Pourquoi s’intéresser plus particulièrement à quelques homélies du cardinal Pie ?
Parce que « dans la pléiade d’hommes vraiment remarquables qui illustrèrent la religion au cours du siècle qui vient de finir, nul assurément n’était plus digne des honneurs du centenaire que le grand évêque que fut le cardinal Pie ; nul dont le souvenir pût être ravivé avec plus d’à propos et de profit ; nul dont les gestes, les œuvres, les écrits nous puissent plus sûrement guider à travers les ténèbres de l’heure présente, au milieu de l’atonie, du désarroi, de l’incroyable confusion d’idées qui semblent décidément en être la très particulière caractéristique. »1
Mgr Pie a vécu à une époque agitée où il fallait non seulement faire la guerre aux impies, aux républicains et aux francs-maçons mais aussi contredire les catholiques libéraux qui prétendaient pouvoir vénérer le Bon Dieu tout en respectant le diable. Pour Mgr Pie la vérité est intolérante. On ne peut pas aspirer à l’ordre et flatter l’anarchie sans être l’homme des concessions à perpétuité et sans être infidèle à Dieu.
C’est ainsi que Mgr Pie s’est opposé à l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, qui jugeait trop romain l’Univers, le journal du très catholique Louis Veuillot.
C’est ainsi que Mgr Pie s’est opposé à l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, qui avec les libéraux de l’Avenir, admit que l’on invoquât, en faveur de l’Église, le droit commun et que l’on ne revendiquât pas intégralement ses privilèges de société divine… Apôtre du Syllabus de Pie IX, Mgr Pie fut le plus terrible adversaire du naturalisme politique érigé en dogme par les temps modernes avec la complicité d’une « école sincèrement croyante mais qui se met en cela d’accord avec la société déchristianisée »… Les homélies qui suivent le montreront.
C’est ainsi que Mgr Pie fit, devant ses prêtres, la critique du travail de Mgr Maret, “Du concile général et de la paix religieuse”, ouvrage dont il dira à l’auteur lui-même qu’il appelait les plus graves censures théologiques.
C’est ainsi que Mgr Pie, l’un des vingt-quatre membres de la commission de la doctrine et de la foi au concile du Vatican, s’opposa à Mgr Darboy sur la question de l’infaillibilité pontificale.
Sur de multiples questions, celle du gallicanisme, celle de la liturgie romaine, celle de l’attitude de l’Église face aux principes et à l’esprit nés de la Révolution… il fut le défenseur le plus résolu des droits de Dieu.
C’est pourquoi le salut national et social et le triomphe de l’Église lui semblaient ne pouvoir venir que de l’avènement du comte de Chambord. Toutes les autres solutions lui paraissaient bâtardes et dangereuses. Le comte de Chambord, c’était la monarchie de droit divin et, par conséquent, c’était Dieu rétabli dans ses droits.
Après le coup d’État et la proclamation de l’Empire, il ne salua pas, comme bon nombre de ses collègues de l’épiscopat français, en Napoléon III, l’espoir de l’Église. L’évêque de Poitiers, lors d’un entretien avec l’empereur Napoléon III, le 15 mars 1856, fit la seule chose qu’il savait faire : dire la vérité :
« … ni la Restauration ni vous, n’avez fait pour Dieu ce qu’il fallait faire, parce que ni l’un ni l’autre vous n’avez renié les principes de la Révolution dont vous combattez cependant les conséquences pratiques, parce que l’Evangile social dont s’inspire l’Etat est encore la déclaration des droits de l’homme, laquelle n’est autre chose, Sire, que la négation formelle des droits de Dieu. Or c’est le droit de Dieu de commander aux Etats comme aux individus. … Partout où Jésus-Christ n’exerce pas ce règne, il y a désordre et décadence. Or, j’ai le droit de vous dire qu’Il ne règne pas parmi nous et que notre Constitution n’est pas, loin de là, celle d’un Etat chrétien et catholique. … Le moment n’est pas venu pour Jésus-Christ de régner ? eh bien ! Alors le moment n’est pas venu pour les gouvernements de durer ».
Sa Lettre pastorale du 22 février 1861, où Napoléon III était comparé à Pilate, lui valut quelques tribulations…
Voilà en quelques traits l’imposante physionomie du très humble et très lucide cardinal qui était tout entier possédé par l’idée « de combattre partout cette substitution sacrilège de l’homme à Dieu, qui est le crime capital des temps modernes »
Très humble car totalement soumis à l’amour de la vérité sans aucune compromission avec l’erreur. L’illusion de tenter une réconciliation de Bélial avec le Christ n’a jamais effleuré ce prince de l’Eglise.
Très lucide car il écrivait à un ami :
« Je ne sais pas ce que verront les enfants de vos enfants, et j’aperçois des signes très graves qui peuvent faire craindre la décadence universelle avant la fin de l’autre siècle. Mais j’aperçois en même temps les éléments d’une phase temporaire de prospérité pour le christianisme. Ce sera assez court peut-être, parce que le mal a pris sur plusieurs points un empire qui ne sera jamais totalement détruit […]. Mon cher ami, si Dieu vous accorde vie, nous reparlerons de tout cela dans deux ou trois ans, et nous verrons qui de vous ou de moi aura le plus modifié ses sentiments à l’école des faits. »2
Ses sermons, discours, entretiens, instructions synodales, lettres pastorales ont été réunis et publiés en 1887 en neuf volumes. Parmi cet immense ensemble rempli de chefs d’œuvre, nous livrons aujourd’hui deux perles qui n’en font qu’une : une méditation et une contemplation sur l’esprit chrétien pour établir le règne de Dieu selon les enseignements du Notre Père.
Abbé O. Rioult
1 Discours du cardinal Billot pour “Le centenaire de la naissance du cardinal Pie”, Bulletin Catholique du diocésain de Montauban Nos 40 et 40 des samedis 2 et 9 octobre 1915
2 Histoire du cardinal Pie, par Mgr Baunard, Livre III, Chapitre II : Condamnation de la politique sacrilège – 1860.
“Le chrétien au combat” • 104 pages • format 12×18 cm • 8 € + port 3 €
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Olivier RIOULT – Ermitage Saint Agobard
64130 Charritte -de-bas
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