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Le cardinal Burke déclare que « La synodalité contredit la véritable identité de l’Église ».

 « La synodalité contre la véritable identité

de l’Église en tant que communion hiérarchique »

C’est un véritable réquisitoire contre le « synode bergoglien » – prononcé lors de la conférence internationale « La Babel synodale », organisée le 3 octobre 2023 par la Nuova Bussola Quotidiana à Rome, au Teatro Ghione – que le cardinal Burke a fait en déclarant : « La synodalité contredit la véritable identité de l’Église » !

Bien sûr nous ne pouvons que nous réjouir de voir un cardinal de la Sainte Eglise, même s’il est nonagénaire, s’en prendre frontalement à François dans sa volonté farouche de « déconstruire », tel un vulgaire militant wokiste, deux mille ans de Magistère ecclésial.

Certes nous sommes reconnaissants à ce Prince de l’Eglise, revêtu de la pourpre cardinalice, d’avoir envoyé, avec quatre de ses confrères dans l’épiscopat,  au pape régnant ses « dubia » sur un synode « démocratique » censé s’opposer à la hiérarchie du gouvernement de l’Eglise.

Cependant, il est dommage de relever que, pour contre-carrer les funestes projets de Bergoglio, le cardinal utilise un des textes les plus nocifs du concile Vatican II, à savoir Lumen Gentium de triste mémoire.

Comment dénoncer une « synodalité qui contredit la véritable identité de l’Eglise » tout en s’appuyant sur le principal texte qui en contient tous les éléments annonciateurs de destruction ?

Texte intégral de la conférence de Mgr Leo Burke

(https://www.cardinalburke.com/presentations/synodality-vs-true-identity)

Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette conférence, en particulier Riccardo Cascioli, et tous les collaborateurs de la Nuova Bussola Quotidiana de nous avoir donné l’occasion d’aborder aujourd’hui des sujets qui sont très importants pour nous tous, parce qu’ils touchent au Bien le plus fondamental de notre Sainte Mère commune, l’Église catholique, Corps mystique du Christ qui est l’unique Sauveur du monde. Je tiens à remercier tout particulièrement le père Gerald Murray et le professeur Stefano Fontana pour les considérations essentielles qu’ils nous ont présentées aujourd’hui. Ils ont exposé de manière très convaincante, démasqué devrais-je dire, les erreurs philosophiques, canoniques et théologiques qui sont aujourd’hui largement répandues concernant le Synode des évêques et sa prochaine session intitulée « Pour une Église synodale : communion – participation – mission ».

Je vous recommande immédiatement la lecture du livre de Julio Loredo et José Antonio Ureta, Processus synodal : une boîte de Pandore. 100 questions et 100 réponses (Associazione Tradizione Famiglia Proprietà, Rome, 2023), disponible en italien et dans de nombreuses autres langues. L’étude sereine et profonde qui sous-tend ce livre est une aide inestimable pour répondre à la confusion omniprésente qui entoure la session du Synode des évêques qui commencera demain (aujourd’hui 4 octobre 2023, ndlr).

Le professeur Fontana a déclaré que : « La nouvelle synodalité, considérée dans ses propres catégories de temps, de pratique et de procédure, est le moment final d’un long voyage qui a traversé toute la modernité ». En attirant notre attention sur les sources philosophiques de la soi-disant synodalité, il démasque sa mondanité. C’est pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ, qui seul est notre Sauveur, n’est pas à la racine et au centre de la synodalité. C’est pourquoi la nature divine de l’Église dans sa fondation et dans sa vie organique et durable est négligée et, en fait, oubliée.

L’Esprit Saint est très souvent invoqué dans la perspective du synode. Tout le processus synodal est présenté comme une œuvre de l’Esprit Saint qui guidera tous les membres du synode, mais il n’y a pas un seul mot sur l’obéissance due aux inspirations de l’Esprit Saint, qui sont toujours cohérentes avec la vérité de la doctrine pérenne et la bonté de la discipline pérenne qu’Il a inspirée au cours des âges. Il est malheureusement très clair que l’invocation de l’Esprit Saint par certains vise à promouvoir un agenda plus politique et humain qu’ecclésial et divin. L’agenda de l’Église est unique, à savoir la poursuite du Bien commun de l’Église, c’est-à-dire le salut des âmes, le salus animarum qui « in Ecclesia suprema semper lex esse debet »[1].

