En ce moment, c’est sur l’Euphrate que se déroulent les combats importants en Syrie.
Ce long fleuve, qui vient de Turquie et coule en Syrie depuis le nord vers l’est avant de rejoindre l’Irak, a toujours joué un rôle stratégique dans l’histoire de la région, à l’instar du Tigre, son jumeau, situé plus à l’est.
Comme il sépare le désert syrien en deux, de nombreuses villes se sont bien sûr développées le long de son cours.
C’est là que Daesh a réussi ses conquêtes les plus spectaculaires, notamment à Raqqa, devenue la capitale du « Califat ».
Mais une ville résiste héroïquement depuis plusieurs années aux assauts des djihadistes : il s’agit de Deir ez-Zor située au sud-est de Raqqa. L’armée syrienne y a une base aérienne et ses effectifs étaient donc suffisamment importants pour résister un certain temps. De plus les communautés chrétiennes et alaouites y sont conséquentes, et ont permis, par leur engagement, d’appuyer efficacement l’armée.
La situation devenait cependant critique : Daesh avait conquis les deux tiers de la ville et encerclait de façon hermétique le dernier tiers. Plus grave, une offensive islamiste l’hiver dernier avait coupé en deux les positions loyalistes, séparant la base aérienne des quartiers d’habitation.
Les observateurs (notamment ceux qui se sont toujours trompés depuis le début de la guerre) prédisaient une chute prochaine de Deir ez-Zor. Mais elle n’eut pas lieu, car, sachant le sort qui les attendaient, les milices constituées de volontaires de toutes confessions, n’ont plus cédé un pouce de terrain. Une mobilisation générale a été décidée et tous les jeunes gens de plus de quatorze ans ont rejoint les combattants.
Cependant le ravitaillement ne pouvait plus se faire que par air et l’aviation russe ainsi que l’armée syrienne étaient occupées autour des villes de l’ouest (Alep, Homs, Hama et la banlieue de Damas), plus stratégiques. L’inquiétude grandissait à Deir ez-Zor.
Une conjonction d’événements va changer la donne.
Tout d’abord, les Américains, dont la présence (non désirée) en Syrie s’étaient traduites par des résultats à peu près nuls, hormis quelques exécutions ciblées de djihadistes et la fourniture d’armes à d’autres djihadistes, ont décidé d’organiser la reprise de Raqqa.
Au grand dam de la Turquie, ils ont armé les Kurdes syriens et organisé l’attaque. Celle-ci traîne en longueur malgré le départ vers Deir ez-Zor de nombreux combattants de Daesh, mais nul doute que Raqqa tombera d’ici quelques semaines.
L’idée américaine était ensuite de poursuivre l’offensive le long de l’Euphrate vers Deir ez-Zor. C’était trop pour les Russes et les Syriens qui décidèrent ensemble d’organiser une offensive majeure à travers le désert pour reprendre Deir ez-Zor par l’ouest.
Ainsi, depuis fin juin, plusieurs milliers d’hommes, appuyés par des chars et de l’artillerie, progressent et reprennent à Daesh les villages, les uns après les autres. Notons au passage que cela permet de sécuriser définitivement Palmyre, la perle du désert, qui ne subira donc plus les destructions des islamistes. Les dégâts faits sont hélas irréparables mais de nombreux vestiges sont intacts comme l’admirable colonnade, symbole de la domination romaine sur la Syrie qui fut une période de paix et de prospérité.
Comme toujours, les pilonnages de l’aviation russe sont décisifs et permettent à l’armée syrienne de limiter ses pertes.
Aujourd’hui, les loyalistes sont aux portes de Deir ez-Zor et les premiers combats sont favorables. Le siège autour de l’aéroport a été brisé et les hauteurs qui dominent la ville reprises.
Mais le plus dur commence : reprendre la ville rue par rue, maison par maison.
Ce sera long et difficile, mais une chose est sûre : l’espoir a changé de camp
Antoine de Lacoste
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