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L’Arabie Saoudite, prototype de Daech

Le destin récent de l’Arabie Saoudite semble se résumer au pétrole. Ce dernier a fait de ce désert brûlé l’une des nations les plus riches du monde. Les occidentaux sont venus extraire l’or noir qui a fait des chefs tribaux des princes milliardaires et des saoudiens des rentiers. Au niveau politique, rien ne change. Les potentats au pouvoir n’ont qu’un seul but : durer à n’importe quel prix.

Les dirigeants saoudiens ont eu toutes les cartes en main pendant des décennies. Ils faisaient ce qu’ils voulaient, la population restait dans l’ignorance, sous le poids de traditions séculaires.

Le mariage consanguin, par exemple, reste très répandu. 35 % des mariages se font entre cousins, l’un des taux les plus élevés au monde, avec des pathologies en conséquence… La population s’ouvre, peu à peu, sur le monde, malgré le poids des interdits.

Les princes bédouins résistent à toute tentative d’ouverture démocratique. Mais ce jeu est dangereux, d’autant qu’ils luttent maintenant contre ce même terrorisme djihadiste qu’ils ont appuyé, financé, jusqu’aux années 90. Aujourd’hui, la cible des fanatiques n’est pas seulement l’occident, mais eux, les « mauvais » musulmans de Riyad. Le 26 décembre 2015, Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique a appelé à la révolte en Arabie Saoudite. De juin 2014 à novembre 2015, l’État islamique a tué 88 personnes au cours de plusieurs attentats sur le territoire saoudien.

Le chef Mohammed Ibn Saoud, qui a donné son nom au pays, est arrivé au pouvoir au 18e siècle, dans le Hedjaz. Il s’est associé avec un prédicateur religieux, Mohammed Ibn Abdelwahhab, pour fonder le wahhabisme, interprétation particulièrement inquiétante de l’Islam. Les décapitations publiques, au sabre, font encore partie du décor, les femmes saoudiennes, entravées de plein d’interdits absurdes comme l’interdiction de conduire ou de consulter les messages sur le téléphone portable du mari, ont un rôle secondaire…
Le pays n’est pas un modèle de démocratie, l’assistance d’un avocat n’est pas toujours garantie, et les aveux peuvent être obtenus par la torture. Les étrangers qui sont jugés ne bénéficient pas toujours de services de traduction et signent des aveux sans le savoir. Les gens qui réclament des réformes politiques ou judiciaires sont emprisonnés. L’esclavage, qui n’a officiellement été aboli qu’en 1968, perdure pour des milliers de domestiques qui subissent un traitement dégradant de la part des employeurs saoudiens. Ces mœurs barbares contribuent peu à la popularité de l’Arabie Saoudite dans les sociétés avancées.

L’Arabie Saoudite proprement dite a été créée en 1932 par le roi Abd-el-Aziz, connu sous le nom du « Lion du Nedjd ». Il dut sa victoire militaire à l’aide des Britanniques (Lawrence d’Arabie) qui l’aidèrent à vaincre les Ottomans déclinants, à conquérir La Mecque et Médine, et éliminer les hachémites, derniers vrais descendants du prophète Mahomet.

La découverte de pétrole, en 1938, attira, évidemment, les États-Unis comme un aimant. Le Pacte de Quincy échange, depuis, le pétrole saoudien contre le soutien discutable de Washington. Riyad a été, en retour, l’allié arabe de Washington face aux revendications des nationalistes arabes, soutenus par Moscou dans les années 1950-1960. Washington s’est toujours efforcé de couvrir son honteux allié arabe. En 2015, par exemple, les Nations-Unies ont été jusqu’à nommer le saoudien  Faïsal ben Hassan à la tête du Comité consultatif du conseil des droits de l’Homme ! Riyad a pu également, avec le soutien de Washington et d’autres obligés, empêcher une enquête internationale sur ses frappes aériennes au Yémen. Cela pourrait être risible s’il n’y avait pas eu 80 condamnations à mort dans le pays, la même année, et 500 enfants yéménites tués par les bombardements saoudiens, en violation complète des règles internationales…

Depuis la mort d’Abd-el-Aziz, en 1953, ses fils lui ont succédé. La dictature de ces potentats saoudiens s’est assise sur le soutien des oulémas musulmans. Une fatwa de 1927 interdit tout simplement de se révolter contre les princes au pouvoir.

En échange, l’Arabie (Washington fermant les yeux) a systématiquement appuyé le terrorisme islamique mondial, finançant ses éléments les plus extrémistes pour plaire aux théologiens wahhabites du royaume. L’augmentation des recettes du pétrole au début des années 1980 a , bizarrement, coïncidé avec l’essor mondial du salafisme dans le monde.