Le Synode sur la « synodalité » poursuit certaines perspectives répandues dans l’Église d’aujourd’hui et également mises en évidence par la récente réforme de la Curie romaine décrite par la Constitution apostolique Praedicate Evangelium. Il insiste principalement sur l’indication de la nature missionnaire et de la synodalité de l’Église comme les « attributs », les « traits essentiels »[2] de la vie ecclésiale et semble dériver la structure de la Curie romaine de cette approche. Mais, comme nous le professons dans le Symbole de la foi et comme l’a enseigné le Concile œcuménique Vatican II dans la Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium, la Sainte Mère l’Église est, dans ses attributs, dans ses traits essentiels, « une, sainte, catholique et apostolique »[3].

La confusion sur la théologie, la morale et même la philosophie élémentaire dans laquelle nous vivons est alimentée par un grand manque de clarté dans le vocabulaire utilisé, et c’est probablement intentionnel de la part de certains. On assiste à un glissement sémantique de certains mots ou expressions, qui rend incompréhensible l’enseignement de l’Église sur certains points. Je pourrais citer l’expression « miséricorde de Dieu », par exemple. Mais parfois, de nouveaux mots sont introduits ou exagérés sans définition claire, comme dans le cas du mot synodalité. Dans ce cas, avec la confusion sur les caractéristiques essentielles de l’Église, on risque de perdre l’identité de l’Église, notre identité en tant que membres du Corps mystique du Christ, en tant que sarments de la « vraie vigne » qu’est le Christ et dont le Père éternel « est l’agriculteur »[4].

Dès lors que ces concepts deviennent centraux et ne sont pas clairement définis, la porte est ouverte à quiconque veut les interpréter d’une manière qui rompt avec l’enseignement constant de l’Église sur ces questions. En fait, l’histoire de l’Église nous enseigne que la résolution des crises les plus graves, comme la crise arienne, commence toujours par une grande précision dans le vocabulaire et les concepts utilisés.

Revenons aux traits essentiels de l’Église proposés dans le Praedicate Evangelium pour mieux comprendre la direction prise par le Synode : missionnaire et synodalité. Il s’agit de deux attributs en quelque sorte connus, mais leur élévation au rang de traits essentiels de l’Église et, par conséquent, de critères fondamentaux pour la restructuration de la Curie romaine – et maintenant, avec ce Synode, de toute l’Église universelle – donne lieu à des ambiguïtés et à des malentendus qu’il convient de reconnaître et de dissiper.

Il est juste de dire que toute l’Église est missionnaire. Tous les fidèles sont appelés, selon leur vocation et leurs dons personnels, à témoigner du Christ dans le monde. Mais pour témoigner du Christ, les fidèles ont besoin de le rencontrer vivant dans l’Église à travers la Sainte Tradition, qui est doctrinale, liturgique et disciplinaire. Ils ont besoin de bons Pasteurs – le Pontife romain et les évêques en communion avec lui, ainsi que les prêtres, principaux collaborateurs des évêques – qui les guident vers le Christ et leur garantissent la vie dans le Christ, en particulier l’enseignement de la saine doctrine et des bonnes mœurs et, d’une manière plus parfaite et plus complète, la sainte Liturgie en tant que culte de Dieu « en esprit et en vérité »[5]. En effet, c’est l’enseignement de la vérité et le culte divin « en esprit et en vérité » qui font croître la vie dans le Christ de chaque croyant et de toute l’Église. Comme nous l’enseigne saint Paul, dans l’Église nous ne sommes plus « des enfants au gré des flots, emportés à tout vent de doctrine, trompés par les hommes avec cette ruse qui les entraîne dans l’erreur », mais « agissant selon la vérité dans la charité, nous cherchons à croître en toutes choses pour tendre vers celui qui est la tête, le Christ »[6].

