L'Âge d'or de la Perse : l'épopée des Savafides, par Yves Bomati
L’Âge d’or de la Perse : l’épopée des Safavides, par Yves Bomati

Yves Bomati, docteur ès lettres et sciences humaines, est spécialiste de l’histoire de l’Iran. Il a déjà publié chez Perrin plusieurs biographies de figures de l’Iran. Il vient de publier, toujours chez Perrin, L’Âge d’or de la Perse consacré à l’épopée des Safavides.

Comment comprendre l’Iran actuel – que les diplomates européens nommèrent la Perse jusqu’en 1935 – si l’on méconnaît l’histoire de la dynastie des Safavides, appelée aussi parfois dynastie des « Grands Sophis », lignée qui compta neuf shahs de plein exercice, et dont le plus glorieux fut sans conteste Shah Abbas Ier le Grand ? En effet, ayant régné de 1501 à 1722, elle fixa certains des fondamentaux politiques et religieux toujours dominants aujourd’hui.

Cette dynastie est qualifiée d’âge d’or pour l’Iran. Pour la première fois depuis des siècles, un pouvoir fort et centralisé se dessinait fermement et tentait de fédérer un pays composite, de stabiliser les frontières face aux forces étrangères, essentiellement ottomanes et ouzbèkes, de redéfinir juridiquement les rapports entre les pouvoirs internes, de s’ouvrir enfin au monde tout en imposant son identité. L’Iran affirmait son choix d’une monarchie absolue qui dominerait les clans et où le régalien et le religieux tenteraient un équilibre fragile, le chiisme étant devenu religion d’Etat en 1501.

Pourquoi l’Europe garde-t-elle toujours l’image d’une Perse mythique ? Cet ouvrage tente d’apporter quelques éléments de réponse. Dès le XVe siècle, les Iraniens montrèrent une volonté de se rapprocher des Occidentaux. Leur choix religieux du chiisme, minoritaire dans le monde musulman, les plaçait en situation de faiblesse par rapport à leurs voisins sunnites. Il fallut attendre le règne de Shah Abbas Ier pour que des ambassadeurs iraniens fussent envoyés en plus grand nombre auprès des cours européennes et du Pape. Visionnaire, le plus grand des shahs safavides avait compris tout le profit qu’il pourrait tirer de l’octroi d’avantages aux Occidentaux désireux de s’installer en Perse. Cependant, sur le terrain militaire, ses espoirs d’une alliance de revers contre l’empire ottoman furent déçus, les pays européens restant divisés sur la stratégie à adopter face au sultan de la Sublime Porte. Si les uns, inquiétés par leur plus grande proximité avec un empire ottoman belliqueux, poussaient à une alliance, d’autres (dont la France) jouaient double jeu et concluaient des pactes avec l’ennemi qui aurait dû être commun.

Le moment était pourtant privilégié : la Perse se hissait presque au niveau de ses grands rivaux, Ottomans et Moghols. Déjà, la route de la soie via l’Inde se constituait depuis la Chine, en même temps que s’affirmait le rôle stratégique du golfe Persique avec son verrou, le détroit d’Ormuz, atout considérable déjà fort envié. C’était la renaissance d’un empire autrefois appelé sassanide (226-652), éteint après l’assassinat de son dernier roi, Yazdgard III, lors de la conquête arabe et de l’islamisation du territoire iranien qui s’ensuivit. Mais cette renaissance n’allait pas durer.

Au début du XVIIIe siècle, le Shah Sultan Hosseyn ne prit pas la mesure du danger pressant que représentait Mahmud Khan, nouveau chef sunnite des Afghans ghilzaïs depuis 1717. Celui-ci voulait s’emparer d’Ispahan avec son armée de onze mille hommes équipés de simples épées face à une armée iranienne de quarante mille hommes qui avait tous les avantages. Le shah superstitieux avait préféré s’en remettre à ses astrologues plutôt qu’à ses généraux. La veille du jour choisi par les astrologues pour la bataille décisive, le crédule shah Sultan Hosseyn fit donner à ses soldats une « potion magique » qui aurait dû les rendre invisibles à leurs ennemis ! Le shah avait par ailleurs fait l’acquisition d’une arme nouvelle qui se révéla bien inutile : les zamburak, des canons légers montés sur des chameaux. L’armée impériale fut vaincue à l’intérieur de son propre territoire le 8 mars 1722. Ce ne fut ensuite qu’une succession de mauvais choix dont l’aboutissement fut la capitulation et l’abdication du shah Sultan Hosseyn le 22 octobre 1722. La dynastie des Safavides, vieille de plus de deux siècles, venait de s’écrouler comme un château de cartes, semblable à celle des Sassanides zoroastriens vaincue en 651 par les troupes arabes musulmanes.

L’Âge d’or de la Perse, Yves Bomati, éditions Perrin, 448 pages, 25 euros

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