Entretien exclusif avec le Docteur Jean-Pierre Dickès, président de l’Association Catholique des Infirmières et Médecins (Acim), directeur d’émission à Radio Courtoisie et… fidèle rédacteur chez Médias-Presse.Info.
MPI : L’ACIM, l ‘Association Catholique des Infirmières et Médecins, est restée très discrète ces temps-ci, pourquoi ? Est-ce par mépris de la chose publique ?
JPD : Notre travail de base consiste à réfléchir sur les questions de bioéthique par les Cahiers Saint Raphaël, la seule publication en Europe faisant un tel travail. Cette dernière rassemble une mouvance de gens déterminés pouvant tout à fait être en dehors des professions médicales. Ces gens sont discrets mais marchent au canon. Beaucoup de ces personnes ont soutenu les manifestations organisées par Civitas comme par exemple contre la pièce de Castellucci. C’est avec plaisir que je les y retrouvais. Nous faisons bien sûr corps avec toutes les initiatives qui vont dans le sens de l’opposition à la culture de mort. Mais il n’y a pas de jour où je ne reçois des demandes de conseil sur le plan médical quand ceux-ci ont un rapport avec la bioéthique. Nous sommes bien sûr en rapport avec de nombreuses organisations et moyens de communication. Je cite simplement Radio Courtoisie où j’ai une émission toutes les quatre semaines ; mais aussi le quotidien Présent qui ne m’a jamais rien refusé et grâce auquel j’ai eu l’idée de faire le livre L’Ultime Transgression qui aborde sa troisième édition.
MPI – En tant que catholique, quelles sont vos initiatives sur le plan sociétal ?
JPD : Nous nous sentons très mal à l’aise dans le domaine de la politique. Nous avons toujours pensé qu’il appartenait aux évêques de mener le combat pour la défense des valeurs du christianisme. Leur rôle est d’être des pasteurs, des meneurs d’hommes. Mais je me souviens d’une tribune libre du Monde en 1960 dont l’auteur, j’imagine, levait les mains vers le ciel en disant : « Ah les évêques Français … ». Ralliés au laïcisme, ralliés au monde, ralliés au politiquement correct, conciliateurs de la chèvre et du chou : ils n’ont rien fait contre la loi Veil. On a l’impression que Rome a choisi toujours les plus neutres et mollassons dont un des soucis principaux était de s’opposer aux tenants de la Tradition et de faire des risettes aux pasteurs, imams et autres rabbins. Maintenant ils se réveillent car ils commencent à avoir chaud aux fesses : les anticléricaux genre femen viennent les harceler dans les églises. Ils sont une quarantaine désormais à demander aux catholiques de venir à la manif du 19 janvier contre l’avortement. Tant mieux ! On en verra peut-être défiler une paire cachés anonymement derrière leur col romain. Mieux que rien ! Ils devraient y être tous en soutane comme en Amérique. Pour cette date je demande à tous nos amis de se regrouper en fin de cortège pour prier.
MPI – Vous laissez supposer que vous ne serez pas à cette manif ?
JPD : Effectivement, bien malgré moi. Vous savez sans doute que nous avons une mission humanitaire permanente aux Philippines avec deux dispensaires. Mais nous avons un temps fort qui se nomme Rosa Mystica. Il s’agit de soigner les populations d‘une ville entière durant une semaine en prenant en charge l’ensemble des frais médicaux : médicaments, labo, radios, hospitalisations, suivi médical. Une concentration de volontaires vont soigner selon les années, les endroits et nos disponibilités financières, entre 3.000 et 6.000 personnes. Nous avons prévu depuis un an de partir en janvier en dehors de la mousson. Pourquoi ? Par exemple il y a trois ans nous étions à Manille ; or la moitié de la ville était inondée et nous avons vu moitié moins de patients que prévu. Nous étions partis cette année pour une mission peinarde là où nous étions l’an dernier dans l’île d’Iloilo. Survient le typhon Haiyan (appelé aux Philippines Yolanda). Et voilà 1 millions 900.000 sans abris, plus de 10.000 morts. Il faut partir là-bas pour rejoindre l’équipe de nos volontaires philippins qui, depuis le début, sont sur le terrain à Tacloban, une ville entièrement détruite sur la côte Est de l’île de Leyte. Comme d’habitude ce sera une cinquantaine de personnes venant d’une dizaine de pays avec en sus les Philippins venant s’agréger à nos équipes. Mon rôle est de décider de la France des grandes opérations à mener en fonction de l’argent que nous avons. C’est ma préoccupation principale.
(photo : Le Dr Dickès à l’œuvre aux Philippines)
MPI : Comment s’annonce cette mission ?