Selon l’enseignement constant de l’Église, le Christ a institué la fonction pétrinienne pour que tous les évêques et donc tous les fidèles soient unis dans la foi[7]. Le Concile Vatican II, dans sa Constitution dogmatique sur l’Église, a déclaré : « Pour que le même épiscopat soit un et indivis, [Jésus-Christ] a placé le bienheureux Pierre avant les autres apôtres et a établi en lui le principe et le fondement perpétuel et visible de l’unité de la foi et de la communion »[8]. C’est ainsi que le Concile définit la fonction pétrinienne : « Le Pontife romain, en tant que successeur de Pierre, est le principe et le fondement perpétuel et visible de l’unité tant des évêques que de la multitude des fidèles »[9].

La Curie romaine est l’instrument principal du Pontife romain dans son service irremplaçable à l’Église universelle. Selon les mots des Pères du Concile : « Dans l’exercice de son pouvoir suprême, plein et immédiat sur toute l’Église, le Pontife romain se sert des dicastères de la Curie romaine, qui exercent donc leur office en son nom et sous son autorité, au bénéfice des Églises et au service des pasteurs sacrés »[10]. Le successeur de saint Pierre, par l’intermédiaire de la Curie romaine, aide les évêques à accomplir leur service fondamental, que le Concile décrit en ces termes : « Tous les évêques, en effet, doivent promouvoir et défendre l’unité de la foi et la discipline commune de toute l’Église, instruire les fidèles dans l’amour de tout le corps mystique du Christ, en particulier des pauvres, des membres souffrants et de ceux qui sont persécutés pour la justice (cf. Mt 5, 10) et, enfin, de promouvoir toute activité commune à l’ensemble de l’Église, notamment en veillant à ce que la foi grandisse et que la lumière de la pleine vérité jaillisse pour tous les hommes »[11].

La nature missionnaire de l’Église est le fruit de cette unité de doctrine, de liturgie et de discipline, elle est le fruit du Christ vivant dans l’Église, dans les membres de son Corps mystique dont il est la Tête. C’est le Christ seul qui est proclamé et prêché à toutes les nations pour que beaucoup soient baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Telle est la mission de l’Église qui lui a été confiée par le Seigneur :

« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde »[12].

La mission du Christ est antérieure à toute activité missionnaire, au trait missionnaire. En effet, l’activité missionnaire n’est qu’une manifestation de la présence vivante du Christ dans l’Église pour faire « des disciples de tous les peuples », Christ qui reste toujours vivant dans l’Église « jusqu’à la fin du monde ».

La synodalité, en tant que terme abstrait, est un néologisme dans la doctrine de l’Église. Il est bien connu que le Concile Vatican II a voulu éviter les termes abstraits de conciliarité et de collégialité, qui ne se trouvent pas dans les textes conciliaires. On peut supposer que le Concile lui-même aurait voulu éviter un terme abstrait comme celui de synodalité, s’il l’avait connu.

La tradition canonique connaît l’institution du Synode comme un instrument pour conseiller les pasteurs sacrés ; elle ne décrit pas l’Église comme synodale mais, au contraire, comme une communion hiérarchique[13]. Ce sont les pasteurs en communion, sauvegardés et promus par l’Office pétrinien, c’est-à-dire la hiérarchie, qui sont responsables de l’orientation doctrinale, liturgique et morale de l’Église. Le Synode est une aide offerte aux pasteurs pour qu’ils puissent accomplir leur service. Il ne peut en aucun cas remplacer la charge pastorale voulue et instituée par le Christ lui-même.

Le Synode des évêques se décrit comme « une assemblée d’évêques qui (…) se réunissent à des moments déterminés pour favoriser une étroite union entre le Pontife Romain et les évêques, et pour prêter assistance par leurs conseils au Pontife Romain lui-même dans la sauvegarde et l’accroissement de la foi et des mœurs, dans l’observation et la consolidation de la discipline ecclésiastique, et aussi pour étudier les problèmes concernant l’activité de l’Église dans le monde ». Le père Murray nous a rappelé la nature du Synode des évêques, selon le canon 342 du Code de droit canonique.

