La botte de l’occupant américain pèse de plus en plus lourdement sur l’Europe. La fumée de la révolution orange « spontanée » en Ukraine se dissipe. Entre autres choses, on aura noté que le fils de Joe Biden, actuel vice-président des USA, occupe depuis plusieurs mois un poste de dirigeant dans les consortiums gazo-pétroliers de l’Ukraine. De nombreux ressortissants américains viennent d’être nommés au gouvernement de l’Ukraine, réduite à l’état de quasi-annexion proconsulaire. Et cerise sur le gâteau, l’or ukrainien a disparu dans les poches de l’oncle Sam. 40 caisses d’or ont été embarquées dans un avion en direction des USA. Le pillage de l’Ukraine par les USA va donc bon train. Le reste de l’Union Européenne suit, asservi dans une politique démente de dépression économique causée par l’euro-austérité sans perspective de sortie de crise et par des sanctions auto-infligées, qui sont théoriquement dirigées contre la Russie mais qui ne font qu’aggraver le marasme déflationniste interne à l’Europe.
Par personnes interposées, l’OTAN mène en Ukraine de l’est, dans le Donbass, une guerre terrestre de basse ou moyenne intensité avec la Russie. Même si ni l’OTAN ni la Russie n’admet officiellement être impliquée, tout le monde a compris que, si le Donbass est bombardé quotidiennement et épuré ethniquement de ses habitants majoritairement russophones, c’est bien parce que les USA veulent la peau des Russes. Etouffer et écraser les Russes, voilà le programme.
Quel rapport avec la Turquie me direz-vous ?
On vient d’apprendre que la Russie et la Turquie se sont mises d’accord pour créer un oléoduc acheminant du gaz russe à travers la Turquie. De façon générale, le gaz russe est acheminé directement en Allemagne par un oléoduc marin à travers la mer Baltique. Une autre voie passe par l’Ukraine et elle est maintenant sous contrôle états-unien, avec tous les risques de chantage que cela implique tant pour les Russes que pour les Européens. Un autre projet d’oléoduc sud (dit South Stream) était prévu jusqu’à ces derniers jours à travers la mer Noire et devait traverser la Bulgarie. L’installation récente de l’aviation américaine en Bulgarie a sonné le glas de ce projet. Comme le dit Poutine, la Bulgarie est empêchée d’exercer pleinement sa souveraineté…
Le lien entre l’Ukraine et la Turquie, c’est donc que la guerre que l’OTAN mène en Ukraine a donc conduit la Russie à se tourner vers la Turquie, et réciproquement. C’est là que l’étonnement commence. La Turquie est membre de l’OTAN depuis 1952. D’autre part, depuis des années, l’Union Européenne dépense des milliards d’Euros pour la pré-adhésion de la Turquie. En effet, les USA ne veulent avoir en Europe qu’un seul numéro de téléphone, en pratique celui de l’OTAN, à savoir celui de l’Organisation des Territoires sous Administration Nord-américaine. La Turquie étant dans l’OTAN, il faut que le périmètre de l’Union Européenne soit donc ajusté pour inclure la Turquie. Et peu importe ce qu’en pensent les malheureux peuples européens.
Jusqu’à présent, depuis des décennies sinon des siècles, la Turquie a plutôt été un ennemi potentiel ou avéré de la Russie. C’est une des raisons qui ont motivé le(s) génocide(s) des Arméniens, soupçonnés entre 1870 et 1920 de préférer la Russie à la Turquie. D’autre part, la Turquie est plutôt hostile à la Syrie de Bachar el-Assad, allié de la Russie. On peut comprendre que la Turquie s’empiffre cyniquement des milliards que l’Union Européenne lui donne en pure perte et par pure idiotie. Il est beaucoup plus étonnant qu’un membre de l’OTAN fasse une alliance énergétique de première importance avec un ennemi de l’OTAN. C’est ce qu’il faut élucider.
A diverses reprises, la Turquie avait déjà manifesté une certaine mauvaise humeur, refusant de laisser passer les avions américains au dessus de son sol, s’acoquinant avec le Brésil qui ne cache pas un certain anti-américanisme, etc. Mais il semble qu’on soit passé de la bouderie à la fâcherie sévère. Il y a sans doute une raison au courroux de Recep Tayyip Erdoğan, le très néo-ottoman sultan de la Turquie, et cette raison s’appelle l’Irak, et plus spécialement le Kurdistan irakien.
Je n’ai personnellement toujours pas très bien compris ce que les USA voulaient faire en Irak en 2003, ni s’ils le savaient eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, on peut juger une politique à ses fruits.
« Job done » et « Mission accomplished », concrètement, cela veut dire que l’Irak est détruit en tant qu’entité étatique. Il y a maintenant 3 Irak : le sud shiite, le Kurdistan irakien et le califat des mabouls djihadistes. Notons au passage que le Kurdistan irakien possède à lui-seul le huitième rang des réserves gazo-pétrolières actuelles. Comme par hasard, le consulat américain est installé à Mossoul, capitale du Kurdistan irakien, de facto un quasi-état indépendant sous protectorat des USA. Compte tenu du contentieux séculaire entre Turcs et Kurdes, c’est très certainement une situation qui déplaît au plus haut point à la Turquie. La politique des USA et de l’OTAN nuit à la Turquie et c’est certainement ce qui motive le rapprochement inattendu de la Russie et de la Turquie. Au passage, on notera que les avions américains décollent pour protéger Mossoul, mais que les USA se contrefichent impérialement du sort des minorités égorgées et pourchassées par les djihadistes.
On aura noté que la Turquie ne fait rien pour contrôler ou entraver le va-et-vient des djihadistes, venus d’Europe et passant par son territoire. On sait peut-être moins que beaucoup de djihadistes du califat irakien (Daesh) ont été formés en mai 2014 dans les bases de l’OTAN en Turquie. A l’époque, les USA comptaient sans doute manipuler les djihadistes pour faire tomber Bachar el-Assad, qui résiste vaillamment depuis 3 ans à différentes agressions extérieures. Mais, au final, on peut se demander si le bénéficiaire de la politique du pire menée par les USA avec les djihadistes n’est pas la Turquie. En effet, cette dernière a tout intérêt à pourrir la vie du Kurdistan irakien en alimentant en permanence la purulence djihadiste aux portes, voire sur le sol du Kurdistan. En tout cas, il est douteux que la Turquie se satisfasse d’un Kurdistan fort et stable.
Le califat des mabouls djihadistes en Irak est une création des USA, qui instrumentalisent et manipulent depuis des années l’islam radical le plus virulent, mais il est en fait l’allié objectif de la Turquie. Les USA ont donc deux ennemis : un ennemi qu’ils ont fabriqué eux-mêmes, à savoir les Russes, et un ennemi hypocrite, qui est théoriquement leur allié au sein de l’OTAN mais qui est de plus en plus hostile à leur politique sur le territoire de feu l’Etat irakien.
Ousama Ben Laden (agent américain dans les années 1970) Al-Baghdadi, calife de l’Etat Islamique, et le sénateur américain McCainSur la période 2007-2013, l’Union Européenne a donné presque 1 milliard d’Euros (865,7 millions) pour « le développement rural » de la Turquie, à savoir des subventions à l’agriculture turque. Nous nourrissons notre ennemi, pendant que nos paysans français se suicident au rythme de un par jour.
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