Nous pourrions aussi intituler cet impromptu, la science inconvenante.
La science, dans son acception générale, est la connaissance des réalités du monde par les causes. De quelle science moderne s’agit-il ici ? De celle des lois physiques ou des lois naturelles, de ces lois nombreuses et complexes qui régissent le monde visible ou observable, et que le physicien examine, explique et démontre rationnellement, mathématiquement, sans désormais la moindre étincelle d’étonnement, de reconnaissance, ni de glorification.
La pierre angulaire de l’édifice scientifique ainsi désigné s’appelle Albert Einstein (1879-1955). Un homme assurément génial. Avant lui, la science physique de la Grèce antique puis du 17e s, imparfaite et toujours en devenir, ne faisait pas l’économie des dieux puis de Dieu car la sur éminence causale d’un Dieu dans le monde visible, dans ce monde causé et ce monde de composition, relevait de l’évidence comme le fait de constater par un jugement immédiat que le tout est supérieur à la partie. A partir d’Einstein, le monde physique ne se pose plus dans sa dimension éthique ni esthétique. Il ne se pose plus dans sa dimension ontologique ni même religieuse. Il s’expose, séparément et froidement, dans les ramifications croisées des théories des champs de la gravitation, de la lumière corpusculaire et de l’électrodynamique des corps dans l’espace-temps ; le savant qui l’observe ne porte plus son intelligence à l’éblouissement d’une cause première éminemment première car non causée, il la circonscrit dans le champ qui est le sien, celui de l’équation mathématique.
Cette séparation des champs d’études de la science et de Dieu, nécessaire dans le déroulement de l’étude mais pas dans ses inductions ni dans sa finalité, devient le handicap de la science moderne. Elle s’isole orgueilleusement dans la spécificité de son savoir et ne suscite plus d’engouement. Quel intérêt de disséquer le fonctionnement de l’univers s’il s’agit d’en négliger la cause efficiente qui le suppose et la cause finale qui l’ordonne ? Car ce tout d’ordre universel n’a aucun sens s’il est séparé de sa fin, c’est-à-dire du bien pour lequel il existe. Le scientifique contemporain tourne et retourne dans l’entrelacs de ses recherches. Il vit séparé de tous, prisonnier de son champ gravitationnel, enfermé dans la caverne de sa science sans conscience. Platon a une fois encore raison.
Le travail de Michel-Yves Bolloré et d’Olivier Bonnassies, « Dieu, la science, les preuves » (Guy Trédaniel, 2021), a le mérite de rétablir le lien de causalité entre une réalité physique ou biologique existante, ô combien fine, précise et complexe, et son nécessaire auteur, Dieu.
Il redonne du sens à la science en reliant le « déjà là » de Dieu au déroulement de l’existant jusqu’à son aboutissement. S’il y a une fin, en effet, dans la trajectoire thermodynamique de l’univers, c’est qu’il y a un commencement, fut-il ponctuel, et donc une cause pour le déclencher. Cette cause première s’appelle Dieu. Le chrétien ne peut qu’applaudir à cette affirmation d’une unité et d’une simplicité causale non causée, productrice d’une infinité de multiples et glorifier ainsi Dieu dans ses œuvres. St Paul nous le dit avec netteté : les perfections invisibles de Dieu sont rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres « de sorte que sont inexcusables ceux qui ont connu ce qui peut être connu de Dieu et ne l’ont pas glorifié comme Dieu » (Romains 1,20).
Or la réponse que donnent le jésuite François Euvé et Etienne Klein dans « La science : l’épreuve de Dieu » (Salvator 2022) illustre la faute inexcusable de ces scientifiques qui renoncent à glorifier Dieu dans ses œuvres.
En séparant autoritairement les champs d’analyse de la science moderne avec la cause première qui les rend possibles, François Euvé, jésuite répétons-le, se rend volontairement coupable de cette culpabilité des idolâtres auxquels renvoie St Paul. A force de répéter que Dieu est un Dieu personnel dont les œuvres seraient hors du champ de l’analyse scientifique, il renonce à l’affirmation catholique d’un « Dieu créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible ». Pas de concordance entre l’agir de Dieu et l’agir de l’univers pour ce « catholique », ni surtout de lien de causalité entre les deux. Encore moins de certitude. Ces hommes-là séparent à ce point la foi et la science que les incertitudes de la seconde gagnent la première pour la laisser envahir par le doute ou, au contraire, les certitudes de la seconde vident la première de sa substance. Descartes est toujours là. Pour le catholique moderniste, la foi sans le doute devient une « irrationalité fidéiste » et la science sans la foi devient une exigence rationnelle.
L’homme contemporain est pauvre. Il a congédié Dieu, le prêtre a disparu, et le « psy » l’a remplacé ! Le scientifique contemporain est pauvre. Il chasse Dieu, le met hors champs, et l’équation mathématique d’Einstein l’a remplacé. Avec quelle arrogance !
Séparer Dieu et la science, c’est prendre le risque, d’être à son tour méconnu de Dieu et s’entendre dire par lui au moment décisif : « vous ne m’avez pas reconnu dans mes œuvres, je ne vous connais pas » !
Dieu n’entrainera pas « captive la captivité » (Ps 67.18-19) des scientifiques modernes. Il ne les libèrera pas de leur joug scientifique pour les captiver par son bonheur éternel.
Gilles Colroy.
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