Je voudrais seulement ajouter que, dans la même veine, le Synode diocésain se décrit comme « l’assemblée des prêtres et des autres fidèles de l’Église particulière, choisis pour assister l’évêque diocésain pour le bien de toute la communauté diocésaine (…) »[15].

Le synode, en tant qu’institut canonique, se réfère à un mode solennel des diverses manières dont tous les fidèles, par leur vocation et leurs dons, aident leurs pasteurs sacrés à remplir leurs responsabilités de vrais maîtres de la foi. Le canon 212 du Code de droit canonique, dont la source originelle est l’enseignement dominical sur la correction fraternelle[16], fournit les normes qui régissent les rapports entre les pasteurs sacrés et les fidèles dans la communion hiérarchique de l’Église. Parmi ces modalités, l’institution du synode est extraordinaire, exigeant une préparation longue et adéquate et une célébration bien disciplinée pour éviter les malentendus qui peuvent facilement, surtout dans une culture totalement sécularisée et mondaine, rendre le processus synodal préjudiciable à l’Église.

Je voudrais maintenant partager avec vous quelques réflexions que j’ai exposées à d’autres vénérables frères du Collège des Cardinaux lors de la réunion des Cardinaux il y a un peu plus d’un an. Elles concernent plus directement la structure de la Curie romaine, mais sont très étroitement liées à notre sujet.

La mission et la synodalité en tant que qualités, et non pas « attributs » ou « traits essentiels », de la vie ecclésiale ne changent pas la nature de l’Office pétrinien ni le service fourni par la Curie romaine au Successeur de Pierre en tant que « principe et (fondement) perpétuel et visible de l’unité de la foi et de la communion ». En effet, ils présupposent l’Office pétrinien assisté par la Curie romaine. À la lumière de ce qui précède, quelques observations s’imposent.

Premièrement. La Constitution apostolique Praedicate Evangelium insiste sur le fait que la Curie romaine « est au service du Pape, successeur de Pierre, et des évêques, successeurs des Apôtres »[17]. Mais le service de la Curie romaine est au service du successeur de Pierre. En servant le Pontife romain, la Curie romaine sert également les évêques dans leur relation avec le Pape. Il n’est pas réaliste d’exiger que la Curie romaine serve tous les évêques. En fait, ils ont leur propre Curie pour les aider à remplir leurs responsabilités de vrais pasteurs. En cela, le service distinct du Successeur de Pierre doit rester clair.

En même temps, définir la Curie romaine au service des évêques individuels risquerait de véhiculer une vision mondaine de l’Église dans laquelle les Églises particulières seraient des branches ou des filiales de l’Église de Rome, toutes servies par la même Curie romaine. Ce serait une distorsion de la relation du Successeur de Pierre avec les évêques.

Deuxièmement. Le terme dicastère, en tant que terme générique séculier, tiré du droit romain, pour les divers offices de nature différente dans la Curie romaine, n’exprime pas suffisamment l’aspect de communion hiérarchique impliqué dans le traitement des questions doctrinales, liturgiques, éducatives, missionnaires, etc. et n’exprime pas la différence réelle non pas de dignité (tous les dicastères sont juridiquement égaux), mais de sujet et de compétence.

Troisièmement. Il semble opportun de redonner à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous une forme ou sous une autre, au moins dans la prochaine phase de mise en oeuvre de la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, la première place parmi toutes les Congrégations de la Curie romaine, en vertu de sa tâche qui consiste à « assister le Pontife romain et les évêques dans l’annonce de l’Evangile dans le monde entier, en promouvant et en sauvegardant l’intégrité de la doctrine catholique en matière de foi et de morale, en puisant dans le dépôt de la foi et en recherchant aussi une compréhension toujours plus profonde des questions nouvelles »[18].

