La chute du mur de Berlin fêté partout comme une victoire marque en réalité le début de la domination de l’Allemagne sur l’Union Européenne et la perte de souveraineté de la France.
C’est dans la galerie des glaces de Versailles en 1871 que l’unification de l’Allemagne s’est faite, au lendemain de la terrible défaite française de Sedan contre les Prussiens. Depuis cette date la grande Allemagne n’a plus jamais cessé d’avoir des visées expansionnistes. Deux guerres mondiales ont fait des millions de morts et c’est pour cette raison qu’à la fin de la Seconde guerre mondiale l’Allemagne a été partagée en deux: afin qu’il n’y ait pas de troisième guerre mondiale pour les mêmes raisons. la France a renoncé à l’occupation d’une partie de Berlin des années avant la chute du mur de Berlin. Pourtant elle n’avait objectivement aucune raison de favoriser ou de se réjouir de la réunification de l’Allemagne, mais psychologiquement les cerveaux français et européens étaient préparés depuis longtemps à trouver que cela était le plus beau jour de l’histoire de l’Europe…
La politique économique et la division de la France en grandes régions, sans compter l’adoption de l’Euro dont le modèle était le Mark allemand, tout nous démontre chaque jour un peu plus que les Allemands nous imposent leur modèle et leurs diktats.
Ci-dessous un article analyse les relations actuelles Russie-Allemagne qui fait implicitement les mêmes constats: les russes se sentent trahis par l’Allemagne à qui ils ont offert témérairement l’unification. Vladimir Poutine lui-même s’est de toute évidence trompé en axant sa politique européenne sur l’amitié russo-allemande, même s’il n’est pas à l’origine du problème.
E.D.
« Les agissements de la Russie mettent en péril la paix en Europe », a déclaré Angela Merkel le 17 novembre dernier à Sidney. Son discours virulent à l’égard de Moscou n’a fait que confirmer ce qui semblait clair depuis déjà un moment : les relations russo-allemandes se sont sensiblement détériorées sous l’effet de la crise ukrainienne, et rien ne laisse augurer, pour l’heure, d’une prochaine amélioration. Le chercheur russe Maxim Sokolov analyse, dans son billet pour la revue Expert, pourquoi la Russie a perdu l’Allemagne.
Certes, voilà déjà un moment que la Russie entretient des relations peu cordiales avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, et la crise ukrainienne n’a fait que les détériorer davantage. Il n’y avait là, pour Moscou, rien d’étonnant. Les mauvaises surprises sont venues de là où on les attendait le moins, notamment de Berlin.
On se souvient que les relations de la Russie avec l’Allemagne et d’autres pays d’Europe continentale – exception faite de la Pologne et des pays Baltes – étaient plutôt bonnes, et Moscou était en droit d’espérer qu’ils occuperaient, dans le conflit ukrainien, une position de neutralité. Et ce, pour un certain nombre de raisons : les élites d’Europe continentale n’ont jamais réellement apprécié les expériences américaines sur « l’extension de la démocratie dans le monde », pas plus qu’elles n’approuvaient l’idée d’un nouvel élargissement possible de l’UE (car n’est-ce pas pour intégrer un jour l’UE que l’Ukraine a destitué son président ?). Enfin, l’importance de la Russie en tant que partenaire commercial n’a jamais été remise en question pour l’UE, et, en temps de crise économique, l’Europe n’aurait pas risqué de freiner ses échanges commerciaux avec elle… Du moins, c’est ce qu’on espérait à Moscou.
Ces espoirs étaient partiellement justifiés – un certain nombre de leaders européens ont réagi à la crise ukrainienne précisément comme Moscou le prévoyait : tout en adhérant à la rhétorique belliqueuse de Washington, ils ont mis très peu de zèle à l’appliquer en pratique. En revanche, Moscou s’est trompée dans ses calculs – et gravement – sur l’Allemagne. Berlin a pris dans le conflit ukrainien une position clairement pro-américaine, qui se rapproche même de celle de la Grande-Bretagne, alliée fidèle des États-Unis.
