Suite et fin du long entretien que le cardinal Caffarra a accordé au quotidien italien Il Foglio au sujet des dubia qu’il a signés avec trois autres cardinaux et envoyés au pape et les erreurs d’Amoris laetitia.
Après avoir explicité les raisons de cet envoi dans une première partie, dans un deuxième temps, il a commenté la confusion et le désarroi qu’il perçoit chez les prêtres à cause des ambiguïtés de l’Exhortation bergoglienne, sources de multiples interprétations. Dans une troisième partie le cardinal Caffarra a développé la conception moderne du pardon de Dieu qui inspire le subjectivisme contenu dans Amoris Laetitia. Il redéfinit, dans cette dernière partie, le rôle de la conscience dans l’agir humain et la conception moderne erronée de la conscience, que l’on retrouve dans l’Exhortation, qui « érige » la subjectivité « comme le tribunal sans appel de la bonté ou de la malice de nos propres choix », qui proclame abusivement et arbitrairement « le droit d’en faire à son gré ».
« Commençons par clarifier le langage, explique le cardinal Caffarra. La conscience ne décide pas, parce qu’elle est un acte de la raison : la décision est un acte de la liberté, de la volonté. La conscience est un jugement dans lequel le sujet de la proposition qui l’exprime est le choix que je vais accomplir ou que j’ai déjà accompli, et l’objet est la qualification morale du choix. C’est donc un jugement, non une décision. Naturellement, chaque jugement raisonnable s’exerce surtout à la lumière de critères, autrement ce n’est pas un jugement, mais quelque chose d’autre. Le critère est donc essentiel pour affirmer ce que j’affirme ou nier ce que je nie. Un passage du Traité sur la conscience morale du bienheureux Rosmini est sur ce point très éclairant : « Il y a une lumière qui est dans l’homme et il y a une lumière qui est l’homme. La lumière qui est dans l’homme est la loi de Vérité et de grâce. La lumière qui est l’homme est la droite raison, puisque l’homme devient lumière quand il participe à la lumière de Vérité au moyen de la conscience confirmée par cette lumière. » Maintenant, à cette conception de la conscience morale s’oppose la conception qui érige comme tribunal sans appel de la bonté et de la malice de nos propres choix notre propre subjectivité. Selon moi la confrontation décisive entre la vision de la vie propre à l’Église (parce que c’est celle de la Révélation divine) et la conception de la conscience propre à la modernité se situe là.
Le bienheureux Newman a perçu cela de manière très lucide. Dans sa fameuse Lettre au Duc de Norfolk il dit : « La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ. Elle est le prophète qui nous révèle la vérité, le roi qui nous impose ses ordres, le prêtre qui nous anathématise et nous bénit. Ces mots ne sont aujourd’hui que verbiage pour le monde de la philosophie. Il y a toujours eu une conspiration contre les droits de la conscience, tels que je les ai décrits. » Plus loin il ajoute « qu’au nom de la conscience on détruit la vraie conscience.» C’est pourquoi parmi les cinq dubia le numéro 5 est le plus important. Il y a un passage d’Amoris laetitia, au n° 303 , qui n’est pas clair ; il semble, je répète : il semble, admettre la possibilité qu’il puisse y avoir un jugement vrai de la conscience (pas invinciblement erroné, cela a toujours été admis par l’Église) en contradiction avec ce que l’Église enseigne comme faisant partie du dépôt de la divine Révélation. Il semble. Et donc nous avons soumis le doute au pape.
Newman dit que « si le pape parlait contre la conscience prise dans le vrai sens du mot, il commettrait un véritable suicide, il scierait la branche sur laquelle il est assis ». Ce sont des choses d’une gravité bouleversante. On ferait du jugement individuel le critère ultime de la vérité morale. Il ne faut jamais dire à quelqu’un : « Agit toujours selon ta conscience » sans ajouter toute de suite après : « Aime et cherche la vérité en ce qui concerne le bien ». Autrement, on lui mettrait entre les mains l’arme la plus destructrice de sa propre humanité. » (Traduction de Francesca de Villasmundo)
Francesca de Villasmundo
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