Quatrièmement. Il serait important, dans la liste des qualités requises des Officiers et des Consulteurs, de mettre au premier plan la saine doctrine et la cohérence avec la saine discipline de l’Église[19].

Il ne me semble pas nécessaire d’entrer dans les détails pour comprendre que le Synode qui s’ouvrira demain (aujourd’hui, ndlr) n’est rien d’autre que le prolongement direct de ce qui a déjà été signalé par la Constitution apostolique Predicate Evangelium. Il est donc pour le moins singulier de dire que l’on ne sait pas dans quelle direction ira le Synode, alors qu’il est si clair que la volonté est de changer profondément la constitution hiérarchique de l’Église. Un processus similaire a été utilisé dans l’Église d’Allemagne pour atteindre le même but néfaste.

On dit souvent que l’insistance sur la synodalité de l’Église n’est rien d’autre que la récupération d’une caractéristique ecclésiale toujours observée par l’Église orientale. J’ai des contacts réguliers avec des évêques et des prêtres orientaux, tant catholiques qu’orthodoxes : tous m’ont dit que la manière dont le Synode est organisé n’a rien à voir avec les synodes orientaux. Cela vaut non seulement pour la place des laïcs dans ces assemblées, mais aussi plus généralement pour leur fonctionnement et même pour les questions qu’elles abordent. La confusion règne autour du terme de synodalité, que l’on tente artificiellement de rattacher à une pratique orientale, mais qui présente en réalité toutes les caractéristiques d’une invention récente, notamment en ce qui concerne les laïcs.

Un tel changement dans la compréhension que l’Église a d’elle-même a pour autre conséquence un affaiblissement de l’enseignement moral et de la discipline dans l’Église. Je ne m’attarderai pas sur ces points, qui sont dramatiquement connus de tous : la théologie morale a perdu tous ses repères. Il est urgent de considérer l’acte moral dans sa globalité, et pas seulement dans son aspect subjectif. Le 30e anniversaire de la publication de Veritatis Splendor peut nous y aider. Je salue et encourage les initiatives que j’ai vues sur cette question. Les commandements du Décalogue sont valables et resteront valables comme ils l’ont toujours été à toutes les époques, simplement parce qu’ils sont inhérents à la nature humaine.

Compte tenu de tout ce que j’ai observé et que nous explorons dans notre Conférence d’aujourd’hui (hier 3 octobre, ndlr), j’ai, avec quatre autres cardinaux, Leurs Éminences le Card. Walter Brandmüller, le Card. Juan Sandoval Íñiguez, le Card. Robert Sarah et le Card. Joseph Zen, chacun provenant d’un continent différent, j’ai présenté au Souverain Pontife, au cours de l’été, des dubia pour clarifier un certain nombre de points fondamentaux appartenant au dépôt de la Foi qui sont remis en question aujourd’hui, en particulier dans la suite de ce que l’on appelle la synodalité. De nombreux frères de l’épiscopat et du Collège des cardinaux soutiennent cette initiative, même s’ils ne figurent pas sur la liste officielle des signataires.

Aujourd’hui est paru dans Il Giornale un article du vaticaniste Fabio Marchese Ragona sur les dubia soumis au pape François. À la fin de l’article, il cite les commentaires sur les dubia de « deux pères synodaux » qu’il a interviewés. Je cite le commentaire :

« Nous sommes vraiment désolés, les temps de l’Église ne sont pas ceux de ces frères ! Ils ne peuvent pas dicter l’ordre du jour au Pape, en causant des blessures et en sapant l’unité de l’Église. Mais nous y sommes habitués : ils ne veulent que frapper François »[20].

Ces commentaires révèlent l’état de confusion, d’erreur et de division qui imprègne la session du Synode des évêques qui débutera demain (aujourd’hui, ndlr). Les cinq dubia traitent exclusivement de la doctrine et de la discipline pérennes de l’Église, et non de l’agenda du Pape. Ils ne traitent pas des « temps » passés. Le langage utilisé est très révélateur de la mondanité de la vision. Ensuite, ils ne traitent pas de la personne du Saint-Père. En effet, par leur nature même, ils sont l’expression de la vénération due à la fonction pétrinienne et au successeur de saint Pierre.