La force de la solidarité atlantiste manifestée par la chancelière Angela Merkel est tellement impressionnante qu’elle a même fait naître plusieurs hypothèses conspirationnistes. Certains ont supposé l’existence d’un pacte, selon lequel la candidature d’un chancelier allemand doit absolument être approuvée par Washington. D’autres se sont rappelés l’affaire de l’or allemand, que Berlin ne parvient toujours pas à récupérer à Fort Knox. On a aussi évoqué la possibilité que Washington possède – et menace de dévoiler – des informations compromettantes sur Merkel, datant de l’époque de la RDA…
On peut supposer ce que l’on voudra, mais force est de reconnaître que Merkel n’est pas la seule, en Allemagne, à s’opposer à Moscou : la chancelière est largement soutenue par les élites politiques de son pays. Certes, les marchands protestent, mais leur voix se fait de moins en moins audible dans la masse de ceux qui approuvent largement la position de Berlin. En Allemagne, on va déjà jusqu’à dire sur la Russie des choses qui, hier encore, auraient été tout bonnement inimaginables. Ainsi a-t-on entendu M. Jauch, animateur d’un talk-show sur ARD, la principale chaîne de télévision allemande, déclarer ceci : « Avec l’URSS, on pouvait au moins espérer que le problème de ses dirigeants se résoudrait un jour de façon purement biologique. Mais Poutine est relativement jeune, dynamique. Il tient encore en selle. Qu’en pensez-vous, combien de temps lui reste-t-il ? »
Malgré tout ce que l’on peut dire de la propagande télévisuelle russe, on imagine mal un Soloviev [célèbre journaliste russe de la télévision d’Etat, ndlr] en train de se demander publiquement dans combien de temps Mme Merkel va rendre l’âme… Mais il est tout aussi difficile d’imaginer que M. Jauch et tous les autres – députés, ministres et professeurs – lancent leurs diatribes à l’égard de la Russie sous une quelconque menace de dévoilement d’informations compromettantes les concernant. Il serait plus sensé de chercher au phénomène une explication non-conspirationniste.
On pourrait par exemple supposer que l’Allemagne vire vers l’atlantisme du fait de sa position dominante incontestable en Union européenne. L’hégémonie allemande est absolue depuis déjà plusieurs années, l’Allemagne dirigeant de main de maître toutes les provinces européennes – si vous avez des doutes là-dessus, demandez aux Grecs ce qu’ils en pensent.
L’élargissement de l’UE vers l’Ukraine aurait pu paraître insensé, s’il ne s’inscrivait pas aussi bien dans la logique de la nouvelle tentative de Drang nach Osten (Marche vers l’Est), que l’Allemagne a entreprise. Un vélo qui s’arrête en marche, tombe. Berlin ne pouvait pas admettre que le vélo de l’UE tombe, car avec lui, c’est son hégémonie toute entière qui pouvait s’écrouler. Dans le même temps, Vladimir Poutine n’avait pas non plus le choix. S’il n’avait pas bloqué le vélo occidental à ses frontières, où celui-ci serait-il allé par la suite ?
Si l’Allemagne avait adopté une position neutre quant à l’affront fait à la Russie en Ukraine, elle aurait reconnu par là que la suprématie politique de la Russie était égale à la sienne. Ce qui aurait inévitablement contraint Berlin à réviser sa Ostpolitik, purement expansionniste au cours des 25 dernières années. Et ce n’est pas un hasard si les Allemands commencent à s’inquiéter du sort de la Serbie, vers laquelle, de leur point de vue, la Russie tend déjà la main. [Lors de son discours à Sidney, Angela Merkel s’est inquiétée du fait que la crise ukrainienne puisse s’étendre à la Géorgie, la Moldavie, la Serbie et les autres pays balkaniques, ndlr]
Pour autant, l’arrière-garde de l’Allemagne n’est pas aussi solide et monolithique qu’il n’y paraît. Les eurosceptiques, représentés par un étrange amalgame entre extrême gauche et extrême droite, sont de plus en plus puissants, en Allemagne y compris. Dans cette situation, céder à la Russie sur la direction Est entraînerait la nécessité de mettre la main à la pâte en politique européenne intérieure. Ce que Berlin, manifestement, ne s’empresse pas de faire.
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