donc, le CRAN débarque. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère ! En mettant au placard la mélanomarianne, le maire « s’est enfoncé dans l’abject » ! Rien de moins. « Cette idée est digne des pires théoriciens du Ku Klux Klan, et des mouvements suprématistes (2)» s’étrangle le président de la vengeresse officine. Et, aussi sec, de saisir le Procureur de la République, le Défenseur des droits et le préfet du département, afin que les sanctions appropriées soient appliquées au maire de Frémainville.

C’est curieux, cette attitude du CRAN, de vouloir systématiquement noircir le tableau et chercher des poux dans la tête de cette pauvre municipalité. Il y a, en France, trente-six mille communes, et donc trente-six mille bustes de Marianne. On peut affirmer, avec de très raisonnables chances de ne pas se tromper, que, sur ce total, trente-cinq mille neuf cent quatre-vingt-dix neuf bustes sont blancs. Que va faire le CRAN ? Une action en justice contre chacun des maires de France ?

Affiche du CRAN

La République est bonne fille si elle accepte de perdre son temps, et notre argent, avec l’affaire CRAN contre Frémainville. Puis-je me permettre une suggestion au maire du village. Il existe, en droit français, une notion très établie mais trop peu utilisée, l’abus de droit : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. » (3). Qu’est ce qui caractérise l’abus de droit ? Tout droit est un instrument que la loi nous donne pour protéger un intérêt qu’elle juge respectable. User de son droit, c’est s’en servir pour la défense de cet intérêt. Abuser de son droit, c’est s’en servir dans un autre intérêt, souvent pour nuire à un tiers.

Changer le buste de Marianne est-il constitutif d’une infraction ? Non ! Le maire a-t-il commis une inégalité ou une injustice ? Pas davantage. S’est-il rendu coupable de discrimination – ce qui donnerait au CRAN un « intérêt à agir », curieusement absent sans cela ? Si la réponse est « oui », alors cette discrimination est commise par l’intégralité des maires de France.

Quel intérêt le CRAN sert-il en engageant son action ? S’il n’y a ni illégalité, ni injustice, ni discrimination, pourquoi ces gens viennent-ils mettre la pagaille à Frémainville ? Au nom de quoi ? Pour défendre qui ?

Il est manifeste qu’en l’espèce, il y a abus de droit, punissable par la loi. Un bon avocat se régalera à plaider l’affaire et à la gagner. Et la prochaine fois, le CRAN y regardera à deux fois avant de brandir du papier bleu en hurlant des bêtises.

Plus généralement, il serait salutaire de mettre un coup d’arrêt à ces organismes qui s’arrogent le droit de trainer, à tout bout de champ, tout le monde devant les tribunaux – ce maire pour le buste, Valeurs Actuelles pour sa couverture, et bien d’autres – pour un mot, un geste, un regard qui ne leur plaît pas. Je n’ose plus commander un nègre-en-chemise chez mon pâtissier lorsqu’il y a du monde dans la boutique !

Le seul moyen d’y parvenir est de dégainer l’arme de l’abus de droit au civil, avec son corollaire au pénal où les sanctions peuvent être bien plus lourdes. Je rêve du moment où, en France, il ne sera plus possible à ces mouvements orientés et gavés de subventions de pourrir la vie des braves gens, uniquement parce que ça leur fait plaisir. Il arrivera un moment où, amende après amende, les subventionneurs se fatigueront d’alimenter de dispendieux tonneaux des Danaïdes.

 

(1) En 2011, le président du CRAN disait au journal Marianne que le conseil touchait 153.000 euros de dons et subvention, dont un peu moins de la moitié venait du secteur public.

(2) Oui, vous avez bien lu : le communiqué du CRAN du 26 janvier 2015 parle bien « des mouvements suprématistes ». Je rappellerai au bouillant, mais inculte, président du CRAN que le suprématisme est un mouvement d’art contemporain. Il n’a rien à voir dans cette histoire.

(3) Code de Procédure Civile, article 32-1

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