Ces commentaires semblent refléter une erreur fondamentale récemment exprimée par le nouveau Préfet (Cardinal Víctor Manuel Fernández, ed.) du Dicastère pour la Doctrine de la Foi dans une interview qu’il a donnée à Edward Pentin du National Catholic Register. Au cours de cette interview, il a déclaré qu’en plus du dépôt de la foi, le Pontife romain possède un « don vivant et actif » qui se traduit par ce qu’il appelle « la doctrine du Saint-Père »[21]. Il accuse d’ailleurs d’hérésie et de schisme ceux qui critiquent cette « doctrine du Saint-Père »[22].

Mais l’Église n’a jamais enseigné que le Pontife romain avait le don spécial de constituer sa propre doctrine. Le Saint-Père est le premier enseignant du dépôt de la foi qui est en soi toujours vivant et dynamique. C’est ce qu’enseigne la Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei verbum, du Concile œcuménique Vatican II :

« La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un seul dépôt sacré de la parole de Dieu confiée à l’Église. En y adhérant, le peuple saint tout entier, uni à ses pasteurs, persévère constamment dans l’enseignement des Apôtres et dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières (cf. Ac 2, 42 gr.), de sorte que, dans l’adhésion, la pratique et la profession de la foi transmise, une singulière unité d’esprit se crée entre les évêques et les fidèles »[23].

Il faut réfléchir à la gravité de la situation ecclésiale lorsque le Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi accuse d’hérésie et de schisme ceux qui demandent au Saint Père d’exercer l’office pétrinien pour sauvegarder et promouvoir le depositum fidei.

On nous dit que l’Église que nous professons – en communion avec nos ancêtres dans la foi depuis le temps des Apôtres – comme étant une, sainte, catholique et apostolique, doit maintenant être définie par la synodalité, un terme qui n’a pas d’histoire dans la doctrine de l’Église et pour lequel il n’y a pas de définition raisonnable. Il s’agit manifestement d’une construction artificielle, qui ressemble davantage à une construction humaine qu’à l’Église bâtie sur le roc qu’est le Christ (cf. 1 Cor 10, 4). L’Instrumentum laboris de la prochaine session du Synode des évêques contient certainement des déclarations qui s’écartent de manière frappante et grave de l’enseignement pérenne de l’Église. Tout d’abord, nous devons réaffirmer publiquement notre foi. En cela, les évêques ont le devoir de confirmer leurs frères. Les évêques et les cardinaux d’aujourd’hui ont besoin de beaucoup de courage pour affronter les graves erreurs qui viennent de l’intérieur même de l’Église. Les brebis dépendent du courage des bergers qui doivent les protéger du poison de la confusion, de l’erreur et de la division.

Mais je voudrais conclure en vous exhortant à prier pour implorer l’aide du Ciel contre toutes les puissances, humaines et préternaturelles, qui rêvent de la destruction de l’Église. Non praevalebunt ![24] Nous savons que le bien est toujours apprécié aux yeux de Dieu et qu’il sera justement récompensé, tout comme le mal sera puni. De nombreux jeunes en sont conscients et cherchent à vivre, avec le soutien des Sacrements, une vie authentique de Foi, d’Espérance et de Charité, c’est-à-dire une vie toujours plus pleinement dans le Christ avec un cœur toujours plus donné, avec le Cœur Immaculé de Marie, à son Cœur Très Sacré. C’est clairement le véritable avenir de l’Église, le seul qui portera vraiment du fruit (cf. Mt 7, 15-17).