JPD : En positif, l’incroyable support que nous avons eu par un certain nombre de médias amis comme le quotidien Présent, Radio Courtoisie, Monde et Vie, Fideliter, la Porte Latine, Médias Presse infos, etc, et aussi de ceux qui soutiennent la mission depuis sept ans ainsi que des anciens volontaires. La trentaine de conférences que j’ai faites en France sur L’Ultime Transgression a permis à tout un public de me cibler. En négatif, la situation à Tacloban où tout est détruit. Pas d’électricité, une eau douteuse apportée par des canalisations improvisées par l’armée. Où trouver des vivres, du matériel de construction, des médicaments, où dormir ? Tout est problème. Il a beaucoup plu : moucherons, mouches, moustiques, acariens et rats prospèrent. Personnellement, ce qui m’affectera le plus c’est l’odeur des cadavres pourrissant sous les décombres.
MPI : Alors pendant votre absence quelles sont vos consignes à ceux qui vous suivent ?
JPD : Un peu d’historique pour justifier ma position. Je serai un peu long. Pour moi au début de l’année 2012, c’était plié : le mariage homo passerait comme une lettre à la poste. Or Civitas a lancé le premier le combat dès juin en disant explicitement que même si son mouvement était le seul -ce à quoi tout le monde s’attendait- il manifesterait pour l’honneur de Dieu. Escada fixe même la date d’une manifestation nationale le 18 novembre 2012. Or le cardinal Vingt-Trois déclarera au Figaro le 3 août qu’il ne fallait pas « laisser sa voix se faire couvrir par des groupes intégristes » mais sans faire d’appel à la mobilisation. Timide invitation se définissant essentiellement contre Civitas. C’est voulant prendre de vitesse cette organisation que Barjot lance la manif du 17 novembre 2012, histoire de couper l’herbe sous les pieds d’Escada. Plus tard Barjot ira jusqu’à désigner à la police les catholiques qu’il fallait arrêter. Ainsi une maman était venue en autobus organisé par un de nos amis d’une lointaine province. Elle a été raflée et séparée de ses quatre enfants pendant deux jours. Une véritable honte ! C’est un bonheur que Barjot ait été obligée de quitter la Manif pour tous en raison d’une succession d’erreurs stratégiques.
MPI : Tout était alors réglé ?
JPD : Pas du tout ! Certes les dirigeants actuels ont fait un exploit, celui de maintenir la pression durant toutes les vacances. En revanche le côté rose-bonbon et fleur-bleu à la sauce hip-hop festif a donné l’impression de vouloir ménager la chèvre et le choux. Ce qui n’a nullement impressionné Hollande lequel par Valls interposé a réprimé à coup de gaz lacrymogène, de matraques et d’arrestations ceux qui menaient cette guerre en dentelle. Or c’est par la force qu’en mai 58 et mai 68 ont été renversés les gouvernements ou, pour le moins, leur politique. Battus sur le terrain, il fallait mener la guérilla en la complétant par la coagulation avec d’autres manifestations. Je connais des « pigeons » et des « bonnets rouges » qui ne demandaient que cela.
MPI : Qu’en déduisez vous ?
JPD : Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quand les bonnes volontés ont annoncé « Jour de colère » pour le 26 janvier, il fallait s’y joindre et ne pas leur jeter dans les pattes comme en novembre 2012 une manif concurrente qui n’a pour effet que de diviser les forces. Penser aux provinciaux qui vont devoir se mobiliser et payer des déplacements à Paris trois fois à la suite en comptant la manif du 19 janvier contre l’avortement. L’UMP et le PS ont bien joué le coup, celui de la division pour régner. Cela n’a pas pu se faire sans complicités haut placées. En ce qui concerne l’avortement, en tant que catholique et suivant les consignes des trois derniers papes, « il n’est pas négociable » ; n’en déplaise à M. Philipot du Front National qui a perdu une occasion de se taire avec son fameux : « Il n’y a aucune restriction du droit à l’avortement dans le projet du Front National » et sa référence au gaullisme, ce qui n’a certainement pas dû plaire à Jean-Marie Le Pen qui a risqué sa peau pour défendre l’Algérie Française.
MPI : Alors pour le reste ?
JPD : Jour de Colère accepte toutes les organisations, invitées à venir avec leurs propres drapeaux et slogans. Mais il y en a un sur lequel tout le monde est d’accord : « Hollande Démission ! ». Cela tombe sous le sens si on veut faire bouger le gouvernement. C’est la position de Civitas, je la suis. Elle est la seule à pouvoir faire bouger les lignes. Quant à ceux qui n’ont pas encore mal aux mollets, ils peuvent toujours rejoindre ensuite la Manif pour tous. Je connais un certain nombre de policiers. Ils me disent que si toutes les forces des opposants à Hollande étaient rassemblées, l’ensemble de Paris serait bloqué. La police compte-tenu de ses effectifs serait alors incapable de faire face dans chaque rue, surtout s’il y avait des actions de guérilla. De son coté, l’Europe a condamné lourdement les excès policiers et le non-respect de lois visant les libertés les plus élémentaires comme celles de circuler ou de se rassembler. Comme ces transgressions à la loi se prolongeaient, elle a envoyé des enquêteurs. Tôt ou tard des gens comme Valls, Taubira, un certain nombre de préfets et de policiers vont un jour ou l’autre avoir à rendre des comptes à la justice. Hollande serait bien avisé de s’en souvenir.
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