Mais la course à l’orthodoxie religieuse ne pouvait être gagnée par les princes millionnaires, vivant dans des dérèglements de toutes sortes sous la protection des Américains. Des groupes de fanatiques, comme celui d’Oussama Ben Laden, ont fini par se retourner contre Riyad. Lors des attaques terroristes du 11 septembre 2001, 15 des 19 pirates de l’air étaient Saoudiens. Selon le rapport, classifié, de la commission d’enquête parlementaire sur le 11 septembre, le consulat saoudien de Los Angeles, l’ambassade d’Arabie Saoudite de Washington ainsi que de riches Saoudiens installés à Sarasota en Floride sont directement impliqués dans les attentats du 11 septembre 2001. L’Arabie Saoudite a menacé de vendre des centaines de milliards de dollars de titres américains si le Congrès américain adoptait un projet de loi qui permettrait de rendre responsable le gouvernement du royaume devant les tribunaux américains. Les sénateurs américains ont approuvé, à l’unanimité, une loi autorisant les victimes du 11 septembre 2001 à poursuivre directement l’Arabie Saoudite. En juillet 2016, le Congrès des États-Unis a publié un document confirmant que certains des pirates de l’air du 11 septembre étaient indirectement en contact avec le gouvernement saoudien. Au moins deux des terroristes étaient des agents de renseignements saoudiens. Wikileaks a confirmé que les donateurs privés saoudiens demeuraient la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites.

Le 20 novembre 2015, dans le New York Times, le prix Goncourt du premier roman 2015, l’écrivain Kamel Daoud, visé par une fatwa, a dit que l’Arabie Saoudite n’était qu’un « Daech qui a réussi ». On pourrait affiner l’analyse en glissant que le royaume est un prototype de Daech, le modèle à dépasser pour tous les aspirants à la dictature islamiste.

Malgré les tentatives de censure du lobby pétrolier de Washington, soucieux de protéger son infréquentable fournisseur de pétrole, les millionnaires fanatiques saoudiens focalisent le rejet des opinions occidentales, rendant plus difficile le soutien inconditionnel de Washington. En avril 2016, le président américain Barack Obama a reconnu, dans le journal « The Atlantic », que l’Indonésie, Etat musulman tolérant, était devenu un pays extrémiste, à cause du financement par l’Arabie Saoudite des mouvements extrémistes et des écoles wahhabites… L’Arabie Saoudite finance des campagnes de communication et de relations de presse pour tenter d’améliorer son image calamiteuse dans les opinions occidentales.

Sur le plan intérieur, le roi Abdelaziz a apporté l’aisance financière à la population, qui a vécu des décennies de vie de rentiers irresponsables. Le pays s’est doté d’équipement moderne, mais les princes au pouvoir n’ont jamais voulu entendre parler de partage du pouvoir. Depuis la mort d’Adb al-Aziz, en 1953, Saoud, Fayçal, Khaled, Fahd, Abdallah et, depuis 2015, Salmane ben Abdelaziz ont régné avec l’aide de la Muttawa, la police religieuse, qui encadre étroitement internet, interdit la musique en public, le théâtre, filtre la télévision par satellite. Le port du voile intégral est obligatoire et les femmes subissent mille contraintes d’un autre temps.

Sur le plan économique, l’âge d’or est passé. La baisse des cours du baril d’or noir a mis le budget 2015 en déficit. Le pays puise maintenant dans ses réserves financières et les Saoudiens n’ont pas appris à économiser. Selon le FMI, à ce rythme, l’Arabie Saoudite pourrait être en faillite dès 2020. Le chômage touche déjà 30 % de la population. Des centaines de milliers de travailleurs étrangers ont été expulsés, mais il n’est pas acquis que les Saoudiens songent à les remplacer.

Le pays est gangrené, selon les termes de Pierre-Jean Luizard, historien et chercheur au CNRS, par la mouvance salafiste qui représente, aujourd’hui, un danger mortel pour le pouvoir des princes saoudiens. Le phénomène est d’autant plus perturbant que 75 % des Saoudiens est âgé de moins de 30 ans, donc particulièrement vulnérables à l’esprit insurrectionnel.
Les oulémas salafistes arabes ont soutenu tous les extrémistes musulmans, dont le groupe Ahrar el Sham et le front Al-Nosra en Syrie. Mais, à part quelques princes saoudiens frustrés parce qu’écartés du pouvoir, peu soutiennent directement l’État islamique, car ce dernier remet en question la « pureté islamique » de l’Arabie Saoudite.

En 2015, Mohammed ben Salmane Al Saoud, alors ministre de la Défense, a engagé l’Arabie Saoudite dans une aventureuse opération militaire au Yémen contre les rebelles houthis. L’obsession de Salmane, devenu roi, est toujours Téhéran, dont il veut limiter l’influence à ses frontières. La guerre au Yémen, un piège en fait, ( Voir http://williamkergroachfr.blogspot.fr/2017/07/un-nouvel-etat-islamique-est-en-train.html) est particulièrement dangereuse pour l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite, bien qu’étant, selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), le deuxième plus grand importateur d’armes au monde, se révèle une armée de piètre valeur, incapable de satisfaire l’impulsivité guerrière du jeune roi.
Le danger, pour la région, vient, en fait, du Pakistan : l’Arabie Saoudite, qui a financé la bombe atomique pakistanaise, pourrait, en cas de défaite militaire grave, réclamer quelques ogives, en remboursement…

William Kergroach

http://williamkergroach.blogspot.fr/2017/07/saudi-arabia-prototype-of-daech.html

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