Aujourd’hui, les bons chrétiens doivent être prêts à souffrir le martyre blanc de l’incompréhension, du rejet et de la persécution, et parfois le martyre rouge de l’effusion de sang, pour être des témoins fidèles du Christ et ses « collaborateurs de la vérité »[25]. Bien que la confusion actuelle soit particulièrement grande, voire historiquement significative pour ne pas dire sans précédent, nous ne pouvons pas croire que la situation soit irréversible. Comme je viens de le dire, les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église. Le Seigneur a promis de rester avec nous dans l’Église « jusqu’à la fin du monde »[26]. Il ne ment pas. Il est toujours fidèle à ses promesses. Nous pouvons toujours faire confiance au Seigneur vivant pour nous dans l’Église. Et il est certain que nous ne devons jamais abandonner le Seigneur, mais rester avec Lui dans l’Église qui est son Corps mystique. Nous devons toujours rester des sarments solidement insérés dans la vigne qu’est le Seigneur. Cependant, nous sommes obligés de constater que beaucoup d’âmes prennent le chemin de la perdition à cause de cette confusion, c’est pourquoi nous devons beaucoup prier et agir pour la dissiper le plus tôt possible.

Nous invoquons la Bienheureuse Vierge Marie, en particulier dans son Coeur Immaculé, Saint Joseph Protecteur de la Sainte Eglise, les Saints Apôtres Pierre et Paul, et tous les Saints, afin que chacun de nous reste fidèle au Christ et à Son Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, la Sainte Eglise Romaine ; et que l’Eglise elle-même, sans tache ni ride, sorte le plus tôt possible de son état actuel de confusion et de division pour abréger ces temps où le risque de perdition des âmes est grand. Salus animarum « in Ecclesia suprema semper lex esse debet ».

Je vous remercie de votre attention. Que Dieu vous bénisse toujours, vous et vos foyers, et que la Vierge Mère de Dieu, saint Joseph, les saints Pierre et Paul et tous les saints guident et protègent votre chemin.

Raymond Leo Cardinal BURKE, Rome le 3 octobre 2023

[1] Can. 1752.

[2] Catéchisme de l’Église catholique, n° 811.

[3] « (…) unam, sanctam, catholicam et apostolicam ». Sacrosanctum Concilium Oecumenicum Vaticanum II, Constitutio Dogmatica Lumen gentium de Ecclesia, 21 Novembris 1964, Acta Apostolicae Sedis 57 (1965) 11, no. 8. [LG].

[4] Jn 15, 1.

[5] Jn 4, 24.

[6] Ep 4, 14-15.

[7] Cf. Mt 16, 18-19 ; Lc 22, 31-32 ; Jn 21, 15-19.

[8] « Ut vero Episcopatus ipse unus et indivisus esset, beatum Petrum ceteris Apostolis praeposuit in ipsoque instituit perpetuum ac visibile unitatis fidei et communionis principium et fundamentum ». LG 22, n. 18b.

[9] « Romanus Pontifex, ut successor Petri, est unitatis, tum Episcoporum tum fidelium multitudinis, perpetuum ac visibile principium et fundamentum ». LG, 27, n° 23a.

[10] « Dans l’exercice du pouvoir suprême, plein et immédiat sur toute l’Église, le Pontife romain utilise les départements de la Curie romaine, qui remplissent donc, en son nom et par son autorité, leur rôle pour le bien des Églises. et au service des Sacrés Bergers. » Saint Concile œcuménique Vatican II, Décret du Christ Seigneur sur le rôle pastoral des évêques dans l’Église, 28 octobre 1965, Acta Apostolicae Sedis 58 (1966) 676, n. 9a.

[11] « Car tous les évêques doivent promouvoir et protéger l’unité de la foi et la discipline commune de toute l’Église, en enseignant aux fidèles à aimer tout le Corps mystique du Christ, en particulier les membres des pauvres, ceux qui souffrent et ceux qui souffrent de persécution. dans un souci de justice (cf. Matthieu 5, 10), promouvoir enfin toute l’activité commune à toute l’Église, spécialement pour que la foi grandisse et que la lumière de la pleine vérité apparaisse pour tous les hommes. LG 27-28, n. 23b.

[12] Mt 28, 18-20.

[13] Cf. LG 25, n. 21b.

