Le 18 mars se déroulera le premier tour de l’élection présidentielle russe. Comme il est peu probable qu’un second tour ait lieu, on peut dire sans exagérer que la Russie élira son président dans deux semaines.
Rappelons quelques points constitutionnels : depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Président de la Fédération de Russie est élu pour un mandat renouvelable de six ans. L’article 81 de la Constitution russe dispose que tout candidat doit avoir au moins 35 ans et doit avoir résidé en Russie durant les dix dernières années. La loi dispose également que tout parti représenté à la Doume a un accès direct aux élections présidentielles. Pour ce qui est des candidats indépendants ou issus de partis non-parlementaires, ils doivent obtenir au moins 100 000 signatures citoyennes pour pouvoir postuler à la magistrature suprême après validation des parrainages par la commission électorale centrale.
C’est le 15 décembre 2017 que la date du 18 mars a été arrêtée par la Douma. Dans le cas peu probable ou aucun candidat n’aurait la majorité absolue, un second tour devra se dérouler le 8 avril. Le choix du 18 mars n’est pas anodin. Ce jour correspondra au quatrième anniversaire du rattachement de la Crimée à la Russie le 18 mars 2014. Une décision qui a fait grimer en flèche la cote de Poutine.
De fait, le président sortant est assuré d’une victoire. Si ses détracteurs russes ou étrangers crient au trucage électoral, il est indéniable que le président Poutine, au pouvoir depuis bientôt vingt ans, jouit d’une immense popularité chez l’ensemble de la population. Sa cote de popularité était de 86% le mois dernier, et les sondeurs les plus pessimistes le créditent d’un score de 70% aux élections. Pour la population russe, Poutine est l’homme qui mit fin au marasme économique, à l’instabilité politique et à la corruption d’état qui gangrénaient le pays durant les années Eltsine. Il est aussi celui qui a rendu à la Russie sa grandeur en tenant tête aux Occidentaux et en rattachant la Crimée à la Russie.
Cinq candidats se présentent néanmoins face à lui.
Il y a tout d’abord Pavel Groudinine : ingénieur agronome de profession, ce millionnaire de 57 ans (il a fait fortune dans le commerce de fruits et de produits laitiers) se présente sous l’étiquette du Parti Communiste de la Fédération de Russie. Élu à la Douma depuis 1997, il fut d’abord proche de Poutine, avant de s’en éloigner après 2004. Il arriverait en deuxième position avec… 7% des voix, très loin de l’homme fort du Kremlin. Certains observateurs affirment qu’il serait une marionnette du pouvoir afin de créer un semblant d’opposition. Quoi qu’il en soit, cette candidature a créé la surprise dans le pays et occasionné un intérêt nouveau pour le vieux Parti Communiste.
Tous les communistes ne se rallient pas à Groudinine, jugé trop « oligarchique ». Le parti « Communistes de Russie » (une scission du PCFR) a ainsi présenté son propre candidat : Maxim Suraykine, âgé de 39 ans, ancien cheminot devenu entrepreneur en vente de matériel informatique. Il est aussi critique envers le pouvoir qu’envers le candidat communiste Groudinine qu’il accuse d’être une marionnette du Kremlin. Son programme s’axe autour de la souveraineté économique, de l’aide sociale et de la réhabilitation du stalinisme…
Le nationalisme est représenté par Sergueï Babourine, 59 ans, avocat de profession. Son parti, l’Union Nationale Russe propose de rendre à la Russie sa grandeur et de lutter contre l’immigration provenant notamment de l’Asie Centrale. Babourine est un proche ami de Jean-Marie Le Pen et de l’homme d’état yougoslave Radovan Karadzic.
Boris Titov représentera quant à lui le courant libéral. Cet économiste et homme d’affaires de 57 ans a été désigné par le Parti de la Croissance pour être candidat. Son programme libéral et conservateur s’apparente un peu à nos Républicains.
Le parti social-écologiste Yabloko est le seul qu’on peut véritablement qualifier de gauche. Fondé dans les années 1990, Yabloko se veut une plateforme citoyenne dont le programme est europhile et d’inspiration social-libérale. C’est son fondateur et leader Gregory Yavlinsky qui portera encore les couleurs du parti.
Vient ensuite l’inénarrable Vladimir Jirinovski. Âgé de 71 ans, l’ancien avocat et leader du LDPR (un parti ultranationaliste au programme souvent loufoque) se présente pour la cinquième fois à une élection présidentielle. Ses saillies misogynes lui ont souvent valu la colère des électrices russes. Des insultes répétées contre la candidate Ksenia Sobtchak lui ont valu d’être aspergé d’eau par cette dernière lors d’un débat télévisé.
Ksenia Sobtchak est la dernière et la plus jeune candidate de cette élection. Fille du juriste Anatoly Sobtchak (qui fut maire de Saint-Pétersbourg et mentor de Poutine), elle est âgée de 36 ans. Elle a été une figure de la télévision russe avant de se lancer en politique. Son parti Initiative Civile se veut démocrate et libéral mais les observateurs pointent du doigt l’absence de réel programme politique. La devise du parti est en effet : « Contre tous »… La candidature Sobtchak est également soutenue par l’opposant sulfureux Alexei Navalny qui n’a pas eu les parrainages suffisants pour se présenter.
Il ne fait aucun doute que Poutine gagnera cette élection. Outre sa popularité, c’est la vacuité de ses opposants qui lui assure une large victoire. Entre un vieux Jirinovsky désireux de légaliser la polygamie, un millionnaire communiste qui se prétend prolétaire et une starlette de téléréalité qui manque cruellement de programme (et de culture), le choix du peuple russe semble fait.
Nicolas Kirkitadze
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