[14] « (…) est un groupe d’évêques qui (…) se réunissent à des heures fixes pour favoriser une union étroite entre le Pontife romain et les évêques, et pour fournir au même Pontife romain des conseils pour la sécurité et la croissance de la foi et de la morale, pour préserver et renforcer la discipline ecclésiastique, ainsi que pour évaluer les questions concernant l’action de l’Église dans le monde ». CIC-1983, can. 342

[15] « (…) un groupe de prêtres sélectionnés et d’autres fidèles d’une Église particulière, qui prêtent assistance à l’Évêque diocésain pour le bien de toute la communauté diocésaine (…) ». CIC-1983, can. 460

[16] Cf. Mt 18, 15-18.

[17] PE, p. 31, art. 1.

[18] PE, p. 75, art. 69.

[19] PE, p. 38-39, art. 14, § 3, de l’art. 16.

[20] Fabio Marchese Ragona, « Cinq « doutes » sur Sinodo di Francesco Dalla benedizione ai gay alle donnes sacerdote: i cardinali conservatori scuotono il Vaticano», Il Giornale, 3 octobre 2023, 17.

[21] « don vivant et actif (…) la doctrine du Saint-Père ». Edward Pentin, « Exclusif : l’archevêque Fernandez met en garde contre les évêques qui pensent pouvoir juger la « doctrine du Saint-Père » », National Catholic Register, 11 septembre 2023.

[22] Cf. ibid.

[23] « La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un seul dépôt sacré de la parole de Dieu confiée à l’Église, auquel adhère tout le peuple saint, uni à ses pasteurs, persévère dans l’enseignement des Apôtres et dans la communion, dans la fraction du pain et dans prières (cf. Actes 2, 42 gr.) de telle sorte que dans la foi traditionnelle tenue, exercée et professée, l’Antéchrist et la conspiration des fidèles deviennent singuliers. Saint Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique de la Parole de Dieu sur la révélation divine, 28 novembre 1965, Acta Apostolicae Sedis 58 (1966), 822, n. dix.

[24] Mt 16, 18.

[25] 3 Ga 8.

[26] Matthieu 28 :20.

Avec tout le respect que nous devons à Son Eminence, nous nous permettons de lui dire, ainsi qu’à ces quatre co-signataires des dubia , encore un petit effort chers Princes de l’Eglise et déclarez enfin, comme le courageux Mgr Lazo le 21 mai 1998 :

« Je suis pour la Rome éternelle, la Rome des saints Pierre et Paul. Je ne veux pas suivre la Rome maçonnique. Le Pape Léon XIII a condamné la Franc-maçonnerie dans son encyclique Humanum Genus en 1884.

Je n’accepte pas non plus la Rome moderniste. Le Pape saint Pie X a condamné le modernisme dans son encyclique Pascendi Dominici Gregis, en 1907.

Je ne sers pas la Rome contrôlée par les Francs-maçons qui sont les agents de Lucifer, le Prince des démons. Mais je soutiens la Rome qui conduit l’Eglise Catholique fidèlement afin d’accomplir la volonté de Jésus Christ la glorification du Dieu trois fois saint, Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.

Je m’estime heureux d’avoir reçu en cette crise de l’Église Catholique la grâce d’être revenu à l’Église qui adhère à la Tradition Catholique. Dieu merci, je dis de nouveau la messe latine traditionnelle – la Messe instituée par Jésus à la dernière Cène, la Messe de mon ordination. » (Profession solennelle de Foi de Mgr Salvador L. Lazo, Diocèse de San Fernando de La Union)

L’espoir nous tient lieu de petite lumière dans ce monde ecclésial enténébré depuis le concile Vatican II.

Espoir grâce à Mgr Lefebvre qui, le premier s’est levé et a osé.

Espoir depuis lors avec Mgr Viganò qui s’inscrit dans la lignée de l’esprit de restauration insufflé par le fondateur de la FSSPX.

Espoir enfin, car le diable porte pierres, lorsque nous voyons quelques signes avant-coureurs parmi les « Pères synodaux » dont certains s’indignent, timidement, mais publiquement, des hérésies que le pape régnant veut leur faire avaler de force tel un dictateur qui se cache sous les traits d’une fausse démocratie.

Christian LASSALE

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